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Le remplissage des nanotubes in situ est réalisé en une seule étape de synthèse. Les deux techniques permettant le remplissage des nanotubes de carbone pendant leur croissance sont les procédés par arc électrique et CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition). Ces deux techniques conduisent en général à la synthèse et au remplissage de nanotubes mul- tiparois (MWNTs).

2.2.1 Arc électrique à anode composite

Cette technique repose sur la création d’un arc électrique entre deux électrodes de graphite aux bornes desquelles est appliquée une différence de potentiel. Des températures de plusieurs milliers de degrés sont atteintes et subliment les éléments constituant l’anode au sein d’un plasma, puis recondensent en des endroits divers du réacteur. La synthèse de MWNTs remplis est réalisée en dopant l’anode avec l’élément à encapsuler à l’intérieur des nanotubes. C’est d’ailleurs cette technique qui a permis la découverte accidentelle des nanotubes simple paroi (SWNTs) en voulant initialement remplir des MWNTs avec du Fe [18] et avec du Co [44]. Les MWNTs se forment sur la cathode au sein d’un dépôt constitué de nombreux sous produits de synthèse (nanoparticules métalliques, carbone amorphe, coques de carbone, ...). Une partie des MWNTs formés à la cathode est remplie de l’élément initialement utilisé pour doper l’anode. Cette technique a permis de synthétiser des nanotubes remplis avec des carbures métalliques [115, 116, 32, 117, 118], des métaux de transition (Ti, Cr, Ni, Cu, ...) [119, 120, 121], des terres rares (Dy, Gd, ...) [119, 32] et d’autres éléments (S, Ge, Sb, Se, ...) [32, 122, 121].

Fig.2.1 – Cliché TEM haute résolution d’un MWNT rempli, par le procédé d’arc électrique, d’un fil métallique de Cr. Le remplissage est un monocristal en croissance épitaxiale sur les parois du nanotube [123].

Les taux de remplissage dépendent fortement de la nature de l’élément inséré. Les na- notubes sont généralement remplis partiellement par des particules ou par des fils dont la longueur peut atteindre plusieurs µm. Demoncy et al [119, 123] ont montré que la présence

de soufre initialement en quantité infime dans les électrodes en graphite joue un rôle essen- tiel dans le mécanisme de remplissage. Cependant, ce soufre peut se retrouver également présent dans le remplissage et conduire à la formation de sulfures métalliques [119, 32]. La qualité cristalline du remplissage dépend des conditions de refroidissement du dispo- sitif [119]. Une solidification rapide du matériau à partir de l’état liquide conduit plus probablement à un remplissage polycristallin tandis qu’un refroidissement lent entraîne la formation de monocristaux, obtenus parfois en croissance épitaxiale sur les parois du nanotube (Fig. 2.1). Les nanotubes sont en général fermés à leurs deux extrémités et le matériau encapsulé est parfaitement protégé vis-à-vis de l’oxydation de l’environnement extérieur par plusieurs couches graphitiques.

Cette technique a également permis de remplir, en faible quantité, des SWNTs formés dans la « toile » ou la « collerette » avec du bismuth [124] et avec des C60 [125, 126]. Ce sont

les deux seuls exemples de remplissage de SWNTs par arc électrique. Cette technique de synthèse reste essentiellement applicable au remplissage de MWNTs.

2.2.2 CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition)

Dans le procédé CCVD, un gaz carboné réactif se décompose sur des particules de ca- talyseur. Le carbone nécessaire à la formation des nanotubes provient du gaz carboné. Les nanotubes croissent à partir des particules de catalyseur. L’excès de catalyseur nécessaire à la formation des nanotubes peut être encapsulé à l’intérieur des nanotubes pendant leur for- mation sous la forme de particules ou de fils continus. La température de synthèse est plus basse que pour l’arc électrique et est typiquement comprise entre 500 et 1100˚C. Comme le composé encapsulé doit être aussi catalyseur de la croissance des nanotubes, le nombre d’éléments encapsulables par cette méthode est plus faible que pour l’arc électrique. Par contre, cette technique est plus appropriée pour remplir des MWNTs avec des métaux de transition ferromagnétiques comme le Fe [127, 128, 129, 130, 131, 132], le Co [133, 134] et le Ni [135, 136, 133]. Des remplissages composés d’alliages de Fe et de Ni ont également été réalisés [137]. La figure 2.2 présente des MWNTs remplis de Fe par un procédé CCVD assisté par catalyse, en partant d’un mélange gazeux d’éthylène et de ferrocène chauffé à 1000˚C sous pression réduite [127, 129]. Le remplissage est partiel, néanmoins de l’ordre de 60%, avec des nanotubes remplis sur plusieurs centaines de nm de long. Les cristaux de Fe sont généralement aussi larges que le diamètre interne du tube contenant (i.e., de l’ordre de 5-50 nm). D’autres éléments peuvent aussi être encapsulés par cette technique mais ils sont plus rares (Cu, Ge [138], Sn [139], Pd [140], ...). Les qualités graphitiques des parois du nanotube et crystallographiques du remplissage peuvent être comparables avec celles des nanotubes remplis par arc électrique (Fig. 2.2.b). Par contre, la technique CVD conduit en général à moins de résidus de synthèse que l’arc électrique.

Les méthodes CCVD et par arc électrique sont intéressantes car elles permettent de remplir des nanotubes en une seule étape. Les parois des nanotubes ne subissent aucun traitement ultérieur et sont laissées intactes après la synthèse. Cependant, ces techniques

conduisent en général à une grande hétérogénéité des diamètres des nanotubes. Ces mé- thodes sont limitées au remplissage de MWNTs de diamètres allant de quelques nanomètres à plusieurs centaines de nanomètres, suivant les conditions de synthèse. De plus, les rem- plissages sont en général composés des éléments purs ou plus rarement des carbures. Les températures élevées dans le plasma d’arc électrique ne permettent pas de remplir les nanotubes avec des oxydes ou des sels métalliques.

10 nm

50 nm

a

b

Fig. 2.2 – (a) Image TEM à faible grossissement de MWNTs remplis in-situ de Fe par décomposition catalytique du ferrocène à 1000˚C [127, 129]. Les MWNTs sont remplis par- tiellement de nanoparticules et de nanofils monocristallins de quelques centaines de nm de long. Les diamètres extérieurs et intérieurs des MWNTs sont très variables. (b) Image d’un MWNT rempli d’un nanofil de Fe. Les nanotubes obtenus sont de type concentrique, avec un degré d’ordre nanotextural élevé. La phase de remplissage est de structure cubique centré (Fe-α).