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Le système Domobile

1.3 LA VILLE AUTOMOBILE, UN SYSTÈME DÉJÀ RÉVOLU ?

1.3.1 L’opinion public favorable à une transition

 En France, comme dans la majorité des pays d’Europe de l’ouest, il sem- blerait que ces dernières années aient été particulièrement difficiles pour la ville automobile, tant dans sa réputation que dans son implantation réelle. Ce constat est cependant loin d’être global et nous nous appuierons princi- palement sur des chiffres et des faits nationaux pour le dresser. Il faut garder à l’esprit qu’un constat plus global, à l’échelle mondiale et même seulement européenne aurait donné des résultats différents, et aurait sans doute mené à des conclusions inverses à ce que l’on remarque dans l’Hexagone. Mais la France ne fait cependant pas pour autant office de pionnière de l’alternative à la voiture, ce choix de restriction géographique nationale est donc uniquement pratique et ne saurait être révélateur d’une tendance plus vaste.

 Ce déclin constaté est la conséquence directe de l’ensemble des problèmes évoqués en seconde partie, particulièrement ceux liés à la trop grande utili- sation de la voiture en ville et ceux en relation avec l’environnement. Nous avons déjà évoqué les conséquences de la prise de conscience des problèmes environnementaux dans le champ politique et industriel, on les retrouve aussi dans la société civile et dans les comportements des individus. En effet, même si dans les milieux associatifs écologistes il n’est pas rare de déplorer l’inaction générale de la société face aux problèmes environnementaux, on peut tout de même noter qu’en 2016, 13% des utilisateurs de transports en commun disaient avoir fait ce choix modal par conscience écologique et 46% disaient recommander l’usage des transports en commun avant tout pour des raisons

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La ville automobile, que tirer de l’échec d’un système ?

2010 2009 2008 Ile de France Villes de plus de 200 000 hab. Villes de 100 à 200 000 hab. Evocations négatives 71 70 75 66 72 72 Evocations positives 34 35 28 39 35 31 Rien 5 3 8 6 5 5 Ne se prononce pas 3 4 1 4 3 1

Parmi les évocations négatives :

Problèmes de circulation (feux, embouteillages…) 41 45 47 43 42 38 Problèmes de stationnement (manque de places…) 28 25 26 23 27 28

La pollution 13 19 14 10 12 13

Galère / Embarras / Source de problèmes 12 5 18 11 13 17 Prix du stationnement / parcmètres 6 5 5 3 5 4

Perte de temps 5 5 7 6 6 4

Pas utile en ville 5 3 - 3 5 3

C'est coûteux, c'est cher (sans précision) 3 4 6 3 3 2 Le danger (accidents, conduite dangereuse, alcool…) 2 6 - 3 2 1 Les dépenses en carburant / Prix de l'essence 2 4 4 2 2 -

Le stress 2 3 3 2 3 2

L'énervement 2 1 2 1 2 1

Les nuisances sonores 1 1 1 1 1 -

Les contraventions / amendes / PV 1 1 1 2 1 - Autres évocations négatives 1 1 - 1 1 -

Lieu de sondage en 2010 Année de sondage

Source : Observatoire de la mobilité, Union des transports publics et ferroviaires, 2010.

« Quand on vous parle de déplacement en voiture en ville, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?»

Réponses exprimées en %.

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environnementales. Des chiffres en hausse par rapport aux mêmes études réa- lisées dans les mêmes conditions les années précédentes.1

 Ces chiffres proviennent de l’observatoire de la mobilité, une organisation de l’Union des Transports Publics qui organise chaque année des campagnes de sondage pour évaluer l’avis des français sur les mobilités. Le tableau ci-contre présente quelques chiffres des édition 2008, 2009 et 2010 qui portaient sur des questions d’évocations positives ou négatives de la voiture en ville. Ces questions n’apparaissant pas dans les éditions plus récentes.

 On constate avec ces chiffres qu’une majorité de la population est donc déjà confrontée aux problèmes de la trop grande présence de la voiture en ville et est également en bonne partie sensibilisée aux problèmes environnementaux qui y sont liés. Le terrain est donc favorable à une transition des modes de déplacement d’autant qu’une catégorie décisive de la population semble prin- cipalement encline à renoncer à la voiture, les jeunes.

 Ainsi, d’après une étude2 menée par le Forum Vies Mobiles en lien avec le

Laboratoire Aménagement Economie Transports de l’Université de Lyon et l’école polytechnique de Montréal, le taux de détention du permis chez les 18-30 ans aurait baissé de 9% entre 1993 et 2008. Les déplacements en voiture se seraient également raréfiés davantage chez les jeunes que pour le reste de la population. Les deux villes échantillons de cette étude sont Lyon et Grenoble, on observe dans la première une baisse de 16% du nombre de déplacement en voiture tous âge confondus entre 1995 et 2006, une baisse de 30% chez les 18-24 ans et une baisse de 34% chez les 25-34 ans sur la même période. Les résultats sont similaires à Grenoble où, entre 2002 et 2010, on observe une baisse générale de 18% et une baisse chez les 16-34 ans de 23%. On notera que ces chiffres comptent à la fois l’usage de la voiture en tant que conducteur et en tant que passager. Enfin, un troisième indicateur du délaissement de la voi- ture par les jeunes est le nombre croissant de ménages non équipés en voiture puisqu’il a augmenté de 20% entre 1995 et 2006 à Lyon chez les 18-24 ans, de 67% chez les 25-29 ans et de 46% chez les 30-34 ans.

1 Union des Transports Publics et ferroviaires, Observatoire de la mobilité. 2016. 2 Stéphanie Vincent-Geslin et al, Evolution du rapport des jeunes à la voiture. 2016.

Un système déjà révolu ?

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La ville automobile, que tirer de l’échec d’un système ?

 Si les raisons de ce déclin de l’utilisation de la voiture chez les jeunes pour- raient être liées à son coût élevé pour le budget d’un jeune, aux nuisances évo- quées dans les études de l’Observatoire de la mobilité ou à d’autres problèmes déjà abordés en partie 2, il se pourrait qu’ils soient également le reflet d’une tendance générationelle plus globale.

 En effet, l’étude évoque également des témoignages de jeunes qui ne voient plus le permis comme un « rite de passage à l’âge adulte » mais plutôt comme « une compétence, un diplôme qu’il est utile d’avoir, à indiquer sur le CV »3. Et

il est probable qu’au-delà de cette désacralisation de l’automobile et du permis se cache en fait un réel changement de l’importance de la mobilité dans nos sociétés hyper connectées. Disposer d’une voiture ou d’autres moyens de transport peut vraisemblablement paraître moins utile lorsque l’on a accès à un grand nombre de ressources grâce à son smartphone, que l’on peut se faire livrer chez soi biens et services à moindre coût, que l’on peut virtuellement rendre visite à ses amis ou à ses contacts professionnels et que le nombre de télétravailleurs est en augmentation (en 2016, 16,4% des actifs télé-travail- laient). Il est difficile d’évaluer la proportion de ce dernier point sur les choix de mobilité des individus, seulement, le constat est clair : Nous vivons dans une société où le fait d’être physiquement mobile tend à être moins essentiel qu’avant, du moins pour certaines parties de la population, cela ne peut que jouer en la faveur d’une transition vers une ville moins automobile.