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Il est fréquent que les sages du Talmud soient en controverse autour des principes mêmes de lecture de la Torah. Ces débats sont si fondamentaux et si généraux qu’ils ouvrent des perspectives immenses et modifient en profondeur l’idée que l’on se fait d’un texte et d’un écrit. Il est impossible, dans le cadre de cette présentation, d’entrer dans le détail de tous ces débats. Autant essayer de résumer l’océan talmudique. Mais, il est une controverse que l’on doit, au moins, exposer globalement, sans entrer dans les détails. La pédagogie le requiert, car elle permet de prendre conscience des attendus les plus immédiats d’une culture chargée de la double dimension de l’écrit et de l’oral. Cette controverse porte, précisément, sur les différences qui surgissent, ou qui peuvent surgir, entre la dimension écrite et la dimension

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« lue » du texte biblique. Elle se formule, en général, ainsi : certains soutiennent , littéralement : « la lecture a une mère » ; d’autres soutiennent , littéralement : « l’écriture a une mère »1. Le problème se pose, en premier lieu, lorsque se produit une divergence entre le texte écrit et la tradition de lecture qui l’accompagne. Il s’agit souvent de différences mineures liées à la présence ou à l’absence de certaines lettres, compensées le plus souvent par les habitudes de lecture. Par exemple, le mot (soukkot), peut être écrit avec un Vav : , ou sans Vav : ou même ; pareillement, et . La première écriture est appelée (« pleine »), la seconde (« défective »). La lecture compense automatiquement, par habitude ou en fonction du contexte, les « lacunes » de l’écriture. Ces divergences n’introduisent pas de doute sur le sens du mot, mais elles engagent un débat sur leurs conséquences dans l’interprétation du texte. Il faut rappeler, cependant, que la base commune à tous les interprètes est que le texte dans ses lettres fait loi. Certes, la loi peut aussi venir d’ailleurs ; par exemple, d’une pure transmission orale (halakha lé-moché). Ce qui peut entraîner une discussion et la remise en question des premières évidences tirées de la lecture du texte. Mais, au niveau de l’interprétation du texte elle-même, avant que celle-ci ne soit discutée en regard de l’enseignement oral, seules les lettres comptent. Tel est le premier élément admis unanimement. Le second est qu’entre l’écriture pleine et l’écriture défective doit jouer le principe d’économie : si un mot peut être écrit avec trois lettres, toute lettre supplémentaire appelle une interprétation. Ce principe d’économie ne repose pas sur la grammaire, mais sur les attestations du texte. Par exemple, plus haut, nous faisions état de l’interprétation de la formule 2. Or, certains usages lexicaux dans la Torah attestent que le terme peut être contracté en ; du coup, la présence de la lettre Youd supplémentaire appelle une déduction nouvelle. Pareillement, selon la même règle, puisque la Torah atteste que le mot (soukkot) peut être aussi écrit , chaque lettre Vav supplémentaire dans un verset requiert d’être prise en compte dans l’interprétation. Ces deux principes, une fois posés, débouchent sur une difficulté. L’accord est unanime sur le fait que le rallongement du mot doit être interprété ; mais que doit-on faire lorsqu’un mot « défectif » est lu « plein » ? Le problème vient du fait qu’on « lit » des lettres là où il n’y en a pas, par exemple le mot est lu . Faut-il tenir la lecture pour rien au regard de l’écriture ? Certes, les deux Vavïn ne sont pas « écrits ». Mais, la lecture fait comme s’ils l’étaient. Ceux qui affirment (« la lecture a une mère »), jugent qu’il faut compter

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Cf. Sanhédrin 4 a sq., Zéva’him 37 b, et passim. Notez que le terme (massorêt) ne désigne pas du tout, ici, la Massorah, mais au contraire « la tradition écrite », le texte reçu dans sa seule écriture.

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aussi les lettres de la lecture ; dans certains cas, cela conduit à une interprétation plus large. Tandis que ceux qui soutiennent (« l’écriture a une mère ») jugent que ce que la lecture ajoute ne peut être considéré comme une lettre écrite.

Il est clair que, dans le contexte d’une culture alphabétique, ce genre de spéculations met mal à l’aise. Car ce qui est écrit l’est une fois pour toutes ; le lecteur ne saurait y ajouter quoi que ce soit. Il « suit » fidèlement, par la voix, l’ordre des lettres sans rien modifier. La lecture est « reflet » et « imitation ». Un texte écrit dans le syllabaire hébraïque contraint le lecteur à davantage d’audace. Car il doit vocaliser ce qui ne l’est pas. Et l’écrit n’est rien, c’est-à-dire, ne « dit » rien, sans l’audace du lecteur ; qui ne se contente pas d’offrir sa voix, mais qui compense automatiquement les « défaillances » du texte et le recrée en permanence, jusque dans ses lettres. Par où la lecture rejoint le plan de l’écriture. La lecture, à son tour, devient « texte ».

Le débat entre écriture et lecture touche à la nature de la lettre. Qu’est-ce qu’une lettre ? Est-ce celle qu’on lit ou, uniquement, celle qui est dûment écrite ? Cette question entraîne des conséquences légales qu’il serait long de développer ici. La force de la question est, déjà, en soi, un modèle de réflexion, dont les conséquences sont cruciales sur le plan sémantique. En effet, au niveau pratique, il est évident qu’il n’y a de « texte » que par la lecture, et que, tant que l’on reste à la seule écriture, rien n’est encore « dit ». En conséquence, comment choisir entre deux mots dont la signification est différente, mais s’écrivant de la même façon, sinon en recourant aux habitudes de lecture, voire à une tradition orale constituée ? Comment sait-on, par exemple, que dans le verset מּ ֹ (Exode 23:19), le mot doit être lu bé-‘halav et non bé-‘halèv ? Si on lit bé-‘halav, comme le veut la tradition de lecture, le verset signifie : « Tu ne feras pas cuire un agneau dans le lait de sa mère ». Cette injonction introduit l’interdiction de cuire et consommer un mélange de lait et de viande. Mais, si on lisait bé-‘halèv, le verset signifierait « Tu ne feras pas cuire un agneau dans la graisse de sa mère ». Il n’y aurait alors plus de trace scripturaire de l’interdiction de mélanger le lait et la viande ; mais uniquement un mélange de viande et de certaines graisses. Certains sages du Talmud veulent voir ici la preuve que, sur le plan sémantique, la lecture seule est matricielle et constitue le « texte de loi ». L’écrit n’est qu’un support, une prothèse. Tout se décide au niveau de la lecture, non seulement les lettres du texte mais aussi le sens, puisqu’il dépend étroitement de la vocalisation. En soi, cette conclusion paraît parfaitement évidente. Tant que la discussion porte sur des éléments divergents entre lecture et écriture, comme plus haut, une controverse reste admissible. Même si on lit soukkot là ou il n’est écrit que , l’écrit a

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encore une fonction matricielle ; il peut conserver et retenir en lui le « texte » que la voix anime. Donc, l’écrit a encore, si l’on peut dire, encore « voix » au chapitre. Mais, lorsque l’écrit ne « dit » plus rien, lorsqu’on hésite entre plusieurs vocalisations possibles, seule une authentique tradition de lecture peut lever l’hésitation et délivrer le sens. Ce n’est pourtant pas la conclusion du Talmud. En fait, la controverse se prolonge ici aussi. Même si, en tout état de cause, la lecture est le « texte », l’écrit conserve encore et toujours sa force signifiante. Comment est-ce possible, dès lors que la lettre est foncièrement passive et indifférente devant la souveraineté sémantique de la lecture, qui vocalise à volonté des lettres mortes ? Parce que les autres lettres interfèrent avec elle. Lorsqu’un assemblage unique de lettres (un mot) ne « parle » pas, les autres mots, autour de lui, connectés à lui, « parlent » encore de lui. Ceux qui affirment (« l’écriture a une mère »), ne se reposent sur aucune tradition ou habitude de lecture. Même au niveau purement sémantique, même lorsque deux vocalisations sont possibles, c’est encore l’écrit qui décide du « texte ». À la question : pourquoi lire

bé-‘halav et non bé-‘halèv, ils répondent que l’emploi du verbe implique une « cuisson »1, ce qui n’est compatible qu’avec du « lait ». Dans la graisse, en effet, on ne « cuit » pas, on fait « frire ». Si le verset voulait signifier bé-‘halèv (la graisse), il aurait dû employer le verbe (frire). L’écrit conserve donc sa force matricielle, il dirige la lecture et détermine la vocalisation, non pas directement au niveau du mot, mais par la situation du mot dans son contexte. Il en résulte que, selon cette opinion, une lecture rigoureuse sur le plan sémantique peut construire la vocalisation des mots sans recourir toujours nécessairement à une tradition déjà donnée.

La puissance sémantique d’un syllabaire est étonnante. Les questions susceptibles d’être posées à la notion de « lettre » et de « texte » sont confondantes. Tenir fermement la division de l’écrit et de l’oral n’implique en rien que ces domaines ne se bousculent pas. Au contraire, ils doivent se pénétrer. Mais, jusqu’où ? Puisque la vocalisation d’un mot l’enrichit, faut-il compter aussi cette richesse nouvelle au titre de ses constituants ? Comme si, subrepticement, le système alphabétique s’infiltrait toujours nécessairement dans un syllabaire, charriant dans son sillage les substituts de chaque phonème proféré et les élevant au rang de « lettre ». Inversement, puisqu’un assemblage de lettres forme un mot, et qu’un assemblage de mots forme une phrase, puis un discours, puisque ces séries linéaires sont solidaires, ne faut-il pas nécessairement vocaliser les lettres les unes en fonction des autres ? L’écriture pénétrant ainsi

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la lecture de ses propres réquisits, l’obligeant à une secondarité en perpétuelle construction, serait l’organisatrice de la voix. Et, la lettre écrite tiendrait la voix en son pouvoir parce que, essentiellement, toute assertion, tout discours, dépend d’abord de ses articulations sémantiques. Cette controverse montre bien la perpétuelle tension entre « l’écrit » et le « lu », passant du sein de la lecture au sein de l’écriture. Entre la nécessité d’une tradition de lecture et source du « texte », saisissant et dominant l’écrit jusque dans ses lettres ; et le refus de toute tradition de lecture, assujettissant le sens à la logique des lettres. Voilà qui pourrait donner lieu à un nouveau jugement de Salomon : deux mères réclamant leur enfant, mais, cette fois, nul ne saurait les départager.

Je voudrais illustrer ici les conséquences de ce genre de débat dans l’interprétation de la Bible, au niveau des commentateurs médiévaux. Ce qui me retient ne sont pas tant les échos directs des controverses précédentes sur le caractère matriciel de l’écriture ou de la lecture, mais plutôt leurs résonances générales sur les démarches interprétatives. Car, une fois ce genre de débat lancé, il autorise un champ de questionnement qui démultiplie les possibilités d’interprétation d’un texte. Il est clair désormais que la notion de « texte », si fondamental dans l’interprétation et la traduction, n’est aucunement une chose donnée, une série de mots et de signes posés là et attendant d’être déchiffrés, rythme et structure éternels en attente de leur voix. Un texte est forcément un espace en perpétuel construction et déconstruction. Au point que le travail du commentaire, loin de gloser sur le texte, consiste plutôt à l’établir. Je prendrai un exemple tiré de la Genèse, son fameux premier verset : « Au commencement, le Souverain créa le ciel et la terre ».

Il est décisif de comprendre que les dogmes que l’on prête au judaïsme ne sont jamais des évidences, mais des choix d’interprétation. À cet égard, il est intéressant d’examiner le principe de la création ex-nihilo dans le premier verset de la Genèse. À s’en tenir au texte hébraïque, aucune des choses que l’on croit certaines ne le sont. Certains assument sans discuter la thèse de la création ex-nihilo (Maïmonide, par exemple) ; d’autres démontrent aisément que le texte dit littéralement autre chose (Rachi, Ibn Ezra). J’ai exposé ailleurs l’enjeu de la lecture de Rachi, et sa confrontation à Maïmonide1. La démarche d’Ibn Ezra importe ici d’avantage. Car elle met en cause le principe le plus fondamental de toute culture qui prétend se fonder sur un texte : le principe d’une stabilité des signifiants. Le problème

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Voir mon article « la création du monde » dans Fondements de l’humanité, sous la direction de M. Tapiero, éd. Du Cerf, 2010.

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posé est l’interprétation du deuxième terme du Pentateuque, le verbe (bara), que l’on

rapporte au radical « créer », et qui fait lire que Dieu créa le monde.

La plupart des commentateurs déclarent que [trad. habituelle « la création »] consiste à produire l’étant à partir du néant. Ainsi des mots « si Dieu créait une création ( ) » [une pure innovation, dépourvue de préparatifs, tirée du néant] (Nombres 16:30). Mais ils ont oublié les mots : « Le Souverain produisit ( ) les grands poissons marins » [explicitement à partir des eaux, non pas ex-nihilo] (Genèse 1:21). Ainsi que trois occurrences du verbe dans le verset « le Souverain créa ( ) l’homme » [alors qu’il est explicitement dit qu’il a été formé à partir de la terre] (ibid. 1:27) ; ou encore « Il crée ( ) l’obscurité » (Isaïe 45:7) alors que l’obscurité est le contraire [la privation] de la lumière, laquelle seule existe.

L’explication grammaticale rigoureuse du verbe est qu’il comporte deux significations. La première est celle que l’on vient de dire. La seconde apparaît au verset « il ne partagea ( ) pas le pain avec eux » (II Samuel 12:17). Interprété selon cette seconde signification, la lettre Alèf remplace la lettre Hé [dans le verbe du premier verset de la Genèse]. Comme par exemple le verset « le peuple voulut faire manger ( ) du pain à David » (ibid. 3:35), qui est employé à la forme causative ; et lorsque ce verbe s’écrit avec un Alèf, il est de la forme « vous vous engraissez ( ) des prémices de toute offrande d’Israël » (I Samuel 2:29). On trouve aussi un usage direct [du verbe écrit avec un Alèf] à la forme intensive « ouvre-toi un passage ( ) là-bas » (Josué 17:15), qui est différent du verbe « choisissez ( ) parmi vous un homme » [de la racine - ] (I Samuel 17:8), et s’apparente plutôt au verset « il les fend ( ) avec leur épée » (Ézéchiel 23:47). En ce sens, le verbe [ de la Genèse] signifie « trancher », « poser une limite définie ».1

Je résume l’analyse grammaticale d’Ibn Ezra : la signification du deuxième terme du Pentateuque ( ), que l’on traduit généralement par « [il] créa », est ambigüe. Ce terme peut être le produit de deux racines verbales différentes2. Soit il dérive d’une racine morphologiquement identique ( ), soit il dérive de la racine . Les deux verbes n’ont pas la même signification. Écrit avec un Alèf, signifie « créer », « produire à partir de rien » ; écrit avec un Hé, signifie « couper, trancher ». Mais, objectera-t-on, ce n’est pas le même mot : n’est pas ! Le terme employé lors de la création du monde comporte un Alèf et non un Hé ! Il n’est donc pas possible de les confondre. Pourtant, il existe des cas de substitution de lettres ; ce n’est pas rare dans la Bible, et même précisément de ces deux

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Cf. Commentaire d’Ibn Ezra sur Genèse 1:1. 2

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lettres. Soit, par exemple, le verbe (kala) : retenir, empêcher, emprisonner. La lettre Alèf finale est parfois remplacée par un Hé, comme le montre l’exemple ci-après. Pourtant, il existe aussi un verbe (kala) avec un Hé, dont le sens est très différent : achever, finir, exterminer. Il s’agit de deux verbes différents, dont la signification est parfaitement distincte. Mais, l’usage de la langue (écrite) fait que leur emploi se croise parfois, en sorte qu’ils deviennent indiscernables à l’écriture et à la lecture. Et, seul le contexte ou l’interprétation permettent de trancher entre les deux significations possibles. Le verset de Genèse 23:6 en donne un exemple connu :

ֹ ָ ֹ ָמּ ָ .

Écoute-nous, seigneur ! Tu es un dignitaire du Souverain au milieu de nous, dans la meilleure de nos tombes ensevelis ton mort. Nul d’entre nous ne te refusera sa tombe pour inhumer ton mort.

Dans son commentaire sur ce verset, Rachi explique qu’il s’agit non de la racine , mais bien du verbe . Bien que le verbe soit écrit ici , avec un Hé au lieu d’un Alèf, il s’agit cependant de la racine , comme dans les Psaumes 40:12 (ָ ֹ) ou dans Genèse 8:2 ( ). Ce commentaire de Rachi est à peine un choix d’interprétation. Le contexte impose pratiquement cette lecture. Car on ne saurait dire (sans une longue et rigoureuse justification) « nul d’entre nous ne te finira sa tombe pour inhumer ton mort ». Ibn Ezra se réfère à cette possibilité de substitution des lettres Alèf et Hé, à propos du premier verbe de la Torah ( ). Toutefois, dans ce cas, le contexte n’impose pas une signification plutôt qu’une autre. Rattacher ce verbe à la racine ou à la racine relève d’un choix d’interprète. Ibn Ezra argumente en exposant qu’il existe précisément des cas similaires de substitution des lettres Alèf et Hé dans les déclinaisons de la racine , qui peut devenir ainsi . Ainsi, dans II Samuel 3:35, a le même sens que dans I Samuel 2:29. Et la Bible atteste même d’un emploi direct du verbe avec un Alèf : « ouvre-toi un passage ( ) là-bas » (Josué 17:15). Il n’est donc pas du tout assuré que le deuxième terme de la Genèse énonce la « création » du ciel et de la terre, puisqu’il peut absolument s’agit d’une forme dérivée du verbe . Ce qui oblige à reconsidérer l’évidence d’une création ex-nihilo. Le lecteur a le choix entre deux lectures littérales possibles : l’une est la lecture habituelle, qui met en œuvre l’idée de création ; l’autre qui décrit une opération originelle de « coupure », en sorte que le texte biblique commencerait en exposant la façon dont le ciel et la terre aurait été « coupé », « scindé ». On pourrait ainsi traduire en toute rigueur le commencement du récit de la Genèse : « Au début de la séparation par le Souverain du ciel et de la terre, la terre était

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tohu-bohu, etc. »1. L’argumentation d’Ibn Ezra (comme souvent) est très assurée. Rien, dans le texte, ne permet de trancher en faveur d’une lecture plutôt que l’autre. C’est une décision qui appartient foncièrement au lecteur. Et il importe fortement que le lecteur le sache. Car, qu’il le veuille ou non, qu’il soit ou non prêt à l’accepter, toute lecture consiste à mêler son intelligence et sa parole à celle du texte. Qu’il en ait conscience ou non, la décision du sens du texte est sienne.

La possibilité que les lettres se substituent l’une à l’autre est-elle inconcevable dans un système alphabétique ? Il arrive que des mots supportent des significations différentes, et requièrent une légère interprétation pour être compris. En français, il existe quantité d’homonymes, parfois uniquement phonétiques, parfois même aussi homographes. Dire, par exemple, qu’un homme est « d'abord agréable », peut signifier, aussi bien, que son commerce est agréable, ou bien qu’il se montre agréable en premier lieu, mais peut-être pas ensuite. Mais, l’homonymie ne repose pas sur une substitution de lettre. Un tel procédé d’écriture semble irrecevable dans un système alphabétique, parce que, par définition, l’écriture n’est pas un champ autonome mais, uniquement, de la « voix écrite ». L’homonymie est donc compatible avec un système alphabétique. Soit, comme le montrent les homographes absolus, parce que l’écriture finit toujours par refléter les usages de la langue parlée (en sorte que les termes homonymes dans la langue le deviennent aussi dans leur orthographe). Soit, comme le montrent les homographes de prononciation différente (ils expédient une lettre/c'est un bon