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drosophile

La voie de signalisation JAK/STAT est requise pendant le développement de l’intestin et des spiracles

chez la drosophile (Johansen et al., 2003; Josten et al., 2004; Lovegrove et al., 2006; Wells et al.,

2013a). L’intestin est composé d’un épithélium monocouche tubulaire. Il est divisé en trois parties :

l’intestin antérieur, moyen et postérieur. Upd (le ligand de JAK/STAT) est exprimé dans l’intestin

antérieur et postérieur entre les stades 11 et 15 de l’embryogenèse et il est nécessaire pour induire

des réarrangements ou des changements de forme cellulaires.

1. Remodelage du proventriculus dans l’intestin antérieur

Dans l’intestin antérieur, la voie de signalisation JAK/STAT est nécessaire à la morphogenèse du

proventriculus, une structure située au niveau le plus postérieur de l’intestin antérieur. Le

proventriculus se génère par des réarrangements cellulaires conduisant à la formation de plusieurs

repliements du tissu (Figure 17A). Upd est exprimé par des cellules formant un anneau dans l’intestin

antérieur. Des analyses de perte et de gain de fonction de composants de la voie JAK/STAT ont révélé

que les cellules du proventriculus ne parvenaient pas à effectuer le mouvement qui conduit à la

formation de plis lorsque la voie JAK/STAT était affectée (Figure 17B) (Josten et al., 2004). De plus, la

64 Figure 18. La voie de signalisation JAK/STAT est requise pour le remodelage de l’intestin postérieur dans l’embryon de drosophile. A) Illustration du développement de l’intestin postérieur entre les stades 13 et 15 de l’embryon. L’intestin postérieur est subdivisé en trois régions : le petit intestin (bleu), l’intestin large (orange) et le rectum (vert clair) qui forment une structure tubulaire courte et large au stade 13 et deviennent une structure tubulaire longe et étroite au stade 15. B) Des embryons contrôle (wt), mutants pour les trois gènes upd (updos1A), mutants pour hop (hopm-z-) ou mutants pour

stat92E (stat92Em-z-) au stade 16 marqués avec l’anticorps anti-Crubms (crumbs, un gène cible de Stat92E). L’intestin est plus court et large chez les mutants indiquant que la voie JAK/STAT est requise pour ce remodelage. C-F) Des intestins d’embryons contrôle (wild-type, C), exprimant une forme constitutivement active de Hop (HopTUM, D), exprimant un dominant négatif de dome (domeΔcyt, E) ou des mutants FasIII (F), visualisés grâce à l’expression de Crumbs. Les schémas à droite de chaque image montrent la forme de 8 intestins (gris) avec leur superposition (orange) par génotype. La courbure de l’intestin est altérée en D-F. G-G’’) Image d’un intestin exprimant un gène rapporteur de la voie JAK/STAT (vert) et marqués pour FasIII (rouge). FasIII est latéralisé dans le côté intérieur de la courbure de l’intestin. H-I’) Images d’un embryon mutant pour les trois gènes upd (updos1A, H) et d’un intestin dont les cellules expriment une forme constitutivement active de Hop (HopTUM, I), marquées par FasIII. L’image I’ correspond à un grossissement de la région indiquée par la pointe de flèche en I. L’asymétrie du marquage FasIII est perdue dans les intestins de ces génotypes. D’après Johansen et

65 protéine de connexion des intégrines au cytosquelette, sont dérégulés lorsque la voie de signalisation

JAK/STAT est réprimée (Josten et al., 2004). Le mécanisme moléculaire par lequel JAK/STAT contrôle

les réarrangements cellulaires durant le développement du proventriculus n’est pas encore connu,

mais cette régulation implique l’expression de protéines du cytosquelette via l’activité de Notch.

2. Remodelage de l’intestin postérieur

L’intestin postérieur est subdivisé en trois régions, le petit intestin, l’intestin large et le rectum, en

allant de la plus antérieure à la plus postérieure (Figure 18A). Upd est exprimé par les cellules du petit

intestin mais il agit de façon non-autonome cellulaire à grandes distances dans l’intestin large.

Pendant le développement de l’intestin postérieur, deux processus morphogénétiques ont lieu : entre

les stades 12 et 14 du développement, un mouvement d’extension convergente transforme la

structure tubulaire courte et large en une structure tubulaire longe et étroite, tandis qu’au stade 15,

l’intestin postérieur se courbe selon un angle de 136° (Figure 18A-I’).

Des embryons mutants pour des composants de la voie JAK/STAT ou les exprimant de façon ectopique

présentent un intestin court et large en conséquence de l’inhibition des réarrangements cellulaires

(Figure 18B) (Johansen et al., 2003). Etant donné qu’Upd est un morphogène et que la perte et le gain

de composants de la voie JAK/STAT génèrent le même phénotype dans ce tissu, les auteurs suggèrent

que ce n’est pas l’activité de JAK/STAT en elle-même qui régule les mouvements cellulaires mais la

différence de son activité entre les cellules qui orienterait les réarrangements cellulaires (Johansen et

al., 2003). Il serait intéressant d’identifier la localisation subcellulaire des composants du

cytosquelette d’acto-myosine ainsi que de leurs régulateurs dans ce tissu afin de déterminer si

JAK/STAT pourrait utiliser les mêmes mécanismes moléculaires qu’au cours de la régulation du

mouvement de l’extension convergente de la GBE.

D’autre part, la voie de signalisation JAK/STAT régule positivement l’expression de Fasciclin III (Fas3),

66 Figure 19. La voie de signalisation JAK/STAT est requise pour le remodelage des spiracles chez la drosophile. A) Spiracle postérieur d’une larve de drosophile. Le stigmatophore et la chambre des spiracles sont indiqués. B) Images en temps réel des cellules exprimant ubi-DE-Cadhérine:GFP. Le segment A8 est indiqué par le crochet blanc. Au stage 11 (t=0 minutes), la chambre des spiracles (pointillés blanc) est superficielle et localisée postérieurement à la fosse trachéale du segmente A8 (flèche). Plus tard, les cellules qui vont constituer la chambre des spiracles se contractent et s’internalisent pour former le lumen (flèche, t=232 minutes). C) Images sagittales des embryons à différents stades exprimant une protéine de fusion Sqh :GFP. Les crochets indiquent la position des cellules des spiracles qui s’invaginent. D) Filzkörpers dans un contexte contrôle (wt) et un Filzkörpers non invaginé (flèche) dans un embryon mutant pour Rho (Rho11B). E) Embryons grh-lacZ (marqueur des spiracles postérieurs) au stade 15 présentant une chambre des spiracles allongée (pointe de flèche pour le contrôle, wt) marquée par la -galactosidase ou non allongée (pointe de flèche) dans un embryon mutant pour dome. D’après Hu and Castelli-Gair, 1999; Simões et al., 2006; Lovegrove et al.,

67 l’embryogenèse (Wells et al., 2013a). Des embryons hétérozygotes mutants pour les trois gènes upd

ou pour fas3, ou exprimant ectopiquement Upd ou JAK, ont des intestins moins courbés et moins

serrés (Figure 18C-F). En effet, l’activation asymétrique de JAK/STAT induit l’expression puis la

latéralisation de Fas3 en allongeant les membranes d’un groupe de cellules de l’intestin postérieur

(Figure 18G-I’). Ceci est suffisant pour augmenter la cohésion de ces cellules et donc générer la

formation de la courbure de ce tissu (ϴ=136°). Il est connu que les forces d’adhésion contrecarrent la

tension créée par les forces du réseau d’acto-myosine dans les cellules épithéliales (Guillot and Lecuit,

2013). Une approche in silico qui module la tension et la cohésion de cellules de l’intestin postérieur

a montré que la courbure de cette structure était dépendante de ces paramètres. Notamment, si la

tension augmentait (moins de cohésion) ou diminuait (plus de cohésion) dans toutes les cellules du

tissu, l’angle de la courbure était plus petit, comme c’était le cas pour les mutants d’acteurs de la voie

JAK/STAT ou fas3 (ϴ=111°) ou en surexprimant Upd ou Hop (ϴ=114°). Ce modèle a révélé qu’en fait

une diminution de la tension (soit une augmentation de la cohésion) dans uniquement 18 cellules

serait suffisant pour provoquer un angle correct de courbure de ce tissu (136°) (Wells et al., 2013a).

3. Remodelage des spiracles

L’activité de la voie de signalisation JAK/STAT est également nécessaire à la formation des spiracles

qui sont des ouvertures du système respiratoire qui connectent la trachée avec l’extérieur pour

réaliser les échanges gazeux dans l’embryon de drosophile. JAK/STAT contrôle l’invagination et

l’élongation ainsi que des réarrangements cellulaires de ce tissu. Chez l’embryon, les spiracles

postérieurs se forment dans la région dorsale du segment abdominal A8. Ces spiracles sont constitués

de deux structures formées à différents stades du développement : la chambre des spiracles (une

structure tubulaire qui permet la connexion avec la trachée) et le stigmatophore externe (une

protrusion externe qui héberge la chambre des spiracles) (Figure 19A) (Hu and Castelli-Gair, 1999). Au

69 leur surface apicale et s’invaginent selon un mécanisme qui implique l’activation du réseau

d’acto-myosine via Rho1 (Figure 19B-D) (Lovegrove et al., 2006; Simões et al., 2006b). Ces cellules vont

constituer la chambre des spiracles en continuité avec le tronc trachéal dorsal. De plus, quelques-unes

de ces cellules qui s’invaginent s’allongent selon l’axe apico-basal, augmentant 4 fois la surface de

leurs membranes latérales. Ce changement de la forme est indépendant de l’invagination puisque cet

allongement se fait même lorsque les spiracles ne s’invaginent pas (Hu and Castelli-Gair, 1999;

Lovegrove et al., 2006). Ensuite, au stade 13, les cellules de l’ectoderme qui recouvrent les cellules les

plus internes de la chambre des spiracles, deviennent spécifiées et forment le stigmatophore par un

processus de réarrangement cellulaire. Upd est exprimé dans les cellules précurseurs des spiracles

sous le contrôle d’Abdominal-B avant que leur invagination ne commence (Lovegrove et al., 2006).

Dans des embryons mutants pour upd, les cellules des spiracles ne réalisent pas leur invagination, leur

élongation et leurs réarrangements cellulaires (Figure 19E) (Lovegrove et al., 2006). Des embryons

dans lesquels l’expression de Rho, de différentes Cadhérines non classiques ou de la protéine de

polarité apicale Crumbs sont inhibées présentent les mêmes phénotypes que l’inhibition de JAK/STAT

sur les cellules des spiracles (Figure 19D,E) (Lovegrove et al., 2006). Le mécanisme par lequel JAK/STAT

contrôle les mouvements morphogénétiques dans les cellules des spiracles n’est pas encore connu, il

se pourrait qu’il implique des protéines associées au réseau d’acto-myosine.

Les mécanismes moléculaires par lesquels la voie JAK/STAT régule ces différents types de remodelage

cellulaire n’ont pas encore été identifiés, mais le fait que cette voie régule des processus similaires à

différents stades et dans différents tissus au cours du développement suggère que JAK/STAT pourrait

jouer un rôle universel dans le changement de la forme des cellules épithéliales en contrôlant par

70 Figure 20. Organisation d’une ovariole et du germarium. A) Représentation d’une ovariole. Les follicules ou chambres à œufs mûrissent le long de l’axe antéro-postérieur (A-P). Chaque follicule est constitué par un cyste germinal entouré d’un épithélium monocouche. Aux stades précoces de l’ovogenèse, trois populations de cellules somatiques sont différenciées : les cellules folliculaires (CF), les cellules interfolliculaires (en vert) et les cellules polaires (CP) à chaque extrémité du follicule (en rouge). Au stade 7, au pôle antérieur, les CF les plus proches des CP se différencient en cellules de bordure (border cells, bleu clair), en cellules squameuses (stretch cells, violet) et en cellules centripètes (centripetal cells, magenta). Au pôle postérieur les CF proches des CP se différencient et maintiennent un destin postérieur (bleu foncé). Au stade 9 de l’ovogenèse, les CP entourées par les cellules de bordure migrent collectivement entre les cellules nourricières pour atteindre l’ovocyte et constituer le micropyle : le point d’entrée du spermatozoïde. B) Le germarium est divisé en trois régions différentes : la région 1, 2a et 2b. La région 1 contient les cellules souches germinales qui donnent lieu au cyste germinal. Les cellules souches somatiques sont localisées à la limite des régions 2a et 2b. Ces cellules donnent lieu aux précurseurs des CF qui vont se différencier en CF de la région centrale (« main body »), en précurseurs des CP ou en cellules interfolliculaires. D’après

71 V. Le follicule ovarien de la drosophile comme modèle d’étude de la signalisation

JAK/STAT.