I. Le variant ERα36 : lien avec la progression tumorale du cancer du sein ?
2. Méthodes et résultats
Les expressions géniques dans les 118 cDNA ont été déterminées par PCR en temps réel, en
normalisant les valeurs par rapport à l’expression du gène contrôle RPLPO avec le calcul du ΔC(t)
Figure 39 : Étude rétrospective de tumeurs mammaires humaines : évaluation du
potentiel prédictif de l’expression d’ERα36
A. À partir des échantillons de tumeurs ER+ et ER- obtenus par une collaboration avec des
chercheurs du Centre Paul Strauss, des PCR en temps réel ont été réalisées. Les résultats ont
permis d’analyser l’expression d’ERα36, ainsi que celles de marqueurs des voies non
génomiques de réponse aux œstrogènes ou de progression métastatique, référencés dans des
études antérieures comme étant lié à ERα36 (Zhang et al, 2011 ; Chaudhri et al, 2012 ; Ajj et
al, 2013). Les relations d’expression entre les différents gènes ont été modélisées à partir de
calculs de corrélations de rang adossées à des tests d’hypothèses classiques et ont permis
d’obtenir des réseaux statiques de corrélation d’expressions géniques (B).
78
(Figure 39). L’expression de chaque gène a été analysée en triplicat dans chaque échantillon, afin
d’établir une valeur moyenne de l’expression génique.
La liste des marqueurs étudiés a été établie à partir de ce qui était connu dans la bibliographie du
cancer du sein :
ERα66, ERα36, GPER, HER2, EGFR et DDB2 sont impliqués dans la signalisation aux
œstrogènes.
CXCR4, MMP9, RANKL, SNAIL1 et VIM ont été décrits pour avoir un rôle dans la
progression tumorale. Ce sont des marqueurs caractéristiques des processus migratoires ou
invasifs.
À partir des résultats des expressions géniques dans chaque tumeur et dans l’objectif d’évaluer les
dépendances entre les gènes, nous avons élaboré un programme à façon sur Matlab permettant de
calculer des coefficients de corrélation, des informations mutuelle totales et partielles. Aussi,
différents outils statistiques et tests d’hypothèses ont été utilisés pour évaluer l’existence ou pas de
liens entre les gènes :
- Évaluation des corrélations linéaires et non linéaires (de rang),
- Évaluation de l’information mutuelle entre gènes,
- Évaluation de l’entropie conjointe ou conditionnelle quand le nombre de données était jugé
suffisant,
- Introduction de changements dans les données en utilisant des tests de Monte-Carlo
(permutations de valeur) pour évaluer la significativité des résultats de dépendance obtenus.
Suivant le nombre d’échantillons, nous avons croisé les résultats obtenus et utilisé divers tests
d’hypothèse. Les résultats de dépendance obtenus ont permis la construction d’une nouvelle
classification de tumeurs mammaires basée sur les relations d’expressions entre les gènes.
Afin de discriminer au mieux les nouvelles classes, un calcul de distance est réalisé. Pour chaque
niveau d’expression du gène étudié, un réseau inférieur à ce seuil et un réseau supérieur à ce seuil
Figure 40 : Calcul du seuil d’expression optimal d’ERα36 permettant de discriminer de
nouvelles populations tumorales
A. Construction de réseaux de corrélation. De nouvelles populations de tumeurs ont été définies
d’après les résultats de PCR en temps réel en fonction de la valeur d’expression de chaque
marqueur de l’étude. Dans le cas d’ERα36, pour chaque valeur d’expression du marqueur, nous
avons obtenu deux populations de tumeurs : une classe inférieure qui regroupe des tumeurs
présentant une expression d’ERα36 inférieure au niveau d’expression choisi et une classe
supérieure avec un niveau d’expression plus élevé. À chaque valeur d’expression d’ERα36, les
réseaux de corrélation d’expression génique dans les deux populations tumorales ont été
construits. B. Calcul de la distance entre les réseaux de corrélation. Pour chaque valeur
d’expression d’ERα36, nous avons calculé la distance entre les réseaux obtenus dans la classe
inférieure et la classe supérieure à cette valeur. Nous comparons la corrélation d’expression
pour chaque couple de marqueurs en commun dans les deux réseaux. La somme de ces distances
est calculée.
Figure 41 : Détermination et validation du seuil d’expression obtenu
A. Ce graphique permet de visualiser le seuil d’expression optimal qui discriminera au mieux
les 2 populations de tumeurs, afin de potentiellement séparer 2 comportements
physiopathologiques distincts. À ce seuil, la valeur d’expression d’ERα36 montre la distance
maximale entre les réseaux de chaque population tumorale. Nous distinguons au mieux 84
tumeurs exprimant faiblement ERα36 et 34 tumeurs exprimant fortement ERα36. B. Dans les
tumeurs exprimant faiblement ERα36, nous observons une corrélation d’expression négative
entre ERα36 et la vimentine ou MMP9 et positive avec GPER et EGFR. Une expression forte
d’ERα36 est corrélée positivement à l’expression de SNAIL, VIM et MMP9. Ce travail nous
mène à la conclusion qu’une forte expression d’ERα36 semble reliée à une progression
métastatique des tumeurs mammaires, c’est-à-dire à des processus de migration cellulaire. En
revanche, une plus faible expression d’ERα36 serait en lien avec l’expression de marqueurs de
voies non génomiques de réponse des œstrogènes, ce qui semblerait montrer une croissance
tumorale oestrogéno-dépendante, sans migration.
79
sont construits. Le calcul de distance se fait alors par comparaison entre ces deux réseaux et cela
pour chaque niveau d’expression du gène d’intérêt (Figure 40A). Les sommets des réseaux
représentent les gènes et les arcs, les corrélations d’expression entre les 2 gènes reliés entre eux.
Les gènes qui ne sont pas corrélés à l’expression d’un autre gène sont exclus du calcul de distance.
Le calcul de distance entre le réseau « inférieur » et le réseau « supérieur » au seuil d’expression
du gène étudié se fait par le calcul de distance entre les deux graphes les représentant en comparant
le lien entre chaque couple de gènes dans les deux graphes et ainsi l’existence et le signe de chaque
arc composant ces deux graphes. Pour une classification basée sur l’expression d’ERα36 par
exemple, nous avons pour chaque niveau d’expression calculé cette distance comme suit (Figure
40B).
On initialise la distance entre les deux graphes à zéro. Pour chaque couple de gènes :
Si la dépendance d’expression n’est pas dans le même sens pour les 2 réseaux (arcs existants
mais de signes opposés), la distance entre les deux réseaux est incrémentée d’une valeur de
2.
Si la corrélation d’expression existe pour un réseau et pas pour l’autre réseau, une valeur
(distance) de 1 est incrémentée.
Ce calcul est réalisé pour chaque couple de marqueurs à chaque niveau d’expression du gène étudié
pour la classification. On obtient donc un graphique représentant la distance calculée entre les
réseaux pour chaque niveau d’expression d’un gène classificateur (Figure 41A). C’est à partir de
ce graphique que l’on peut établir le seuil optimal qui s’obtient quand on a une distance maximale
entre les réseaux de gènes. Dans le cas d’ERα36 comme classificateur de tumeurs mammaires, le
seuil de 8,35 permet de séparer 2 réseaux très différents regroupant pour le réseau inférieur (ayant
la plus faible expression du variant) 84 tumeurs et dans le réseau supérieur (ayant la plus forte
expression) 34 tumeurs. Nous avons appliqué cette méthode pour tous les gènes étudiés. Certains
marqueurs comme ERα36 sont de bons classificateurs, permettant de séparer deux profils de
corrélations d’expression très différents, mais il est à noter que ce n’était pas le cas de tous les
marqueurs étudiés.
À partir de ces 2 familles de tumeurs mammaires discriminées vis-à-vis de leur expression du
variant de récepteur α aux œstrogènes, nous avons étudié les relations d’expression des marqueurs
80
entre eux. Nous avons pu constater qu’une faible expression d’ERα36 était corrélée avec
l’expression forte des récepteurs GPER, EGFR, ainsi que le marqueur DDB2, et inversement
corrélée aux marqueurs métastatiques MMP9 et VIM. Tandis que dans les tumeurs présentant une
forte expression d’ERα36, une corrélation positive d’expression est visible avec les marqueurs
métastatiques SNAIL1, MMP9 et VIM, indépendamment des récepteurs étudiés (Figure 41B).
Dans le document
Impact d'une surexpression d'ERα36 et/ou d'une exposition aux alkylphénols sur la physiopathologie de la glande mammaire
(Page 127-133)