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Voie d’entrée des Rhabdovirus dans la cellule-hôte

2. La glycoprotéine et l’entrée des Rhabdovirus

2.4. Voie d’entrée des Rhabdovirus dans la cellule-hôte

Après la fixation de leur récepteur, les Rhabdovirus sont internalisés par la cellule par voie endocytique médiée par la clathrine.

2.4.1. Entrée par endocytose médiée par la clathrine

La liaison des Rhabdovirus à leur récepteur déclenche l'endocytose du virion. Tous les Rhabdovirus étudiés jusqu’à présent, y compris RABV (Lewis and Lentz, 1998; Lewis et al., 1998; Piccinotti et al., 2013; Superti et al., 1984), VSV (Cureton et al., 2009, 2010; Johannsdottir et al., 2009; Sun et al., 2005; Superti et al., 1987), le virus de la fièvre éphémère bovine (BEFV) (Cheng et al., 2012), le virus de la virémie printanière de carpe (SVCV) (Shao et al., 2016) et le virus de la nécrose hématopoïétique infectieuse (VNHI) (Liu et al., 2011) utilisent l'endocytose médiée par la clathrine (CME) pour entrer dans la cellule hôte. L'endocytose de RABV, VSV, BEFV et SVCV s'est révélée être dépendante de la dynamine (Cheng et al., 2012; Johannsdottir et al., 2009; Piccinotti et al., 2013; Shao et al., 2016). Cependant, pour RABV et VSV, la présence de la protéine adaptatrice AP-2 (Johannsdottir et al., 2009; Piccinotti et al., 2013) n’est pas nécessaire. Dans le cas de VSV, cela est compatible à l’internalisation du LDLR, qui elle-même n'est pas strictement dépendante de l'AP-2 (Motley et al., 2003).

L'endocytose de VSV est un processus rapide avec un t1/2 de 2,5 à 3 minutes (Johannsdottir et

al., 2009). Après liaison au récepteur, les virions ne diffusent pas latéralement pour rejoindre des puits préformés mais sont internalisés par des puits qui se forment au niveau ou près des particules virales (Cureton et al., 2009). Des observations similaires ont été faites avec un VSV recombinant, dans lequel VSV G a été substituée par RABV G (Piccinotti et al., 2013).

2.4.2. Entrée dépendante de l’actine

Les Rhabdovirus ont une taille supérieure aux dimensions des vésicules recouvertes de clathrine qui sont classiquement de l’ordre de 60 nm. Les vésicules contenant des particules virales sont plus allongées que les vésicules vides en provenance de la CME. Elles contiennent aussi plus de clathrine et de molécules adaptatrices, mais pas suffisamment pour recouvrir complètement la vésicule contenant la particule virale (Cureton et al., 2009), ainsi la vésicule qui internalise le virus n’est que partiellement recouverte de clathrine (Figure 19).

L’internalisation complète du virus dans la vésicule d’endocytose est dépendante de l’actine (Figure 19), en effet un traitement des cellules avec de la cytochalasine D ou de la latrunculine B, qui détruisent les filaments d'actine, inhibe l'entrée en bloquant la transition des puits contenant le virus en vésicules cytosoliques (Cureton et al., 2009). L’assemblage de l’actine est nécessaire pour que l’entrée de VSV soit efficace en raison de la taille de la particule virale. Au contraire, des particules défectueuses interférentes qui sont plus courtes (de l’ordre de 75 nm de long par rapport aux 100-200nm pour VSV) ne dépendent pas de la polymérisation de l’actine pour leur endocytose (Cureton et al., 2010).

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2.4.3. Le transport des Rhabdovirus après internalisation

2.4.3.a. Le transport du VSV dans la voie endosomale

La fusion des membranes virale et endosomale médiée par G survient rapidement après endocytose, 1 à 2 minutes après l’internalisation (Johannsdottir et al., 2009). Compte tenu de la rapidité du processus, il est probable que la transition structurale de G catalysant la fusion membranaire, ait lieu dans les endosomes précoces (Figure 19, voie (i)). Ceci est en accord avec des expériences montrant que RAB5, qui permet la maturation des vésicules endocytiques en endosomes précoces, est nécessaire à l’infection par VSV alors que RAB7, qui permet le passage de l'endosome précoce à l'endosome tardif, ou encore RAB11, qui permet le recyclage des endosomes, n’ont apparemment pas de rôle dans l’infection par VSV (Mire et al., 2010; Sieczkarski and Whittaker, 2003).

Cependant, cette vision classique est contestée par des données expérimentales qui suggèrent que l’activation à bas pH de la fusion de VSV et la libération de la RNP dans le cytosol se déroulent en deux étapes distinctes (Le Blanc et al., 2005; Luyet et al., 2008) (Figure 19, voie (ii)). L'enveloppe virale fusionnerait d'abord avec une vésicule intraluminale (ILV) dans les MVB. Une seconde étape de fusion (appelée back-fusion, et impliquant l’action d’une machinerie cellulaire) entre l'ILV et la membrane externe du MVB serait alors nécessaire afin de libérer la RNP dans le cytosol.

Les arguments en faveur de cette hypothèse sont les suivants : tout d’abord, la fusion et la libération d'ARN dans le cytosol peuvent être découplées en présence de nocodazole qui dépolymérise les microtubules mais n’a pas d’effet sur la fusion de VSV tout en réduisant considérablement la libération d'ARN (Le Blanc et al., 2005). Deuxièmement, la déplétion par siRNA de plusieurs sous-unités de la machinerie ESCRT (notamment ALIX, HRS, VPS22 et VPS24), qui sont impliquées dans la formation des ILV, réduit l'infection de VSV de 30% à 50% (Le Blanc et al., 2005; Pasqual et al., 2011). Troisièmement, un anticorps monoclonal dirigé contre l'acide lysobisphosphatidique (LBPA) ou bis(monoacylglycéro)phosphate (BMP), qui sont tous deux des phospholipides spécifiques des endosomes tardifs, inhibe l’infection par VSV de manière dose-dépendante (Le Blanc et al., 2005). Enfin, in vitro, il a été démontré que quand le BMP est présent dans des liposomes cibles, il favorise la fusion de ceux-ci avec VSV (Roth and Whittaker, 2011). Par conséquent, les mécanismes précis impliqués dans l’entrée du VSV restent à déterminer. On ne peut exclure que VSV utilise les différentes voies d’entrée en fonction des cellules et de leur état physiologique.

Enfin, plusieurs facteurs chez l’hôte semblent nécessaires à l'infection par VSV. Le récepteur 149 couplé à la protéine G (GPR149), un antigène de cellules souches de la prostate (PSCA) et une protéine Sm-like associée au snRNA U6(LSM5) sont impliqués dans l’entrée virale (Lee et al., 2014). GPR149 est une protéine transmembranaire conservée chez les vertébrés (Edson et al., 2010), tandis que PSCA est une glycoprotéine membranaire surexprimée dans les cancers de la prostate (Reiter et al., 1998). Leur localisation à la membrane cellulaire est compatible avec leur rôle en tant que facteurs d'entrée potentiels (Figure 19). En revanche, LSM5 est principalement située dans le noyau et son rôle dans l’entrée de VSV est probablement indirect.

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Figure 19. Voies proposées pour l'entrée du VSV dans la cellule hôte.

La liaison de la G de VSV au LDLR déclenche une endocytose des particules de VSV. La vésicule d'endocytose n'est que partiellement couverte par la clathrine. Une entrée virale efficace nécessite une polymérisation de l'actine. Deux voies ont été proposées. Voie (i): la fusion se produit rapidement dans l’endosome précoce et conduit à la libération de la RNP dans le cytoplasme. Voie (ii): à l'intérieur des MVB, le VSV fusionne d'abord avec une ILV dans laquelle la RNP est libérée. Dans l’endosome tardif, ces vésicules livrent la RNP au cytoplasme par un mécanisme de « back-fusion ». Les protéines impliquées dans l'entrée du VSV sont écrits en rouge. Les lipides spécifiques des endosomes qui favorisent la fusion de VSV sont inscrits en violet.

2.4.3.b. Le transport de RABV dans l’axone

Dans le cas de RABV, deux voies différentes avaient été proposées pour le transport du virus à travers l'axone jusqu'au soma où la transcription et la réplication ont lieu. Soit la fusion a lieu tôt et la RNP est transportée seule, soit la totalité de la particule virale est transportée à l'intérieur de la vésicule endocytique. Il est maintenant clair que la voie d'entrée prédominante de RABV dans le neurone est la deuxième voie évoquée (Figure 20).

43 Premièrement, il a été démontré que les lentivirus pseudotypés avec RABV G sont transportés de manière rétrograde et atteignent le système nerveux central après leur sortie du système nerveux périphérique (Mazarakis et al., 2001). Ce qui n’est pas le cas lorsque VSV G est utilisée pour pseudotyper les lentivirus. Cela indique que RABV G permet le transport sur de longues distances le long des axones, contrairement à VSV G, et que, dans le cas d'une infection par RABV, le virion atteint le soma en étant transporté à l’intérieur d’une vésicule endocytique (Mazarakis et al., 2001).

Par ailleurs, dans des cellules de neuroblastome murin NS20Y, des expériences ont été effectuées avec des particules de RABV doublement marquées par des protéines fluorescentes. L’une des protéines est une eGFP fusionnée à la protéine P de RABV et l’autre est une protéine fluorescente rouge comprenant la partie transmembranaire et cytosolique de RABV G afin que cette sonde rouge soit insérée dans la membrane virale. Ces particules doublement fluorescentes permettent de discriminer si le virus entier ou seulement la RNP est acheminé le long de l’axone. Il apparait que dans les cellules NS20Y les particules virales de RABV sont transportées sous forme de cargo dans des vésicules lors du transport axonal rétrograde (Klingen et al., 2008). Des observations similaires ont ensuite été faites dans les neurones sensoriels issus des ganglions de la racine dorsale et les motoneurones (Gluska et al., 2014; Piccinotti and Whelan, 2016).

Dans les neurones primaires moteurs et sensoriels, la CME apparait comme la voie majeure d'endocytose du RABV. Cependant, dans les motoneurones dérivés de la moelle épinière ventrale, une fraction significative des particules entrantes ne sont pas localisées avec la transferrine, ce qui suggère que certains virions entrent indépendamment de la clathrine ou du mécanisme de macropinocytose (Piccinotti and Whelan, 2016).

Le site d’acidification des vésicules contenant le RABV est encore un sujet de débats. Certaines expériences avec la souche vaccinale SAD de RABV ont fourni des preuves du transport des particules virales dans des endosomes acidifiés (Gluska et al., 2014) alors qu'une autre étude réalisée avec un VSV recombinant exprimant la G de la souche CVS a suggéré que l’acidification de la vésicule contenant le virus se produit principalement dans le soma neuronal (Piccinotti and Whelan, 2016) (Figure 20). La capacité à tolérer une acidification légère pendant le transport axonal pourrait être liée aux propriétés intrinsèques de G de différentes souches. En effet les cinétiques de la transition structurale induite par l’abaissement du pH varient de manière significative d'une souche à l'autre (Gaudin et al., 1995b).

Enfin, il convient de noter que certains neurones semblent être résistants à l’infection rétrograde par RABV. C’est le cas de deux classes de neurones sensoriels non myélinisés, qui représentent près de la moitié de la population des neurones ganglionnaires de la racine dorsale qui sont largement résistants à l’infection par le virus de la rage au niveau de la moelle épinière (Albisetti et al., 2017). La résistance de ces neurones à l’infection n’est pas expliquée par une absence des récepteurs potentiels identifiés (Albisetti et al., 2017). Il est donc possible que certaines propriétés structurales encore inconnues des neurones résistants ou de leurs axones empêchent la progression du virus vers le soma.

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Figure 20.Mécanisme proposé pour l'entrée de RABV et son transport rétrograde dans les neurones.

D’après Belot et al., 2019.

Après la reconnaissance du récepteur, le virion est endocyté dans des vésicules partiellement recouvertes de clathrine (1) et est transporté dans une vésicule endocytique (2) le long de l'axone via les microtubules jusqu'au soma (3). L'acidification des endosomes se produit au niveau du soma, entraînant la fusion membranaire et la libération de la RNP (4).