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Chapitre I. Les pathologies amyloïdes ou l’impact d’un mauvais repliement protéique

2. Physiopathologie du Diabète de Type 2

2.6. Approches thérapeutiques

2.6.2. Voies de recherches

Au regard des médicaments disponibles à ce jour, il s’avère que tous présentent des effets secondaires et sont généralement coûteux à produire. L’étude de nouvelles stratégies pour la conception de candidats médicaments peu coûteux et présentant peu d’effets secondaires est donc une priorité dans le traitement du diabète de type 2. Parmi les stratégies étudiées, celle visant la diminution de l’agrégation de hIAPP semble prometteuse, en particulier pour diminuer l’apoptose des cellules β pancréatiques. Plusieurs espèces impliquées dans le processus pathologique lié à hIAPP peuvent alors être ciblées : le monomère de hIAPP, que l’on retrouve chez les patients sains, les formes oligomériques solubles et les formes fibrillaires insolubles. On distingue par conséquent une multitude de voies possibles pour empêcher la formation d’intermédiaires toxiques (Figure 15), comme la conservation de hIAPP dans son état monomérique ou une rapide évolution vers des formes fibrillaires supposées moins toxiques que les oligomères. Ce grand nombre de possibilités ouvre de nouvelles perspectives concernant le traitement du diabète de type 2, et plusieurs solutions sont à l’heure actuelle étudiées.

Figure 15 : Cascade amyloïde de hIAPP détaillée avec les différentes espèces cibles pour le développement de nouveaux traitements (Pithadia 2016)

2.6.2.1.Les inhibiteurs peptidiques

Deux voies possibles s’ouvrent si la forme monomérique est ciblée. On peut en effet ralentir voire stopper l’oligomérisation, ou la dévier vers une voie formant des oligomères non toxiques.

Les inhibiteurs peptidiques présentent l’intérêt d’être très sélectifs lorsque les séquences sont soigneusement choisies pour reconnaître la cible, ici hIAPP. Par exemple, il a été montré en 2010 (Cao et al., 2010) que rIAPP (différent de hIAPP par les six substitutions suivantes : H18R, F23L, A25P, I26V, S28P et S29P ; les structures complètes sont présentées Figure 16) peut se complexer à hIAPP afin de limiter son oligomérisation de manière dose-dépendante en ciblant la région hélicoïdale de hIAPP. rIAPP ne forme pas de fibres et permet au rapport molaire 10/1 de diminuer de 85% la quantité d’agrégats formés par hIAPP seul. Partant de ce constat, un mime peptidique de hIAPP a été proposé et approuvé par la FDA en 2005 : le Pramlintide (PM) (Tableau III). Ce composé reprend trois substitutions de rIAPP (position 25, 28 et 29, Figure 16), empêchant ainsi son oligomérisation (H. Wang et al., 2015). Si son activité est identique à celle de hIAPP, PM n’a jamais été évaluée comme inhibiteur de son agrégation (Pillay & Govender, 2013). De plus, étant totalement peptidique, ce composé est peu stable face à la protéolyse.

Figure 16 : Séquences de hIAPP, rIAPP et PM montrant les différentes substitutions (Wang 2015) En 2013, Mishra et al. ont développé deux pentapeptides inhibant la formation de fibres amyloïdes (Mishra et al., 2013). Ils ont montré par études computationnelles que ces molécules interagissent avec la forme monomérique hélicoïdale de hIAPP. D’un point de vue quantitatif, la quantité d’agrégats est réduite dans les deux cas d’environ 70%. Un acide aminé non-naturel a été incorporé dans chacun des deux inhibiteurs. Il s’agit d’un analogue de la phénylalanine possédant une double liaison entre Cα et Cβ, apportant une stabilité accrue face à la protéolyse enzymatique (English & Stammer, 1978). Ceci constitue un avantage majeur pour un inhibiteur. Ce motif permet également de contrôler la structure des peptides dans lesquels il est présent en fonction de leur taille (Gupta et al., 2008; Mathur et al., 2004; Rajashankar et al., 1992; Ramagopal et al., 2001). La Figure 17 montre le mode d’action de ces molécules, empêchant la formation des oligomères toxiques. L’intérêt majeur de ce design est la reconnaissance de la structure de hIAPP par les acides aminés choisis, offrant une grande sélectivité ainsi qu’une stabilité accrue.

Figure 17 : interaction de l’inhibiteur FGAΔF(I) avec les monomères hélicoïdaux pour le stabiliser et éviter la formation d’oligomères toxiques (Mishra 2013)

2.6.2.2.Les polyphénols

En parallèle des inhibiteurs peptidiques, on retrouve également la famille des polyphénols, peu spécifiques entre les différentes protéines amyloïdes mais très efficaces. Parmi eux, on retrouve l’epigallocatechin-3-gallate (EGCG, Figure 18a), un composé issu du thé vert, dont l’activité anti-agrégation a été largement démontrée sur Aβ et hIAPP (Franko et al., 2018; Mo et al., 2016; Xu et al., 2017; Young et al., 2014). Ces travaux ont notamment montré une diminution de la conformation en feuillets β en présence d’EGCG. On observe également la formation d’un complexe entre hIAPP et EGCG, conduisant à la formation d’agrégats amorphes et non toxiques in vitro et in vivo. Ceci suggère une voie d’oligomérisation alternative pour hIAPP ne produisant pas d’oligomères toxiques mais conduisant tout de même à la formation de structures insolubles. EGCG est également capable de désagréger les structures fibrillaires (Meng et al., 2010; Pithadia et al., 2016).

Parmi les polyphénols, on retrouve également la curcumine, issu du curcuma (Figure 18b). Tout comme EGCG, la curcumine possède une affinité non-spécifique pour les espèces amyloïdes. En plus de ses propriétés amyloïdes, elle est déjà largement utilisé comme oxydant ou anti-cancéreux (Pithadia et al., 2016). En revanche, son mécanisme d’action contre l’oligomérisation des amyloïdes demeure peu connu. Elle semble conduire à des formes alternatives des agrégats (Daval et al., 2010) comme EGCG, mais possède également la capacité de déstructurer les intermédiaires oligomériques vers des conformations monomériques aléatoires non toxiques (Pithadia et al., 2016; Sparks et al., 2012). Bien que son mode d’action soit double, son activité est limitée par une cytotoxicité de l’ordre du µM, qui peut se révéler incompatible avec les concentrations nécessaires pour inhiber l’oligomérisation, de l’ordre de la dizaine de µM voire plus (Daval et al., 2010).

Le resveratrol, issu du raisin, est également un polyphénol ayant des propriétés anti-agrégation pour les amyloïdes (Figure 18c). Contrairement à EGCG, le resvératrol ne se lie pas au monomère de hIAPP

(Tu et al., 2015). Il ne fait que ralentir l’agrégation en se complexant à hIAPP de manière non-réversible, mais permet néanmoins de conserver une viabilité cellulaire de 90% (Pithadia et al., 2016).

On retrouve enfin la silibinine, autre composé de type polyphénol (Figure 18d). Il a été montré en 2012 (Cheng et al., 2012) que ce composé permet à la fois un blocage de l’oligomérisation dès le monomère, mais convertirait également des fibres structurées en agrégats amorphes. Dès le ratio 1/1, la silibinine permet de retarder l’agrégation d’un facteur 2 tout en améliorant la viabilité cellulaire in vitro de 10%. Tous ces inhibiteurs, bien qu’efficaces, présentent un désavantage majeur : ils ne sont pas spécifiques de hIAPP. Ceci peut conduire lors d’étude in vivo à de potentiels effets secondaires indésirables si les inhibiteurs ciblent d’autres protéines ou récepteurs, provoquant d’autres effets biologiques.

Figure 18 : Structure de quatre polyphénols étudiés comme inhibiteur de l’agrégation de hIAPP : (a) EGCG ; (b) Curcumine ; (c) Resveratrol et (d) Silibinine

2.6.2.3.Les métaux

Étant donné que les fibres amyloïdes ne seraient pas les espèces les plus toxiques de la cascade amyloïde, il pourrait être intéressant d’essayer de déplacer l’équilibre entre les différentes formes vers leur formation. Il a été montré que les métaux de transitions tels que le zinc peuvent être à l’origine de la stabilisation de formes fibrillaires lorsqu’ils sont employés à faible concentration (< 50 µM) (Nedumpully-Govindan et al., 2015). A haute concentration, le zinc tend au contraire à détruire les structures fibrillaires. Cependant, il semble que la concentration de hIAPP ait un fort impact sur ces résultats car on observe un phénomène inverse lorsque l’on passe de 10 à 5 µM. Des expériences de résonance magnétique nucléaire ont montré que le zinc se coordonne à l’Histidine 18 provoquant une

perturbation de la structure du peptide (Brender et al., 2010). Le Cobalt ainsi que le Cuivre ont eux aussi été étudiés comme inhibiteurs de l’agrégation de hIAPP (Jeong et al., 2010; Suh et al., 2008). Toutes ces études montrent la complexité qu’il existe à développer des nouveaux inhibiteurs, notamment du fait de la grande variabilité observée pour les conformations de hIAPP. La toxicité des différentes espèces est encore sujette à discussion également. La difficulté est donc de produire un inhibiteur ciblant une conformation donnée, notamment sur les oligomères intermédiaires, très peu étudiés et considérés comme les espèces les plus toxiques. L’efficacité de nouveaux inhibiteurs développés au laboratoire sera discutée dans le chapitre V de ce manuscrit.