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Chapitre I. Les pathologies amyloïdes ou l’impact d’un mauvais repliement protéique

2. Physiopathologie du Diabète de Type 2

2.4. hIAPP : human Islet Amyloid PolyPeptide

Nous avons vu que le diabète de type 2 est caractérisé par des signes macroscopiques, mais également par des indices microscopiques tels que la présence de plaques amyloïdes extracellulaires insolubles composées de hIAPP. Cependant, si hIAPP semble être impliqué dans ce processus pathologique, il est au même titre que l’insuline nécessaire à la bonne régulation de la glycémie.

2.4.1. Rôle de hIAPP chez un patient sain

Après avoir rappelé le rôle de l’insuline dans la régulation de la glycémie, il est intéressant de noter que le peptide amyloïde hIAPP contribue également à ce processus. Une pro-hormone de 67 acides aminés sécrétée par les cellules β des îlots de Langherhans du pancréas, proIAPP, subi un clivage protéolytique pour aboutir à hIAPP. hIAPP est composé de 37 acides aminés et est produit dans une quantité cent fois plus faible que l’insuline (Susa et al., 2014) (Figure 11). La production de hIAPP est réalisée dans le compartiment intracellulaire au pH faiblement acide de 5.5, après quoi il est sécrété dans le compartiment extracellulaire à pH physiologique. Chez un patient sain, la concentration de hIAPP dans le plasma est comprise entre 4 (à jeun) et 25 pmol/L (après un repas) (Marzban et al., 2003). A ce jour, aucun récepteur spécifique de hIAPP n’a été découvert, même si des sites de liaisons ont été proposés dans le cerveau et le cortex rénal (Per Westermark, 2011). Partant de cette observation, il se pourrait que hIAPP soit impliqué dans des processus de régulation de la glycémie en contrôlant la digestion et la satiété par exemple, ainsi que la libération du glucagon. Il a même été observé que hIAPP pouvait avoir un effet de réduction de la masse corporelle dans les cas d’administration chronique de pramlintide (analogue de hIAPP) chez l’humain (Wielinga et al., 2010).

Figure 11 : Séquence de hIAPP, avec un pont disulfure entre C2 et C7 (adapté de Akter 2016)

2.4.2. Fibrillation de hIAPP suivant la cascade amyloïde et structures associées

Le peptide hIAPP a donc des propriétés nécessaires chez un patient non-diabétique afin de réguler la glycémie. Néanmoins, dans certaines conditions, il arrive qu’un processus pathologique se mette en place et conduise à la dérégulation de la glycémie. Plusieurs hypothèses ont été formulées quant au mécanisme responsable de cette dérégulation. Parmi elle, on notera celle concernant le surplus de graisse dans les tissus adipeux, qui empêche l’insuline de jouer son rôle par à cause d’un défaut de signalisation (DeFronzo, 2004). Il a également été démontré qu’une importante quantité de graisse dans le pancréas pouvait être toxique pour les cellules β responsables de la production d’insuline, ce qui suggère un mécanisme lié à une lipotoxicité (Sattar & Gill, 2014).

Cependant, une nouvelle hypothèse a émergé et fait intervenir hIAPP au travers de son oligomérisation et de sa fibrillation (Abedini & Schmidt, 2013; Haataja et al ., 2008) dans des conditions favorables à l’apparition de la maladie comme une obésité. En effet, hIAPP tend à s’oligomériser selon un schéma appelé cascade amyloïde qui définit les espèces impliquées dans ce processus (Figure 12). Il est toutefois très compliqué d’obtenir des données structurales sur les différentes espèces formées, étant donnée la très forte propension de hIAPP à s’agréger. Les espèces sont de plus peu stables, et la variabilité sur les morphologies observées est importante. Néanmoins, il semblerait que la séquence SNNFGAILSS soit responsable de la propension amyloidogénique de hIAPP (Mo et al ., 2009; Wang et al ., 2015).

Dès 2000, une étude par dichroïsme circulaire a montré que hIAPP incubé dans HFIP pur pendant plusieurs jours adopte une conformation en hélice α. Lorsque la proportion de HFIP est diminuée à 1%, on observe après 24h une conformation en feuillets β associée à la présence de fibres insolubles (Higham et al ., 2000). A l’inverse, sans HFIP, le peptide précipite mais les feuillets β ne sont plus observés. Ceci suggère que le milieu d’incubation à une forte influence sur la conformation du peptide. Le lien entre la préparation d’échantillon et l’agrégation sera discuté dans le chapitre II. Des fibres organisées en feuillets β en présence de HFIP ont également été observées dans une seconde étude (Jayasinghe & Langen, 2004). hIAPP semble donc s’oligomériser en feuillets β, mais l’organisation de ces feuillets reste à discuter.

En effet, une structure de ces feuillets a été proposée en 2001 par diffraction aux RX et TEM, suggérant un repliement en « e », avec trois feuillets β et deux boucles au sein des monomères formant les fibres, avec un espace inter-brin de 4,7 Å (Figure 12a) (Jaikaran & Clark, 2001; Sumner Makin & Serpell, 2004). En 2005, une nouvelle organisation des trois brins en « S » a été proposée, grâce aux interactions entre les résidus apolaires au cœur des brins (Figure 12b) (Kajava et al ., 2005). Ces brins β s’organiseraient ensuite de manière à former une structure fibrillaire torsadée. Une troisième organisation a été

proposée en 2007, impliquant cette fois non plus trois brins mais seulement deux reliés par une boucle au sein d’un monomère, conduisant à une structure en « U » (Figure 12c) (Luca et al., 2007). Les deux brins sont ici écartés de 5 à 12 Å. Une autre étude a confirmé ce modèle en 2012, avec cependant un espace inter-brins de 15 Å (Bedrood et al., 2012).

Figure 12 : Différentes organisations de feuillets β : (a) Organisation en « e » (Jaikaran 2001) ; (b) Organisation en « S » (Kajava 2005) ; (c) Organisation en « U » (Luca 2007)

En parallèle de ces études, plusieurs équipes ont investigué l’apport de la modélisation moléculaire pour l’étude de la structuration de hIAPP. En 2013, une étude par dynamique moléculaire a comparé hIAPP et rIAPP (IAPP du rat), dont la structure ne diffère que par six acides aminés et dont l’absence d’oligomérisation a été démontrée. Dans le cas de hIAPP, les feuillets β sont prédominants par rapport à une structure hélicoïdale (40% et 10% respectivement) tandis qu’on observe l’inverse pour rIAPP (5% et 40% respectivement). Les proportions de boucle et de structures aléatoires sont proches (Figure 13) (Wu & Shea, 2013). Il semblerait donc que la forme non-amyloïdogénique de IAPP soit dans une conformation hélicoïdale, et adopte ensuite une conformation en feuillets β, plus toxique. Il apparaî t donc que les formes les plus amyloïdogeniques sont majoritairement en feuillets β.

Toutefois, hIAPP étant sécrété dans un milieu cellulaire, certaines études se sont intéressées au comportement de hIAPP dans un tel milieu, et notamment à sa conformation. Pour cela, des mimes de membranes cellulaires comme des liposomes de phospholipides sont utilisés. Il a été reporté que ces membranes accéléraient jusqu’à un facteur 10 l’oligomérisation de hIAPP en servant de site de nucléation pour le peptide (Knight & Miranker, 2004). Les auteurs montrent de plus que l’interaction entre hIAPP et la membrane a lieu à l’extrémité N-terminale du peptide. En 2006, la même équipe s’est intéressée à la conformation du peptide lorsqu’il est en interaction avec la membrane (Knight et al.,

2006). Il apparaît alors que le peptide s’organise en hélice α au contact de la membrane (étape I). Ces travaux suggèrent donc une structure hélicoïdale du peptide avec insertion de la partie N-terminale dans la membrane (étape II). Les monomères hélicoïdaux s’associent ensuite pour former des petits agrégats liés à la membrane (étape III), et sont considérés par les auteurs comme les espèces responsables de la rupture de la membrane. Ces agrégats sont ensuite convertis en fibres amyloïdes organisées en feuillets β (étape IV) (Figure 13). Ceci confirme une précédente étude de 2005 (Jayasinghe & Langen, 2005).

Figure 13 : Schéma explicitant le processus d’agrégation de hIAPP en présence de membranes, en quatre étapes (Knight 2006)

Ces observations montrent qu’il est effectivement très compliqué de déterminer précisément la structure de ces espèces, d’autant plus qu’elles sont très peu stables. Il existe un grand nombre d’espèces, ou de conformations, au cours du processus d’oligomérisation, ce qui rend difficile l’estimation de la toxicité de chacune.

2.4.3. Toxicité des espèces impliquées dans la cascade amyloïde

Il a été montré pour la première fois en 1994 que hIAPP était toxique pour des cellules pancréatiques humaines dès 5 µM (Lorenzo et al., 1994). Seule la toxicité des fibres amyloïdes a été démontrée dans ces travaux, d’après leur apparence en TEM ainsi qu’en biréfringence sous lumière polarisée en présence de Congo Red. Cependant, deux études ont démontré plus tard qu’en ajoutant directement des fibres amyloïdes déjà formées sur des cellules pancréatiques, la viabilité de ces-dernières était assurée (Janson et al., 1999; Konarkowska et al., 2006). A l’inverse, une solution fraichement préparée de hIAPP ajoutée aux cellules pancréatiques induit l’apoptose des cellules (Janson et al., 1999; Jeong & An, 2015). Ces résultats montrent que les fibres observées dans le cas de pathologies amyloïdes comme le diabète de type 2 ne seraient pas les espèces les plus toxiques du processus pathologique, bien qu’elles puissent être à l’origine de phénomènes inflammatoires (Westwell-Roper et al., 2016). Les espèces cytotoxiques pour les cellules pancréatiques seraient les intermédiaires métastables de la cascade. Cette conclusion est appuyée par l’interaction que le peptide possède avec des membranes :

des fibres. La rupture des membranes est totale dès 30 µM (Cao et al., 2013; Haataja et al., 2008), bien que cette concentration soit variable en fonction des membranes utilisées. Il s’avère néanmoins que peu d’études sont disponibles sur hIAPP, alors que la toxicité des oligomères de Aβ a été plus largement étudiée. Les conclusions sont identiques à celles de hIAPP et confirment que la cytotoxicité est due principalement aux espèces oligomériques intermédiaires solubles (Sakono & Zako, 2010). Toutes ces études démontrent donc une toxicité extracellulaire de hIAPP, majoritairement due aux oligomères intermédiaires solubles.

Cependant, d’autres mécanismes de toxicité ont été proposés, notamment le stress du réticulum endoplasmique, la surproduction de cytokines favorisant des processus inflammatoires ou l’endommagement des mitochondries provoquant l’augmentation de la production d’espèces oxygénées réactives (ROS) (Cao et al., 2013; Hernández et al., 2018).

Il a été de plus montré que la co-incubation entre ces peptides et des protéines chaperonnes à un ratio sub-stœchiométrique pouvait réduire leur toxicité. Il semblerait donc que l’action des protéines chaperonnes empêcherait la destruction des membranes en convertissant rapidement les petits oligomères toxiques en des formes fibrillaires moins toxiques (Mannini et al., 2012). Ces résultats confirment la toxicité des intermédiaires solubles. D’un point de vue moléculaire, un mécanisme a été proposé récemment pour expliquer la cytotoxicité des oligomères de hIAPP (Pithadia et al., 2016). Confirmant le mécanisme explicité Figure 13, l’interaction de hIAPP avec la membrane provoque la formation de pores conduisant à l’apoptose des cellules pancréatiques par fuite de leur matériel cellulaire (Figure 14). Le processus de croissance des fibres à la membrane endommagerait également celle-ci (Figure 14 iv) (Engel et al., 2008; Jan et al., 2011).

Figure 14 : Représentation simplifiée du mécanisme d’interaction entre les différentes formes de hIAPP et les membranes cellulaires, expliquant l’apoptose des cellules par fuite du matériel cellulaire

(Pithadia 2016)

2.5. Diagnostic

Le diagnostic du diabète de type 2 repose sur une mesure de la glycémie à un instant donné, dans différentes conditions. Les valeurs normales de glycémie sont inférieures à 100 mg/dL à jeun et 140 mg/dL à la deuxième heure d’une hyperglycémie provoquée en dissolvant 75 g de glucose anhydre

dans de l’eau (HPGO). Le patient sera déclaré diabétique si la glycémie est supérieure à une des trois valeurs suivantes :

• 126 mg/dL (7mmol/L) dans le cas d’une mesure de glycémie à jeun (absence d’apport calorique depuis au moins 8h).

• 200 mg/dL (11.1 mmol/L) à n’importe quel moment de la journée, en présence de signes cliniques d’hyperglycémie suivants : perte de poids inexpliquée, polyurie, polydipsie.

• 200 mg/dL (11.1 mmol/L) à la deuxième heure d’une HPGO.

Entre ces valeurs normales et valeurs limites, on définit un groupe de patients intermédiaires non diabétiques mais présentant des facteurs de risques pour un futur diabète ou des maladies cardiovasculaires.

Afin d’avoir une vision sur une période plus large de la glycémie, il est également possible de quantifier l’hémoglobine glyquée HbA1c. Elle est obtenue par glycation de l’hémoglobine en cas d’hyperglycémie prolongée. Celle-ci permet d’obtenir une estimation sur les 8 à 12 semaines précédant l’analyse. Si sa proportion est supérieure à 6.5% par rapport à l’hémoglobine non-glyquée, on déclare le patient comme étant diabétique. On considère également qu’au-delà de 7.5%, il s’agit d’un facteur de risque de complications cardiovasculaires.