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III. Les hormones stéroïdes et leurs récepteurs

5. Mécanismes d’action des récepteurs aux œstrogènes

5.2 Voies génomiques des œstrogènes

La majorité des répresseurs agissent via le recrutement de complexes protéiques HDAC qui

condensent la chromatine. Ce mécanisme aboutit donc in fine par une régulation négative de la

transcription (Jepsen and Rosenfeld, 2002).

5.2Voies génomiques des œstrogènes

a. Voie génomique classique des œstrogènes : ligand- et ERE-dépendante

Dans le cas de la voie classique des œstrogènes dépendante du ligand (Figure 32 A), le récepteur

aux œstrogènes ERα dimérisé se fixe sur des séquences palindromiques « ERE » pour Estrogen

Response Element (Gruber et al., 2004). Ces séquences consensus sont situés à proximité du

promoteur d’un gène cible du coté 5’. Les interactions avec des coactivateurs, décrits

précédemment, stabilisent la formation du complexe de préinitiation de la transcription, ainsi que

le remodelage de la chromatine. Ces processus influencent l’expression des gènes cibles en aval de

manière positive ou négative (Hall et al., 2001).

Cette voie nécessite une collaboration des deux domaines de transactivation AF-1 et AF-2. En effet,

la poche de liaison au ligand en C-terminal est la région qui fixe des coactivateurs tels que la famille

SRC. De plus, l’hélice H12, qui bascule et verrouille la poche de fixation au ligand, a un impact

sur la conformation de la protéine et donc sur le fonctionnement de l’activité transcriptionnelle. En

parallèle de ce domaine en C-terminal, le domaine AF-1 conduit une action synergique avec AF-2

grâce au repliement de la protéine et à l’interaction des deux domaines et des corégulateurs.

Ainsi, ERα peut réguler de façon directe, l’expression de multiples gènes impliqués notamment

dans l’angiogenèse (par exemple : vascular endothelial growth factor VEGF), la survie cellulaire

(par exemple : Bcl2), la prolifération cellulaire (par exemple : cyclines D) (Kalaitzidis; O’Lone et

al., 2004).

b. Voie génomique ERE-indépendante

ERα peut également induire une voie ERE-indépendante après liaison avec son ligand (Figure 32

B). Il est toujours importé dans le noyau mais dans ce cas, il va interagir avec des facteurs de

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transcription. Ce sont les facteurs de transcription qui, via la fixation à des gènes cibles, induiront

leurs transcriptions indépendamment des séquences ERE (Kalaitzidis; Nilsson et al., 2001).

La protéine Sp1 (Stimulating protein) est le médiateur principal de cette voie indépendante des

ERE. Sp1 activée par ERα se lie à des séquences promotrices riches en GC et induit par exemple

la transcription du récepteur α1 de l’acide rétinoïque (RARα1), de c-fos et de l’insuline like growth

factor binding protein 4 (IGF4) (Marino et al., 2006; Saville et al., 2000).

ERα peut également interagir avec la sous-unité c-rel de NFκB, et par ce biais, aurait une activité

de répresseur E2-dépendante de l’interleukine 6 (Kalaitzidis; Marino et al., 2006; Nilsson et al.,

2001). Ce mécanisme a été décrit dans une lignée de cellules cancéreuses mammaires ER-

surexprimant ERα et conduit à un ralentissement de la prolifération (Bhat-Nakshatri et al., 2004;

Galien and Garcia, 1997).

Enfin, une liaison protéine-protéine entre les facteurs de transcription fos/jun et les sites AP-1 est

décrite après activation par ERα. Pour cette activité, les domaines AF-1 et AF-2 sont indispensables

au recrutement et à la fixation des corégulateurs de la famille p160. Les complexes ainsi formés

conduisent à la transcription de gènes caractéristiques de la prolifération cellulaire (Hall et al.,

2001; Marino et al., 2006).

c. Voie génomique indépendante du ligand

Dans cette voie alterne, des signaux extracellulaires provenant de récepteurs membranaires peuvent

activer le récepteur aux œstrogènes ERα en absence de ligand (Figure 32 C). Ce mécanisme met

en jeu des facteurs de croissance, tels que les polypeptides EGF (Epidermal Growth Factor) ou

IGF1 (Insulin-like Growth Factor I) qui induisent l’activité de kinases intracellulaires. Ces

phosphorylations conduisent à activer ERα et la transcription de ses gènes cibles (Smith, 1998).

Dans cette voie, le domaine AF-1 de transactivation indépendante du ligand est indispensable. En

effet, c’est principalement à ce niveau que les kinases activent le récepteur et contribuent à la liaison

avec des corégulateurs transcriptionnels. Ainsi, il est décrit, in vivo et in vitro que le résidu sérine

118 de l’AF-1 peut être phosphorylé par les ERK1/2 (MAPK), action qui contribue à terme à la

transcription de gènes cibles (Coutts and Murphy, 1998; Kato, 2001; Kato et al., 1995).

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d. Voie non génomique initiée à la membrane

En parallèle des voies génomiques décrites ci-dessus, une signalisation non génomiqueinitiée à

la membrane peut être déclenchée en quelques secondes ou minutes (Figure 32 D). Elle met en

jeu uniquement des récepteurs membranaires.

Dès 1942, Hans Selye évoque une action rapide des stéroïdes (Moriarty et al., 2006). Pour ce qui

est des œstrogènes, Szego et Davis, en 1967, montrent en premier une augmentation du second

messager AMPc (Adénosine MonoPhosphate cyclique) dans l’utérus de ratte environ 15 secondes

après une injection d’E2 (Szego and Davis, 1967). Puis en 1975, l’existence de flux calciques dans

des cellules de l’endomètre in vitro en présence d’E2 est aussi découverte (Pietras and Szego,

1975).

Dès lors de nombreuses équipes de recherche ont cherché à comprendre les mécanismes rapides de

signalisation des œstrogènes. Et depuis ces 15 dernières années, de nombreuses découvertes ont eu

lieu à ce sujet.

Ces mécanismes non génomiques sont initiés dans les cellules des tissus reproducteurs (glande

mammaire, ovaire, utérus) mais également dans les tissus osseux et neuronal, ainsi que dans

l’endothélium vasculaire. Dans ces différents compartiments sont exprimés les récepteurs

membranaires à l’origine de cette signalisation : GPER, mais également le variant ERα36 (Hall et

al., 2001; Moriarty et al., 2006). Mais il est à noter qu’ERβ, ainsi qu’ERα66 et ERα46 peuvent

également induire cette voie (Kelly and Levin, 2001; Wang et al., 2015). La localisation des

récepteurs à la membrane est permise grâce à l’activité de palmitoylacyltransférases (DHHC7 et

DHHC21), ainsi qu’à l’oligomérisation avec la protéine de choc thermique HSP27. Par ce

processus, le récepteur membranaire peut être pris en charge par des cavéolines (cavéoline 1) et

s'ancre alors dans la membrane plasmique sous forme de dimère (Edwards, 2005; Soltysik and

Czekaj, 2013).

Aujourd’hui, nous savons que la voie non génomique initiée à la membrane regroupe différentes

signalisations intracellulaires aboutissant à des effets physiologiques rapides, notamment

l’activation des MAPK, l’activation de PI3K/Akt, l’induction des flux ioniques comme Ca2+,

l’activation de seconds messagers comme l’AMPc, l’activation de récepteurs de facteurs de

croissance. Ces mécanismes sont en lien avec ceux déclenchés par la voie génomique indépendante

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du ligand (Moriarty et al., 2006; Soltysik and Czekaj, 2013). Afin de conduire à ces activations, les

récepteurs membranaires des œstrogènes nécessitent de former des « signalosomes ». Pour cela ils

s’associent avec des partenaires protéiques présentant une activité kinase (par exemple des

métalloprotéinases matricielles MMP ou encore Src) (Moriarty et al., 2006).

Les effets en aval peuvent être variés et sont dépendants du tissu dans lequel ces voies sont induites.

Dans le cas du cancer du sein, l’activation de cette voie contribue à la prolifération, la migration et

l’invasion cellulaire.

6. Cas particulier du mode d’action d’ERα36 dans les tumeurs