II. Développement anormal de la glande mammaire
2. Facteurs de risque du cancer du sein
2.1 Facteurs de risque internes
relatifs à notre comportement et les risques environnementaux auxquels nous sommes exposés, ils
sont - plus ou moins - évitables.
Quel que soit l’origine de ces risques, une hiérarchie a été mise en place. Le risque de développer
un cancer du sein est qualifié de moyen quand il n’existe ni prédisposition génétique, ni
d’antécédent de lésion précancéreuse mammaire. Ce risque est évalué à 12% (Krishnamurthy et
al., 2016). Le risque élevé concerne des personnes présentant un antécédent familial au premier
degré avant 50 ans par exemple, ou encore des antécédents d’hyperplasie atypique (Hartmann et
al., 2014). Enfin les mutations héréditaires de BRCA1 ou BRCA2 contribuent à un risque qualifié
de très élevé de développer un cancer du sein (Krishnamurthy et al., 2016).
2.1Facteurs de risque internes
Ces facteurs de risque regroupent les risques liés à la personne elle-même : son âge, son patrimoine
génétique, son histoire hormonale.
a. L’âge
Plus d’un nouveau cas sur deux de cancer du sein en France touche la femme âgée de 50 à 74 ans,
et parmi ces femmes 47% ont plus de 65 ans (projection pour 2015, Léone et al., 2015). Ces chiffres
montrent que l’âge est le premier facteur de risque de développer ce cancer (Institut National du
Cancer, 2014). Cette pathologie est rare chez la femme de moins de 35 ans, et exceptionnelle en
dessous de 20 ans (Brinton et al., 2008; Colditz et al., 2014). L’accumulation de dommages
génétiques au cours de la vie contribue à faire de l’âge le premier facteur de risque de nombreux
cancers.
b. Imprégnation hormonale de l’individu : puberté, grossesse, allaitement et ménopause
En 1926, une épidémiologiste anglaise J. Lane-Claypon décrivait un possible lien entre la survenue
du cancer du sein et différents facteurs relatifs au cycle reproducteur féminin (Press and Pharoah,
2010).
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Depuis, le développement d’un processus tumoral mammaire a notamment été montré comme étant
influencé par l’imprégnation hormonale au cours de la vie : plus l’exposition au système endogène
des œstrogènes est importante, plus le risque de développer un cancer du sein l’est également. De
ce fait, les différentes étapes clés du cycle reproducteur de la femme jouent un rôle dans l’étiologie
de cette pathologie (Kelsey et al., 1993; Russo and Russo, 2000).
Âge de la ménarche et de la ménopause
Depuis le 19ème siècle, aussi bien en France que dans d’autres pays industrialisés, l’âge des
premières règles ou ménarche diminue. Cette maturité sexuelle plus précoce chez la femme peut
être la conséquence de différents facteurs socio-économiques et environnementaux, par exemple
l’exposition à des perturbateurs endocriniens, une alimentation riche en protéines animales, une
activité physique insuffisante (Berkey et al., 2000; Colditz et al., 2014; Karapanou and
Papadimitriou, 2010; Parent et al., 2003). Ce phénomène a un impact sur la santé future de la
femme, en contribuant notamment à l’augmentation du risque de développer un cancer du sein
(Colditz et al., 2014; Parsa and Parsa, 2009; de Waard and Trichopoulos, 1988). L’allongement de
la période reproductive féminine entraîne notamment la hausse de ce risque pour les cancers du
sein hormono-dépendants (Li et al., 2008). Une précocité de la ménopause aurait alors un effet
protecteur (Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer, 2012) ; ce lien a été
démontré dès 1956 (Bode and Dong, 2009).
Parité et âge au premier enfant
De plus, une première grossesse tardive, voire la nulliparité, contribue également à ce risque accru
de développer un cancer (Clavel-Chapelon and E3N-EPIC Group, 2002; Tamakoshi et al., 2005).
Ainsi, plus la première grossesse a lieu précocement, plus la différenciation totale de la glande
mammaire peut se dérouler tôt, ce qui aurait un effet protecteur vis-à-vis de l’initiation d’un
processus tumoral (Pontén et al., 1990). En effet, plus le temps entre la ménarche et la naissance
du premier enfant est court, plus le temps d’exposition aux œstrogènes endogènes le sera
également. Cette période est critique quant à l’exposition à des carcinogènes (Colditz and Frazier,
1995).
Gène Chromosome Syndrome Organes Risque Références
BRCA1
et
BRCA2
17 et 13
syndrome
héréditaire de
prédisposition au
cancer du sein et
de l’ovaire
Ovaire, sein 40-85%
Easton (1995), INCa,
Krishnamurthy
(2016), Malone
(2000), Petrucelli
(2010), Rakha (2008),
Walsh (2006),
Wooster (1995).
PTEN 10 Cowden
Endomètre,
sein,
thyroïde
25-50x
Apostolou (2013), Li
(1997), Mester (2015),
Nelen (1997),
Petrucelli (2010),
Pilarski (2009 et
2013)
TP53 17 Li Fraumeni Muscles,
sein, os 18-60 x
Apostolou (2013),
Krishnamurthy
(2016), Walsh (2006).
STK11 19 Peutz-Jeghers
Ovaire,
sein,
testicule
Apostolou (2013)
CDH1 16
Cancer
gastrique,
sein
39-54% McVeigh 2014,
Schrader 2008
Tableau 1 : Susceptibilité génétique à haute pénétrance dans le cancer du sein
Ce tableau recense les gènes « suppresseurs de tumeurs » pouvant subir des mutations délétères
et considérés comme « gènes de susceptibilité à haute pénétrance » dans le cancer du sein. Leurs
localisations chromosomiques, les syndromes, organes et risques associés sont également
présentés dans ce tableau.
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Allaitement
L’idée que la durée de l’allaitement pourrait jouer un rôle dans la susceptibilité de développer un
cancer du sein avant la ménopause avait été suggérée par Lane-Claypon en 1926 (Press and
Pharoah, 2010). Depuis de nombreuses études épidémiologiques soulignent qu’il peut y avoir un
effet protecteur en cas d’allaitement long. Néanmoins cet effet est difficile à quantifier de par la
difficulté de trouver un nombre suffisant de femmes pour des études statistiques sur l’allaitement
long. Cet effet protecteur est expliqué par certains par l’absence de cycle ovulatoire lors de
l’allaitement, et donc un taux réduit d’œstrogènes endogènes, cumulé à une production de
prolactine (Key and Pike, 1988; Lipworth et al., 2000).
c. Prédispositions génétiques dans le cancer du sein
Outre ces facteurs, la prédisposition génétique explique 5 à 10% des cas de cancer du sein
(American Cancer Society, 2012). Ces cancers dus à des gènes de susceptibilités peuvent être
scindés en trois groupes en fonction de la pénétrance du gène : gènes à haute pénétrance, à
pénétrance modérée et à faible pénétrance.
Gènes à haute pénétrance
BRCA1, BRCA2, PTEN, TP53, STK11, CDH1 sont des gènes « suppresseurs de tumeurs » qui
peuvent subir des mutations délétères conduisant au développement d’un cancer du sein. Le mode
de transmission à la descendance est autosomique dominant, ce qui contribue à une forte prévalence
de ces gènes dans la population (Apostolou and Fostira, 2013; McVeigh et al., 2014; Shiovitz and
Korde, 2015) (Tableau 1).
Gènes à pénétrance modérée
D’autres mutations touchent des gènes dits à pénétrance modérée : CHEK2, BRIP1, ATM, PALB2.
Ce sont des gènes en interaction avec BRCA1 et/ou BRCA2 et leurs mutations augmentent le risque
de développer un cancer du sein de l’ordre de deux fois(Shiovitz and Korde, 2015).
Dans le document
Impact d'une surexpression d'ERα36 et/ou d'une exposition aux alkylphénols sur la physiopathologie de la glande mammaire
(Page 47-51)