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 Si l’automobile telle qu’on la connait est vouée à disparaitre, est-ce cependant la fin du concept d’automobilité ? Selon Dominique Rouillard de l’agence Architecture Action, il n’en est rien, bien au contraire. Cette capa- cité à se déplacer de n’imorte quel point A à n’importe quel point B dans un véhicule individuel a encore de beaux jours devant elle et devrait même se retrouver accrue grâce à l’innovation technologique.

 En effet, selon la chercheuse, les VEC (véhicules écologiques communi- cants) seront bientôt débarassés de tous les défauts de la voiture et per- mettront ainsi un nouveau modèle de ville automobile.

 Derrière cette appellation VEC, on doit comprendre l’ensemble des moyens de transport personnels, motorisés mais 100% écologiques et dis- posant d’une interface internet permettant, entre autres, leur contrôle à distance. De par leurs propriétés, ces nouveaux moyens de transport (la Google Car en est un exemple) pourraient ainsi à tout moment, via une application smartphone, être louées par un usager, le rejoindre par géolo- calisation et le transporter où bon lui semble. Un astucieux mélange entre Uber et Autolib, finalement. Avec en prime, le choix du véhicule correspon- dant le mieux à son trajet : un monospace pour partir en vacance en famille, une citadine pour aller travailler, un utilitaire pour un déménagement...  Ce système pourrait ainsi être très avantageux pour la ville et ses usa- gers, réduisant les temps d’inutilité des véhicules et donc les stationne- ments, limitant les accidents car totalement intelligents, et ne produisant aucune nuisances car 100% écologiques. Mais malgré de gros progrès en la matière, ce dernier point reste loin d’être atteint. De plus, dans une logique de consommation, les industriels qui travaillent sur ces VEC semblent pour l’instant plus enclins à vendre ces bijoux de technologie comme des véhi- cules individuels personnels et non comme une sorte de service d’autopar- tage généralisé.

 Mais une sorte d’entre deux façon Domobile pourrait être envisageable. Une chose est sûre, si de tels progrès techniques viennent à se concrétiser, la ville de ces prochaines années se devra de composer avec.

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Source : Dominique Rouillard, Conférence Rendez-vous Compte. ENSA Nantes, 19/03/2015.

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La ville automobile, que tirer de l’échec d’un système ?

particulièrement grande à la ville automobile, si bien que, même si on sait que cet immense potentiel de mobilités permis par l’automobile n’est en réalité presque jamais exploité et reste conditionné à un panel assez limité de choix de mobilité, il est si prometteur qu’il est difficile de s’en extraire.

 D’autant que cette vision de l’automobile comme moyen de transport au grand potentiel émancipatoire est renforcée par une forte symbolique de l’au- tomobile. Il y aurait beaucoup à dire sur les travaux de sémiologie explorant la symbolique de l’automobile, tant dans la publicité que dans la culture.5 Cela

n’étant pas à proprement parler le sujet de cette étude, nous ne nous attarde- rons pas sur ce thème mais il faut cependant avoir à l’esprit la force que ces symboles ont sur notre vision de la voiture, tant dans son caractère capable et émancipatoire que dans sa dimension de marqueur social et d’objet de culte qui dépassent totalement sa fonction première de moyen de locomotion et en font un objet particulièrement intouchable, sous peine de vives réactions émo- tionnelles. Cette dimension symbolique encrée dans notre culture automobile est ainsi un facteur certain de l’inertie de ce système.

 De plus, on ne pourrait réduire l’ensemble de ce système à la simple voiture. Derrière le système automobile, il y a d’une part le matériel mobile que consti- tue l’ensemble des voitures individuelles, ainsi que tous les autres engins de transport de personnes et de marchandises si l’on veut être englobant, mais aussi tout le matériel immobile : l’ensemble des infrastructures, voies, routes, ponts, tunnels, viaducs qui permettent à un pays comme la France d’avoir la quasi-totalité de son territoire desservi par une route. Ajoutons à cela un ensemble de stations essence un peu partout sur le territoire, qui doivent être approvisionnées en carburant en continu, également grâce à des kilomètres d’infrastructure mais surtout grâce à des accords géopolitiques complexes, la France étant totalement dépendante en pétrole, ressource presque exclusive- ment utilisée pour les transports. Ce dernier point est donc un aspect immaté- riel du système automobile et il en existe bien d’autres, de la forte symbolique de la voiture dans l’art, la culture, la société jusqu’au code de la route et tous les autres textes de loi faisant référence à l’automobile. Si une partie de cet ensemble que constitue le système automobile peut être recyclé ou détourné de son rapport à l’automobile pour accueillir d’autres transports et d’autres

5 Roland Bart à propos de “Mythologies”, Document vidéo INA, 1957.

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visions, une bonne partie reste, par définition ou par nécessité, attaché à l’au- tomobile telle que nous la connaissons. Excepté l’industrie des matières plas- tiques, l’ensemble de la filière du pétrole est certainement voué à disparaitre avec l’automobile, de son import et son transport à sa transformation et sa dis- tribution. Cette disparition n’est certainement pas à pleurer mais cet ensemble complexe de facteurs en jeu y est beaucoup pour l’inertie puissante de la ville automobile. D’autant que, contrairement à la France qui envisage de façon de plus en plus crédible une transition de ses modes de mobilité, une bonne partie du monde est toujours dans une politique inverse d’augmentation de son parc automobile au nom du progrès.

Un système déjà révolu ?

«Je suis Giulietta» [Publicité / Alpha Romeo / 2010]

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La ville automobile, que tirer de l’échec d’un système ?

 Enfin, comme nous l’avons vu dans la mise en contexte historique, la ville automobile est aussi faite de toutes les adaptations urbaines résultantes de l’entrée de l’automobile dans la ville, notamment l’urbanisme moderniste, qui, sans être initialement fortement attaché à l’automobile (bien des projets de villes modernistes imaginaient toute sortes de moyens de transports autres), a constitué un cocktail particulièrement tenace avec cette dernière. En effet le fait de séparer la ville en zones monofonctionnelles contribue à amplifier consi- dérablement le quatrième temps de la ville, le transport. Si certaines formes urbaines nées de cette pensée moderniste comme les banlieues dortoirs pour- raient éventuellement se concilier avec d’autres moyens de transports s’ils sont correctement utilisés, qu’en est-il des énormes zones commerciales en sortie de ville ? Il s’agit là de fragments de ville (ou de non-villes) qui ne peuvent fonc- tionner autrement qu’avec un usage massif de l’automobile. Il en va de même pour certains quartiers pavillonnaires périurbains « à l’américaine » trop peu denses pour y rendre rentable le passage d’un transport en commun, trop éloi- gnées des centres pour être rejointes quotidiennement à pieds ou à vélo. Tant que l’on continuera cet étalement urbain constitué majoritairement d’espaces nécessitant l’usage indispensable de l’automobile, la ville automobile n’aura pas de souci à se faire.

 Toutes ces caractéristiques fondamentales, imaginaires, urbaines sont ainsi des garants d’une pérennité de la ville automobile et leur déconstruction est un préalable à une transition réussie vers un autre modèle de ville. L’inverse ne pourrait se faire sans conflits humains ou urbains. Il faudra donc garder en mémoire ces aspects de la ville automobile et faire particulièrement attention à leur traitement en étudiant, dans la seconde grande partie de ce mémoire, les outils mis en œuvre pour rendre la ville multimodale.

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