• Aucun résultat trouvé

5.2 Jonction Josephson

5.2.3 Modèle RCSJ

Afin de décrire quantitativement la dynamique de la différence de phase à travers une jonction Josephson, en tenant compte des capacités et des résistances existant en parallèle avec la jonction, on peut introduire un modéle largement utilisé [238, 239] : le modèle « élec- trique » RCSJ (Resistively and Capacitively Shunted Junction). Dans ce modèle simple, la jonction est assimilée à un circuit électrique schématisé sur la figure 5.2. Il se compose d’un élément purement Josephson, d’une capacité C et d’une résistance en parallèle R. La croix symbolise la partie Josephson qui peut être décrite par les deux relations de Josephson (5.1) et (5.2). La résistance est associée au courant de quasiparticules. Cette résistance peut aussi tenir compte d’une résistance de shunt, pouvant être connectée en parallèle à une jonction Josephson pour changer ses propriétés. La capacité C dépend de l’épaisseur, de la constante diélectrique de la barrière isolante et aussi de l’aire de la jonction.

Le courant total circulant à travers la jonction est la somme des courants IR, IC et IJ

traversant respectivement la partie résistive, la capacité et l’élément Josephson (Fig. 5.2).

R

I

C

IC

IR

IJ

Modèle RCSJ

Fig. 5.2 – Représentation RCSJ d’une jonction Josephson. La croix symbolise l’élément Josephson, purement non dissipatif.

A l’aide des deux relations de Josephson (5.1) et (5.2), on obtient :

I = IR+ IC+ IJ = V R + C ∂V ∂t + Icsin Φ (5.5) = 1 R · ~ 2e · ∂Φ ∂t + C ~ 2e · ∂2Φ ∂t2 + Icsin Φ (5.6)

En multipliant les termes de (5.6) par ~/2e, on peut écrire :  ~ 2e 2 · 1 R · ∂Φ ∂t + C ∂2Φ ∂t2  = −∂E ∂Φ (5.7) avec : E = −EJ I IcΦ + cos Φ  (5.8) où EJ = ~Ic/2e est l’énergie Josephson de la jonction.

L’équation (5.7) est analogue à l’équation du mouvement d’une balle d’énergie poten- tielle E (Tab. 5.1). La balle évolue dans le potentiel et sa position est donnée par Φ. La différence de tension V à travers la jonction est proportionnelle à la vitesse de la balle ∂Φ/∂t. Le terme dans lequel figure la capacité C correspond à la masse de la balle et le terme en 1/R représente l’amortissement du mouvement dans le champ de potentiel.

Mécanique classique Paramètres équivalents pour la jonction Josephson

Position Φ Vitesse ∂Φ/∂t = 2eVh Masse C ~ 2e 2 Frottement 1 R· ~ 2e 2 Potentiel E = −~Ic 2e  I IcΦ + cos Φ 

Tab. 5.1 – Analogie mécanique entre l’évolution de la différence de phase à travers la jonction Josephson dans le modèle RCSJ et la dynamique d’une balle d’une certaine masse, soumise à une force de frottement dans un champ de potentiel.

Le potentiel E, connu sous l’appellation de « tôle ondulée », est tracé en fonction de la phase Φ sur la figure 5.3. La forme et l’inclinaison du potentiel dépendent essentiellement du rapport I/Ic. Lorsque |I| < Ic, la balle est confinée à l’intérieur d’un minimum local

de potentiel. Elle est alors piégée à l’intérieur d’un puits de potentiel dont elle ne peut s’échapper. Par contre, la balle peut osciller sous l’effet des fluctuations thermiques au fond du puits autour de sa position d’équilibre à sa fréquence caractéristique propre, appelée fréquence plasma wp. On peut montrer que la fréquence des oscillations dans la limite où

I ≪ Ic est donnée par [240] :

wp= wp0 4 s 1 − II c 2 , wp0= r Ice πhC (5.9)

Durant les oscillations plasma, la vitesse moyenne de la balle est nulle. La tension V aux bornes de la jonction est nulle et la jonction est dans l’état supraconducteur. Le cou- rant supraconducteur maximal est Ic. Si le courant traversant la jonction est supérieur

au courant critique (I/Ic > 1) alors les puits de potentiel disparaissent et la balle com-

l’augmentation constante de Φ entraîne une différence de potentiel finie V à travers la jonction. Le système transite dans un état dissipatif. La différence de phase aux bornes de la jonction n’est plus fixe et subit des rotations successives de 2π. La fréquence ca- ractéristique de rotation de la phase lorsque la valeur du courant est proche de Ic est

définie par γ = 2eRIc/~. Dans la limite où I ≫ Ic, la vitesse de la balle est déterminée

uniquement par le terme en 1/R et la jonction est par conséquent dans un régime ohmique.

Fig. 5.3 – Energie potentielle E de la tôle ondulée en fonction de la phase Φ pour : (a) I/Ic = 0, (b) I/Ic = 0.5 et (c) I/Ic = 1.1. L’état du système peut être décrit par une

balle évoluant dans le potentiel E à la vitesse ∂Φ/∂t. L’inclinaison de la tôle ondulée et la profondeur des minimums de potentiel dépendent du rapport I/Ic. Si I < Ic alors la

balle peut rester piégée à l’intérieur d’un puits de potentiel et la tension aux bornes de la jonction est nulle. Si I > Ic, la balle descend l’allure du potentiel à une vitesse constante

et une tension finie se développe à travers la jonction.

Quand la jonction est dans un état dissipatif et que le courant est redescendu à une valeur inférieure au courant critique, la balle peut se piéger à nouveau dans un minimum de potentiel. Si l’amortissement est suffisamment important (faible valeur de R), le système peut revenir continûment dans un état non dissipatif. Par contre, si le système est faible- ment amorti (valeur de R élevée) alors le mouvement de la balle peut persister à une valeur du courant inférieure au courant critique. Lorsque le courant diminue encore, le système redevient supraconducteur à une valeur de courant plus faible que le courant critique. Ceci se traduit par l’apparition d’une hystérésis dans les caractéristiques I-V de la jonction. Le caractère hystérétique de la jonction peut être estimé en introduisant le facteur de qualité défini par : Q = 4π 2RC wp0 2 (5.10)

Si Q ≪ 1 alors la jonction n’a pas d’hystérésis et si Q ≫ 1, les caractéristiques I-V de la jonction sont fortement hystérétiques. Entre les deux extrêmes, la jonction peut présenter une hystérésis modérée.

Si l’on tient compte de la température alors l’énergie totale de la jonction Josephson est soumise à des fluctuations thermiques de l’ordre de kBT où kB = 1.38 · 10−23J.K−1 est

la constante de Boltzmann. Afin que la dynamique de la jonction ne soit pas dominée par les fluctuations thermiques, celles-ci doivent être faibles devant l’énergie de Josephson EJ.

Dans des jonctions hystérétiques, les fluctuations thermiques peuvent conduire à une tran- sition prématurée (c’est-à-dire à I < Ic) de l’état supraconducteur à l’état résistif. Dans

des jonctions non hystérétiques, la jonction dans l’état non dissipatif peut être activée ther- miquement. La balle peut sortir d’un puits de potentiel pour être piégée ensuite dans un autre si l’amortissement de la jonction est suffisament fort. Elle diffuse d’un minimum de potentiel à un autre avec une vitesse moyenne faible mais non nulle. La différence de phase à travers la jonction tourne lentement dans le puits de potentiel et induit une tension aux bornes de la jonction. Cet effet, connu sous le nom de « diffusion de phase » [241], conduit à une résistance faible mais non nulle dans l’état non dissipatif.