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Chapitre II. Méthodes d’étude in vitro des phénomènes d’oligomérisation et d’agrégation pathologiques de protéines

3. Les méthodes non séparatives

3.2. Les méthodes de microscopie

Il existe plusieurs types de microscopie comme la microscopie optique (photonique), la microscopie électronique ou la microscopie à force atomique. La résolution pour un microscope optique est limitée à 0,2 µm, et n’est donc pas adaptée à l’observation de fibres amyloïdes qui ont un diamètre compris entre 5 et 10 nm (Chiti & Dobson, 2006). En revanche, la microscopie électronique par transmission possède une résolution de l’ordre de l’Angström, et est donc adaptée non seulement pour visualiser les fibres amyloïdes, mais aussi des espèces de basse masse moléculaire grâce à la microscopie immunoélectronique, variante de la microscopie électronique par transmission (Esparza et al., 2016). Il est également possible d’adapter un microscope optique classique avec des filtres polarisants par exemple, afin de réaliser des expériences de microscopie à lumière polarisée (voir partie 2.1.1.). Bien qu’un peu moins répandue, on trouve enfin la microscopie à force atomique dont la résolution est de l’ordre du nm.

3.2.1. En transmission électronique

La microscopie en transmission électronique (TEM) permet grâce à un faisceau d’électrons la détermination de la morphologie de l’échantillon. Les électrons sont absorbés d’une façon différente en fonction de la nature de la zone d’échantillon analysée, comme des fibres ou des agrégats amorphes par exemple. L’utilisation d’agents de contraste tel que l’acétate d’uranyle permet d’améliorer l’observation de la morphologie des espèces étudiées en colorant négativement l’échantillon, qui apparaît alors blanc sur fond noir.

La première description de fibres amyloïdes issues de tissus par TEM a été réalisée en 1983 (Merz et al., 1983) pour la maladie d’Alzheimer en analysant directement des fractions de cerveaux humains contenant des plaques séniles. En 2000, une étude a comparé par TEM la morphologie de hIAPP synthétique entier et de certains de ses fragments (Goldsbury et al., 2000). Plus particulièrement, ils ont montré que si hIAPP entier formait bien des fibres, le fragment 20-29 ne formait qu’une association de protofibriles de dimension 30% plus faible que les fibres amyloïdes observées sur le peptide entier. Ils ont de plus étudié le fragment 8-37 de hIAPP en comparant la masse (kDa) par unité de longueur (nm) de ce fragment et de hIAPP entier. Il apparaît alors que les fibres de hIAPP entier sont environ 20% plus dense que celle du fragment 8-37 (20.9 kDa/nm contre 16.1 kDa/nm). Tous les fragments ainsi que hIAPP entier ont été incubés dans un tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,3. En 2012, une étude a ensuite largement décrit les fibres amyloïdes produites par hIAPP après une incubation de 3 à 7 jours, en démontrant qu’il s’agissait d’hélices gauche constituées de monomères organisés en feuillets β (Figure 34a) (Bedrood et al., 2012). Ces hélices sont visibles en TEM (Figure 34b).

Figure 34 : (a) Modèle de la structure fibrillaire en feuillets de hIAPP ; (b) Image de TEM de fibres de hIAPP avec contraste négatif (adapté de Bedrood 2012)

Depuis quelques années, la TEM est utilisée en combinaison avec la fluorescence à la ThT pour suivre les cinétiques d’oligomérisation de peptides amyloïdes, notamment afin d’éviter les faux positifs (Noor et al., 2012). Très récemment, une étude a décrit le processus d’oligomérisation de hIAPP sur 3 jours (A Hoffmann, Caillon, et al., 2018). Dans les conditions d’incubation employées (75 µM dans du phosphate de sodium 10 mM pH 7,4), l’échantillon est constitué exclusivement d’espèces amorphes au début de l’incubation, alors que des fibres de 5 à 8 nm apparaissent clairement après 3 jours (Figure 35). Les travaux de Hoffmann et Bedrood démontrent que la vitesse de formation de fibres peut varier en fonction des conditions d’incubation utilisées.

Figure 35 : Images TEM d’échantillons de hIAPP incubé (a) 1h, (b) 5h et (c) 3 jours montrant la présence d’oligomères amorphes après 1h d’incubation évoluant vers des fibres structurées après 3

jours (Hoffmann 2018)

Même si la TEM est beaucoup plus résolutive que la microscopie optique classique, tout comme la fluorescence à la ThT, elle ne permet l’observation que de structures suffisamment grosses pour être visibles comme les fibres. Ceci exclut donc les intermédiaires oligomériques. De plus, l’observation

ne se fait qu’en deux dimensions. Enfin, l’analyse d’un échantillon par TEM nécessite qu’il soit placé sous vide, limitant ainsi la capacité à mimer in vitro la cinétique d’oligomérisation se produisant in vivo.

Afin d’observer les intermédiaires oligomériques, une variante de la TEM peut être utilisée : la microscopie immunoélectronique. Si l’observation de l’échantillon est identique, un marquage avec

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des anticorps conjugués à des particules d’or de 6 nm permet la détection de petits oligomères, voire même d’espèces solubles dans le cas de Aβ (Esparza et al., 2016). Cette technique ouvre de nouvelles perspectives quant à l’observation des petits intermédiaires, peu stables et difficilement isolables. En revanche, les anticorps n’étant pas spécifiques d’un oligomère donné, il n’est pas possible avec cette méthode de les isoler de manière non-ambigüe.

3.2.2. A force atomique

La microscopie à force atomique (AFM), bien que moins répandue que la TEM, permet une visualisation en relief de l’échantillon grâce à une pointe tenue sur un bras, idéalement constitué d’un unique atome (de la qualité de la pointe dépend la résolution obtenue). Lorsque cette pointe s’approche de l’échantillon, des interactions soit par attraction soit par répulsion vis-à-vis de l’échantillon sont enregistrées et permettent de déterminer la topographie de l’échantillon.

Dès 1999, la formation de fibres amyloïdes de hIAPP par AFM sur plusieurs heures en déterminant notamment la vitesse d’élongation des fibres a été étudiée. Cette vitesse a été déterminée à 1,1 nm/min à partir des deux extrémités en incubant le peptide à 13 µM dans un tampon Tris-HCl 10 mM pH 7,3 (Goldsbury et al., 1999).

La grande résolution de l’AFM a permis de résoudre jusqu’à la forme dimérique (<10 kDa) du peptide Aβ1-42 (Giuffrida et al., 2009). Très récemment, cette technique a permis d’étudier l’agrégation de hIAPP en présence de modèles membranaires formés de monocouches d’alcane-thiols autoassemblés (Hajiraissi et al., 2018), en fonction de la nature des fonctions chimiques présentées par les monocouches. hIAPP a été incubé dans du PBS 150 mM pH 7,4 contenant 1% de DMSO pendant 6h en présence des monocouches avant d’être analysé par AFM. Il s’avère par exemple que la présence de groupements méthyles à la surface inhibe la formation de fibres, tandis que la présence de fonctions hydroxyles favorise cette fibrillation (Figure 36). Ceci suggère que l’agrégation de hIAPP est influencée en partie par la présence et la nature des sites d’interactions en surface des membranes avec lequel il peut former des complexes ou des associations.

Figure 36 : Images d’AFM de hIAPP incubé durant 6h et agrégé sur des monocouches d’alcanethiols autoassemblées portant des groupes fonctionnels méthyle (CH3) et hydroxyle (OH) (adapté de

Hajiraissi 2018)