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Les ovaires de drosophile constituent un organe modèle présentant des intérêts très variés dans les

domaines de la biologie cellulaire, du développement et des cellules souches. Il s’agit de l’organe le

plus grand de la mouche qui est facile à isoler et visualiser au microscope. Les avancées en génétique

et en microscopie ainsi que des analyses complémentaires réalisées sur tissus fixés et vivants, ont

permis de caractériser plusieurs processus et mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans

la formation de cet organe. Notamment, les études en temps réel permettent d’affiner les analyses

en générant de l’information sur des échelles de temps variées.

La femelle adulte de la drosophile possède une paire d’ovaires localisés dans son abdomen. Ils sont

entourés par une enveloppe de tissu conjonctif qui permet la connexion entre eux par l’oviducte.

Chaque ovaire possède de 15 à 20 structures individuelles et fonctionnelles appelées les ovarioles qui

sont entourées par une membrane musculaire. Une ovariole est une structure linéaire et polarisée le

long de laquelle murissent les follicules ovariens ou chambres à œuf (Figure 20A). La région la plus

antérieure de chaque ovariole est appelée le germarium. Celle-ci se caractérise par la présence de

cellules souches germinales et somatiques qui sont à l’origine des toutes les cellules du follicule

ovarien. Le follicule est une structure composée d’un cyste germinal entouré par une monocouche de

cellules folliculaires somatiques. Lorsqu’un follicule sort du germarium, il poursuit progressivement

son développement dans la partie postérieure de l’ovariole appelée le vitellarium. Une fois la

maturation de l’ovocyte achevée, il atteint l’oviducte où il pourra être fécondé puis pondu. Le stade

d’un follicule peut être déterminé selon des critères morphologiques qui divisent l’ovogenèse en 14

stades avec le stade 1 correspondant au follicule bourgeonnant hors du germarium et le stade 14

73 d’interactions des cellules de la lignée germinale du cyste entre elles ainsi que qu’avec les cellules

folliculaires qui les entourent (Horne-Badovinac and Bilder, 2005).

1. Ovogenèse dans le germarium

Le germarium est divisé en trois régions différentes : la région 1, 2a et 2b (Figure 20B). La région 1

contient deux ou trois cellules souches germinales (GSC, Germline Stem Cells) en contact avec une

structure considérée comme la niche des GSC. Dans cette région 1, une GSC se divise de façon

asymétrique générant une cellule fille qui restera en contact avec la niche et gardera l’identité GSC,

et l’autre cellule fille qui commencera sa différenciation. Quatre divisions mitotiques avec des

cytodiérèses incomplètes forment un cyste de 16 cellules toutes reliées entre elles par des ponts

cytoplasmiques (ou canaux) générés à chaque division (Spradling, 1993). De cette façon à la fin des

divisions, le cyste contiendra 2 cellules avec 4 ponts cytoplasmiques, 2 cellules à 3 ponts, 4 cellules à

2 ponts et 8 cellules à un seul pont (Figure 20B). Le cyste rentre alors dans la région 2a du germarium,

où l’une des deux cellules avec 4 canaux, par des mécanismes encore inconnus, commence à

accumuler les protéines BicD, Egl, Orb et Cup ainsi que les ARNm oskar et BicD pour devenir l’ovocyte

(Huynh and St Johnston, 2000). Les autres 15 cellules du cyste deviendront les cellules nourricières.

Entre-temps, les cellules souches somatiques (SSC, Somatic Stem Cells) localisées à la limite des

régions 2a et 2b du germarium (Margolis and Spradling, 1995) se divisent générant les précurseurs

des Cellules Folliculaires (CF) qui sont placées postérieurement (Figure 20B). Dans la région 2b,

l’ovocyte se positionne dans la partie postérieure du cyste, établissant la polarité Antéro-Postérieure

(A-P), et commence à être enveloppé par une couche de précurseurs des CF afin de produire une

chambre à œuf individualisée. Les précurseurs des CF qui entourent un cyste germinal se différencient

en CF de la région centrale (« main body ») et en précurseurs de deux autres populations cellulaires

épithéliales qui ne se diviseront plus tout au long de l’ovogenèse: les Cellules Polaires (CP) et les

75 2. Ovogenèse dans le vitellarium

Depuis leur bourgeonnement, les cellules nourricières augmentent drastiquement de taille suite à

plusieurs cycles d’endoréplication, où la synthèse d’ADN est effectuée mais en absence de

cytodiérèse. Pour sa part, l’ovocyte reste bloqué en métaphase I de la méiose jusqu’à son passage de

l’oviducte à l’utérus.

Le tissu qui enveloppe le cyste germinal étant un épithélium, il va subir des changements très variés

de formes et de mouvements cellulaires. Aux stades précoces de l’ovogenèse, les CF présentent une

forme cuboïde et se divisent continuellement jusqu’au stade 6 (Margolis and Spradling, 1995). Puis

elles rentrent dans un période de croissance et de trois cycles d’endoréplication jusqu’au stade 10 de

l’ovogenèse (Calvi and Spradling, 1999). La transition d’un stade prolifératif à un état de croissance et

d’endoréplication des CF est dépendant de la liaison de Notch présent dans les CF avec son ligand

Delta exprimé dans la lignée germinale, ce qui active cette voie de signalisation (Deng et al., 2001).

La postériorisation de l’ovocyte dans le germarium et donc son absence antérieure permet la

spécification de différentes identités des CF antérieures ainsi que l’établissement d’un destin de CF

postérieur entre les stades 7 et 10 de l’ovogenèse (Figure 20A). Ainsi, trois populations cellulaires vont

être spécifiées du côté antérieur en réponse à l’activité de la voie de signalisation JAK/STAT (McGregor

et al., 2002; Xi et al., 2003). On trouvera, du côté le plus proche du pôle au plus éloigné : les cellules

de bordure (CB), les cellules squameuses et les cellules centripètes. Les CB subissent une transition

épithélio-mésenchymateuse au stade 9 de l’ovogenèse. Elles vont entourer les CP et migrer

collectivement à l’intérieur du follicule à travers les cellules nourricières pour atteindre la partie

antérieure de l’ovocyte au stade 10A (McGregor et al., 2002; Silver and Montell, 2001). En même

temps, les autres CF réorganisent leur cytosquelette et changent drastiquement de forme. D’une part,

les cellules squameuses s’aplatissent pour couvrir les cellules nourricières qui occupent la moitié

77 de l’ovocyte deviennent colonnaires et migrent entre les cellules nourricières et l’ovocyte afin de

l’entourer.

Du côté postérieur de la chambre, l’ovocyte, les CF et les CP communiquent ensemble via les voies de

signalisation JAK/STAT et EGFR afin de maintenir un destin postérieur aux stades 6/7 de l’ovogenèse

(Xi et al., 2003). Au stade 7, les CF et CP du côté postérieur envoient un signal de nature encore

inconnue à l’ovocyte, entraînant une réorganisation A-P de leur cytosquelette de microtubules et

générant ainsi une force qui pousse son noyau du côté dorso-antérieur (Zhao et al., 2012). Ce

mouvement du noyau permettra l’établissement de la polarité Dorso-Ventrale de l’ovocyte.

Ensuite, entre les stades 10B et 11 de l’ovogenèse, les cellules nourricières transfèrent tout leur

contenu dans l’ovocyte au cours d’un processus appelé le dumping cytoplasmique et leurs restes sont

dégradés entre les stades 12 et 13 de l’ovogenèse. Parallèlement, entre les stades 11 et 14 de

l’ovogenèse, deux groupes de CF colonnaires localisées en position antéro-dorsale se réorganisent

pour former des tubes. Ces tubes secrètent des composants de la coquille d’œuf dans le lumen afin

de générer les appendices chorioniques qui permettront la respiration des œufs (Horne-Badovinac

and Bilder, 2005). Les cellules centripètes vont également former l’operculum, une structure qui

permettra à la larve de quitter l’enveloppe de l’œuf. Finalement, entre les stades 13 et 14, le groupe

CB/CP localisé du côté antérieur de l’ovocyte forme le micropyle, le point d’entrée des

spermatozoïdes.

Deux processus morphogénétiques reposant sur la polarité de l’épithélium folliculaire ont également

été identifiés au cours de l’ovogenèse : l’élongation et la rotation de la chambre à œuf. A partir du

stade 5, les follicules s’allongent le long l’axe A-P et passent ainsi d’une forme sphérique à une forme

allongée jusqu’à être 2,5 fois plus longs que à la fin de l’ovogenèse. A partir d’analyses sur des follicules

fixés entre les stades 10 et 11, un mécanisme de « corset moléculaire » avait été proposé pour

expliquer le processus d’élongation de la chambre à œuf (Gutzeit et al., 1991). Selon ce modèle, des

79 de la matrice extracellulaire, alignés de façon perpendiculaire à l’axe d’élongation, seraient à la base

du processus d’élongation du tissu. Une des premières études conduites en temps réel sur des

chambres à œuf a révélé que la rotation des follicules était nécessaire à la polarisation des fibres de

la matrice extracellulaire, liant ainsi la rotation avec le corset moléculaire (Haigo and Bilder, 2011).

L’alignement des faisceaux d’Actine au niveau du tissu requis pour l’élongation des follicules est établi

très tôt au cours de l’ovogenèse par le processus de rotation (Cetera et al., 2014). En parallèle, le

groupe de Denise Montell a mis en évidence le caractère dynamique du corset moléculaire (He et al.,

2010). Les chercheurs ont déterminé qu’entre les stades 9 et 10 de l’ovogenèse, des cycles de

contraction générés par une accumulation basale d’acto-myosine dans les CF et en association avec

des composants de la matrice extracellulaire, étaient nécessaires à l’élongation des follicules (He et

al., 2010). Plus récemment, l’équipe de Vincent Mirouse a proposé deux phases pour expliquer

l’élongation de la chambre à œuf (Mirouse). La première phase qui a lieu entre les stades 3 et 7 de

l’ovogenèse est basée sur un mécanisme de pulsations apicales des CF contrôlées par la signalisation

JAK/STAT et indépendant du processus de rotation. Puis, une deuxième phase d’élongation a lieu

entre les stades 8 et 14 et implique la Cadhérine atypique Fat2 au niveau basal.