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DESCRIPTION CRITIQUE DE QUELQUES OUTILS DE LA VILLE MULTIMODALE

Masdar et ses Pod Cars

2.2 DESCRIPTION CRITIQUE DE QUELQUES OUTILS DE LA VILLE MULTIMODALE

Parmi tous les outils évoqués en première partie, j’ai choisi d’en approfondir particulièrement deux ici, l’un, emblématique d’une volonté de diversification de choix modal, la création d’une ligne de TCSP, l’autre, portant d’avantage sur une réduction de la place de la voiture en ville, la zone 30 généralisée.

2.2.1 Le tracé des transports en commun en site propre

 L’un des projets fondateurs d’une transition vers une politique multimodale dans une ville est souvent la création d’une ligne et à terme d’un réseau de transports en commun en site propre. Si durant la première moitié du XXème siècle, les transports en commun étaient grandement utilisés car peu de cita- dins étaient automobilistes, la fréquentation de ces derniers a grandement baissé en proportion avec la démocratisation de la voiture. Sauf aides exté- rieures, un transport en commun n’étant rentable que s’il est suffisamment utilisé, les nouveaux transports en commun ne se doivent plus seulement de fournir un moyen de transport urbain aux personnes n’ayant pas accès à la voiture, il doivent aussi concurrencer cette dernière afin d’être suffisamment rentables pour se développer, et ainsi d’accéder à ce cercle vertueux que nous avons déjà évoqué en partie 2.1.

 On assiste ainsi à des stratégies de développement différentes de celles des anciens transports en commun. Si ces derniers, forts de leur grand nombre d’usagers, pouvaient se développer sur de nombreuses lignes et s’intégrer à

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tous les tissus de la ville, ils avaient l’inconvénient mineur de circuler sur la même voie que les autres transports. Dans nos villes modernes congestion- nées, ce dernier point devient très problématique. C’est ainsi que les nouveaux transports en commun n’ont plus pour principal critère d’efficacité la densité ou le nombre de ligne qui constitue leur réseau, mais plutôt leur capacité à être plus rapide et plus ponctuels que la voiture, le site propre étant la meilleure arme de cette stratégie.

 Seulement, la création d’une ligne de transports en site propre n’est pas chose aisée dans les villes Françaises qui comportent souvent peu d’axes très larges, cela nécessite donc des interventions de voirie très lourdes et très cou- teuses, leur prix est d’ailleurs généralement amplifié par une attention toute particulière à rendre ces lignes modernes et esthétiques1. Ce prix élevé de

l’aménagement en site propre amène plusieurs conséquences. Tout d’abord, chaque kilomètre d’aménagement étant précieux, les nouveaux réseaux de transports en commun se doivent d’être concis et efficaces en tentant de desservir des portions clés des villes, à défaut de pouvoir couvrir l’ensemble de leur surface. Fini les réseaux de tramway tentaculaires des années 30, les nouveaux réseaux se doivent d’être aussi capables que leurs aïeux en un mini- mum de kilomètres linéaires. Ensuite, cette importance du prix entraine une certaine diversification des moyens de transport en site propre. Si le métro lourd, qui par sa nature enterrée ou aérienne fût le premier transport urbain en site propre, réussit à séduire quelques très grandes villes françaises dans les années 70, l’avènement du VAL, puis du tramway en site propre, moins chers, a permis d’en conquérir d’autres moins grandes. Ces dernières années, les pro- jets de tramway sur rails se sont raréfiés au profit des tramways sur roues puis des BHNS au point que ces derniers constituent aujourd’hui la quasi intégralité des projets actuellement en réalisation. Enfin, l’investissement étant lourd pour les collectivités, les lignes sont réalisées au compte-goutte, des années s’écoulent entre chaque ligne construite et bien que le renouveau des trans- ports en commun soit amorcé depuis la fin des années 80, rares sont les villes qui ont un réseau de plus de trois lignes à leur actif, et bien des villes moyennes n’ont réalisé qu’une seule ligne sans ambition proche d’étoffer leur réseau. Cette ligne unique censée accueillir toute la diversité des trajets d’une ville a donc un lourd fardeau sur les épaules et son trajet est au combien déterminant et structurant pour l’ensemble d’un projet urbain.

1 Voir Correspondance T4 (p80).

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Description critique de quelques outils

Mobilité(s), le Livre blanc des transports métropolitains Aix-Marseille-Provence • 91

 Il me semble donc assez révélateur d’étudier le tracé de ces lignes uniques ou de ces réseaux peu étoffés car derrière leur dessin est sensé reposer toute la structure de la stratégie de transports publics d’une ville. Si nombre de villes affirment comme volonté forte pour leur ligne de TCSP de désenclaver cer- tains quartiers populaires, ils sembleraient que certaines jouent des rôles plus ambigus. Lors d’un entretien avec la fédération des maisons de quartier de St Nazaire, on m’avait parlé de l’étrangeté du trajet de la ligne Hélyce, la nouvelle ligne de BHNS en site propre locale : « c’est une seule ligne et elle se garde bien de passer par les quartiers, elle a un joli parcours pratique pour les touristes mais le reste des gens ont à se contenter des bus qui sont bien moins fréquents. Franchement, j’ai du mal à comprendre son trajet… Elle ne passe même pas par le port industriel, alors que ça représente quand même énormément de travailleurs sur St Nazaire »2, me confie Marie-Pierre Sou, directrice du pôle

mobilité. Plusieurs articles de presse locale de différentes villes semblaient également accuser les tracés de ces lignes structurantes de maux similaires.

2 Voir « entretien avec la FMQ de Saint-Nazaire » en annexe p 142.

«La future ligne» [Xavier Gorce / 2014]

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