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1.1 Généralités

1.1.3 Viscosité

Une analyse dimensionnelle [Krieger 1963] permet d’écrire que pour des régimes où Re= 0, la viscosité ne dépend que du nombre de Péclet et de la fraction volumique Φ de particules dispersées dans le fluide suspendant :

ηr= η

1.1. Généralités 7

Fig. 1.1 – Viscosité réduite en fonction de la contrainte de cisaillement adimensionnée τr∼ η0˙γa3/kT ∼ P e pour des suspensions de particules sphériques de tailles différentes (77 – 215 nm) dans les fluides indiqués en légende.Φ= 0.5. D’après [Papir & Krieger 1970].

oùηr est la viscosité réduite.

Influence du nombre de Péclet La fig. 1.1 représente la courbe maîtresse de la viscosité réduiteηr en fonction de la contrainte de cisaillement adimensionnée,τr = τ a3

kT ∼ P e, pour des suspensions de particules sphériques de tailles différentes (77 – 215 nm) et de fraction volumique Φ= 0.5 dans divers fluides suspendants. Ce graphe montre bien que toutes les courbes se superposent si la viscosité, normalisée par la viscosité du fluide suspendant, est tracée en fonction du nombre de Péclet. Ainsi, la viscosité d’une suspension est une fonction décroissante du nombre de Péclet. Pour les grands nombres de Péclet, elle atteint un palier, et selon certains auteurs, elle peut même croître à nouveau [Foss & Brady 2000].

Influence de la fraction volumique La fig. 1.2 représente la variation de la viscosité relative de suspensions de sphères de tailles différentes (0.1–65 µm) en fonction de Φ/Φ. Ces résultats montrent que, pour un type de suspension, il existe une fraction volumique maximumΦpour laquelle la viscosité diverge. Cette fraction volumique est souvent utilisée comme paramètre ajustable dans les modèles de viscosité [Stickel & Powell 2005]. La valeur deΦ varie sensiblement dans la littérature entre 0.53 et 0.70 et traduit une mesure scalaire de la microstructure de la suspension [Wildemuth & Williams 1984]. Une valeur communé-ment admise estΦ≈ 0.64 qui est la concentration correspondant à un empilement compact aléatoire.

De nombreuses formulations empiriques deηr(Φ) existent dans la littérature, mais nous retiendrons [Wiederseiner 2010] :

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Fig. 1.2 – Viscosité réduite en fonction de Φ/Φ pour des suspensions de sphères de tailles différentes (0.1–65 µm). La courbe en trait plein est la relation de Krieger et Dougherty (1959). D’après [Wildemuth & Williams 1984].

1.1. Généralités 9

ηr= (1 − Φ

Φ)−2 [Maron & Pierce 1956]

ηr= (1 − Φ Φ)−2.5Φ

[Krieger & Dougherty 1959]

(1.7)

La première expression, très souvent proposée, formulée par Maron et Pierce (1956), sera utilisée dans la suite de ce manuscrit. Notons que, contrairement à l’expression proposée par Krieger et Dougherty (1959), la loi de Maron et Pierce ne permet pas de retrouver la viscosité d’une suspension diluée [Einstein 1906] quandΦ→ 0.

Suspensions diluées En 1906, Einstein propose, pour l’appliquer dans son étude du mouvement brownien, une relation pour la viscosité relative d’une suspension diluée :

ηr= 1 + 2.5Φ (1.8)

Cette relation montre que les suspensions diluées se comportent comme des fluides homo-gènes newtoniens de viscosité supérieure à celle du fluide suspendant. Ce résultat simple et général ne dépend pas du caractère brownien ou non brownien des particules, ni des éven-tuelles interactions qu’elles pourraient avoir entre elles ou de la géométrie de l’écoulement. Guyon et al. (2011) proposent un raisonnement simple pour le comprendre qualitativement. Considérons le transport de quantité de mouvement le long d’une ligne L tracée au hasard dans une suspension de fraction volumiqueΦ≪ 1 (fig. 1.3).

Fig. 1.3 – Explication heuristique de la viscosité d’une suspension diluée. La ligne L coupe aléatoirement la suspension. La fraction de ligne DE est située dans le liquide suspendant de viscosité η0 et la fraction de ligne EF est située dans une particule rigide. D’après [Guyon et al. 2001].

Ce transport est diffusif sur la fraction de ligne DE entre deux particules dans le fluide de viscositéη0 et instantanée sur le segment EF dans une particule solide qui joue le rôle de court-circuit. Le temps de diffusion dans la suspension entre D et F est donc identique

10 Chapitre 1. Généralités

au temps de diffusion dans le fluide entre D et E. On peut donc écrire :

tD= DF2 η/ρ =

DE2

η0(1.9)

Dans le premier terme, c’est la viscosité effective qui intervient, alors que dans le second est prise en compte la viscosité du fluide uniquement. D’après un théorème de stéréologie, la fraction de longueur située dans les particules sur une droite traversant aléatoirement la suspension est égale à Φ. Le rapport des longueurs DE et DF est donc en moyenne :

DE

DF = 1 − EF

DF = 1 − Φ (1.10)

ce qui permet d’écrire (1.9) sous la forme

tD = [DF (1 − Φ)]

2

η0(1.11)

Un développement au premier ordre enΦ donne :

ηr= 1 + 2Φ (1.12)

en bon accord avec l’expression (1.8).

L’expression d’Einstein est valable jusqu’à des concentrations de quelques pour cent. Pour des fractions volumiques plus grandes, les interactions hydrodynamiques entre parti-cules interviennent et il faut apporter à l’expression de la viscosité des corrections d’ordre supérieur en Φ. La correction à l’ordre 2 provient des interactions de paires dans l’écoule-ment et dépend donc de l’organisation spatiale de celles-ci qui, elle-même, varie en fonction du type d’écoulement. En 1972, Batchelor et Green calculent la correction en O(Φ2) pour un écoulement de cisaillement pur [Batchelor & Green 1972a]

ηr= 1 + 2.5Φ + 7.6Φ2 (1.13)

Cette relation s’applique le plus souvent pour des concentrations inférieures à 0.10. Au-delà, les interactions à plus de deux particules interviennent et les termes d’ordre supérieur sont difficiles à calculer. On a alors recours, la plupart du temps, à des modèles phénoménolo-giques comme ceux de Maron-Pierce ou de Krieger-Dougherty.

On voit d’ores et déjà que microstructure et rhéologie sont fortement liées. En effet, pour mener à bien leur calcul de correction de viscosité, Batchelor et Green (1972) ont eu besoin de connaître la distribution spatiale des particules dans un écoulement de cisaillement pur.