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B. Les cellules épithéliales changent leur forme en fonction de la dynamique, de

3. La fermeture dorsale

(Bertet et al., 2009). Ceci suggère l’existence d’autres mécanismes impliqués également dans ces

mouvements cellulaires.

3. La fermeture dorsale

a. Les bases moléculaires et cellulaires du processus

La fermeture dorsale est un processus morphogénétique qui se déroule entre les stades 13 et 15 de

l’embryon de drosophile (Figure 9A). Pendant une période de 2-3 heures, un tissu épithélial appelé

l’amnioséreuse (AS) se contracte et disparait de la surface dorsale de l’embryon. Toutes les cellules de

l’AS finissent par être extrudées basalement et par être phagocytées par des hémocytes à l’intérieur

de l’embryon. La contraction et donc l’extrusion des cellules se fait de façon concomitante à leur

recouvrement par la rangée la plus dorsale des cellules de l'épiderme latéral. L’AS est un épithélium

simple composé d’environ 200 cellules de forme polygonales. Pendant la fermeture dorsale, ces

cellules changent leur surface apicale en deux phases (Figure 9B). Une phase lente au cours de laquelle

elles fluctuent (émettent des pulsations) en de longs cycles sans générer de contractions apicales

nettes (Figure 9B-D). Puis, une phase rapide au cours de laquelle elles subissent une perte progressive

de l’aire apicale sans présenter cette fois de pulsations (Figure 9B, C), ceci étant couplé avec le

mouvement de recouvrement par la première rangée de cellules de l’épiderme latéral (Blanchard et

al., 2010; Gorfinkiel et al., 2009).

En utilisant des protéines de fusion des JA et du réseau d’acto-myosine couplées à différentes

protéines fluorescentes en microscopie en temps réel, il a été révélé que les pulsations des aires

étaient dues à des concentrations fluctuantes du réseau d’acto-myosine dans ce domaine tandis que

les constrictions apicales des cellules de l’AS étaient dues à des concentrations permanentes de ces

protéines (Figure 9D) (Sokolow et al., 2012; Solon et al., 2009). L’expression de protéines de fusion

Moésine:GFP et Myosine:mCherry a permis de suivre le comportement in vivo de l’Actine et de la

Myosine respectivement dans les cellules de l’AS, au cours des deux phases de la fermeture dorsale.

35 protéines sont localisées au niveau des JA formant une ceinture ainsi que dans la région apico-médiale

de ces cellules.

Pendant la phase lente de la fermeture dorsale, l’Actine et la Myosine effectuent des pulsations dans

le domaine apico-médial. Notamment, elles s’accumulent en spots médiaux qui s’agrègent et se

désagrègent dans le temps et l’espace (Blanchard et al., 2010; David et al., 2010). Il a été observé

qu’une fois l’assemblage et désassemblage de l’Actine terminé dans une cellule, un nouveau cycle

d’assemblage et désassemblage commençait dans une des cellules voisines. En général, il s’effectue

sur la cellule localisée du côté où le désassemblage précèdent vient de s’achever (Figure 9E) (David et

al., 2010). Des analyses des taux de déformations cellulaires ont indiqué que la plupart du temps les

changements de la forme cellulaire se réalisaient de façon anisotrope dans ces cellules (Blanchard et

al., 2010). Durant cette phase, les cellules de l’AS fluctuent avec de grandes amplitudes (6-7% du radio

de la cellule) et de long cycles (3 minutes par cycle) (Solon et al., 2009) et les fluctuations de l’intensité

de la Myosine ne conduisent pas à une diminution progressive de l’aire apicale.

Ces fluctuations s’arrêtent lorsque les cellules rentrent dans la phase rapide de la fermeture dorsale

(Blanchard et al., 2010). Au fur et à mesure que ce processus morphogénétique avance, la Myosine

s’accumule progressivement dans toute la surface apicale des cellules de l’AS (régions jonctionnelle,

corticale et médiale), augmentant leur contractilité et diminuant leurs aires apicales. Cette diminution

se fait de façon symétrique et ne conduit pas à un échange de voisins (Meghana et al., 2011). Durant

cette phase, les membranes cellulaires passent d’une forme ondulée à une forme très droite en

conséquence de l’accumulation jonctionnelle de la Myosine. Ceci indique une augmentation de la

tension dans le tissu (Blanchard et al., 2010). Une constriction apicale permanente entraîne la

délamination de la cellule ((Sokolow et al., 2012)). Cette délamination se fait par apoptose et est

stochastique, tout en étant plus fréquente à l’extrémité antérieure du tissu (Muliyil et al., 2011;

37 L’expression de formes constitutivement actives du régulateur de l’Actine Dia ou de la Myosine dans

les cellules de l’AS en utilisant le système UAS/Gal4, produit des constrictions prématurées de ces

cellules (Blanchard et al., 2010). En effet, leurs surfaces apicales sont plus petites, plus régulières et

leurs fluctuations sont presque inexistantes. De plus, lorsque les cellules de l’AS expriment un

dominant négatif de Rho1 (le régulateur de Rok et de Dia), leurs mouvements deviennent moindres

et le tissu finit par se déchirer (Blanchard et al., 2010). Ces résultats mettent en évidence que les

changements de la forme des cellules de l’AS au cours de la fermeture dorsale sont bien une

conséquence de la localisation et de l’activité des molécules d’acto-myosine dans le domaine apical,

et qu’il existe également un rôle mécanique qui génère une tension intra- et intercellulaire dans l’AS

nécessaire au processus de fermeture dorsale.

D’autres mécanismes contribuent à la génération de forces dans ce tissu. Les cellules les plus dorsales

de l’épiderme latéral accumulent de l’Actine et de la Myosine depuis le début de la fermeture dorsale

pour former un anneau contractile au niveau des JA. Ce câble d’acto-myosine génère aussi des forces

mécaniques qui sont requises pour la migration de l’épiderme vers la ligne médiale dorsale. Enfin, si

le taux d’apoptose des cellules de l’AS est inhibé ou augmenté, la vitesse à laquelle le processus est

effectué diminue ou s’accélère respectivement (Sokolow et al., 2012; Teng and Toyama, 2011; Toyama

et al., 2008), ce qui montre que l’apoptose des cellules de l’AS contribue également à générer des

forces mécaniques nécessaires à la fermeture dorsale (environ un tiers des forces générées). Ainsi, le

processus de fermeture dorsale doit intégrer des forces mécaniques intra- et intercellulaires

provenant des cellules de l’AS avec des forces générées par les cellules de l’épiderme latéral.

b. La voie de signalisation Dpp régule ce mécanisme

La voie de signalisation Decapentaplegic (Dpp) orchestre le processus de la fermeture dorsale de façon

autonome et non-autonome cellulaire. Le gène hemipterous (hep) codant pour la protéine

38 Figure 10. La voie de signalisation Decapentaplegic (Dpp) régule le processus de la fermeture dorsale. L’aire apicale de trois différentes populations cellulaires de l’AS (des cellules bleues en marge, des cellules rouges aux extrêmes du tissu ou canthi et des cellules jaunes au centre du tissu) a été mesurée au cours du temps pour des cellules contrôles (wild-type) et des cellules mutantes pour le gène thick veins (tkv), un activateur de la voie Dpp. L’aire des différentes populations des cellules fluctue pendant les 50 premières minutes de la fermeture dorsale et commence ensuite à réduire progressivement (en bas à gauche). Cette réduction de l’aire apicale est inhibée pour les cellules mutants tkv (en bas à droite). D’après Fernández et al., 2007.

39 de l’épiderme latéral permettant les mouvements de ces cellules vers la ligne médiale dorsale pendant

la fermeture dorsale (Glise and Noselli, 1997). Il a été montré que dans des embryons mutants pour

des composants de la voie Dpp, les cellules de l’AS fluctuaient normalement mais ne se contractaient

pas, de telle façon qu’elles ne pouvaient pas réduire leur surface apicale et donc le tissu finissait par

se fragiliser et se déchirer (Figure 10) (Fernández et al., 2007). Dpp joue également un rôle

non-autonome cellulaire sur les cellules de l’AS pour la transition entre la phase lente et rapide du

processus ou pour stabiliser ou maintenir un état contractile des cellules de l’AS, générant ainsi une

tension dans tout le tissu. Cependant, les mécanismes par lesquels Dpp contrôle la Myosine

apico-médiale des cellules de l’AS restent encore inconnus.

Ces trois exemples de processus morphogénétiques au cours du développement embryonnaire de la

drosophile mettent en évidence la plasticité des cellules épithéliales pour changer de forme en

fonction de la dynamique de mêmes acteurs moléculaires tels que la Myosine, l’Actine et la

E-Cadhérine. Mais si ces mêmes acteurs sont impliqués dans la morphogenèse de ces différents tissus

épithéliaux, nous avons vu que leur dynamique (des flux et des accumulations apico-médiale de

myosine) peut générer différents réponses cellulaires (des oscillations, des raccourcissements de

jonctions, des constrictions apicales) et pouvait être régulée par différents voies de signalisation. Il est

donc important de caractériser les relations entre les protéines formant ces réseaux dans chaque

processus morphogénétique afin de mettre en évidence tant les points communs que les particularités

propres à chaque tissu.