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Si l’on enlevait tous les panneaux, toutes les signalisations au sol, tous les feux de nos centre-villes, que se passerait-il ? Le chaos général sans doute. Les automobilistes, libérés de tous rappels de limitation et de tous disposi- tifs de réduction de vitesse rouleraient à toute berzingue, les cyclistes, privé de l’abri que constitue leur bande cyclable, se retrouveraient exposés à tous les dangers, et les piétons ne sauraient quand et où traverser sans les ras- surantes bandes blanches...

 Où alors, ce chaos s’organiserait rapidement, rappelant à chaque usager qu’il partage la voie avec les autres, civilisant l’automobiliste et responsabi- lisant le piéton... Il faudrait essayer pour savoir. Et à vrai dire, bien des villes, ailleurs en Europe ont déjà expérimenté ce concept de la «rue nue», aussi parfois appelé «shared space».

 Et alors, ça marche ? Oui et non. Dans les premiers exemples britanniques, entièrement dépouillés de toute forme de marquage (même de trottoirs) il semblerait que, si la plupart des interactions entre usagers se négocient d’elles-mêmes comme attendu, le rapport de force semble davantage aller dans le sens de l’automobiliste et certains piétons ressentent un sentiment d’insécurité dans ces espaces.

 Cependant, dans les exemples de rues nues plus récents des Pays-Bas,

(réalisés parfois sur des portions de ville entières comme à Makkinga, ville sans aucun panneaux) des traitements de sol différents pour certines places et axes sont conservés et permettent de rétablir un rapport de force d’égal à égal et un sentiment de sureté pour les piétons sans tomber dans la logique française de partage systématique de la voirie à grand renfort de signali- sations. Et niveau sécurité le résultat est sygnificatif puisque dans certaines villes «nues» hollandaises comme à Drachten, le nombre d’accidents à été divisé par 9 depuis la suppression des panneaux et feux.

 Cet outil, s’il mérite peut-être quelques ajustements pour être optimal, semble ainsi doté de nombre de qualités et semble être une réponse aussi pertinente que la ville 30 pour rendre la voirie multimodale. Et cerise sur le gâteau, cet outil de réduction de la place de la voiture en ville est prôné, entre autres, par les lobbystes de l’automobile. Il est peut-être temps de faire cause commune ! A moins que cela ne soit que par pur esprit de contradiction...

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Sources :

Ligue des Conducteurs, Les Rues Dégagées : Moins de Signalisation En Ville, plus de Sécurité, 2014. Hélène Reigner et al. Nouvelles idéologies urbaines, PUR, 2013.

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La ville multimodale qui se dessine est-elle la bonne ?

2009, où les aménagements ont été réalisés sur une assez longue période. Dès 1991 et l’ajout des zones 30 dans le code de la route, la ville s’en est doté mas- sivement si bien que lorsque la décision fût prise en 2005 de généraliser la zone 30 à l’ensemble de la ville, un tiers des quartiers étaient déjà devenus des zones 30, par demande des habitants ou par la présence de tel ou tel équipement le nécessitant. Dans un entretien réalisé par le CERTU, Olivier Le Lamar, l’adjoint en charge des déplacements et de la voirie, affirme que les aménagements mis en œuvre n’auraient pas excédé le budget annuel alloué à l’entretient de la voirie, de 500 000€ par ans. Pour transformer l’ensemble d’une ville de 57 000 habitants, on est très loin du million d’euros au kilomètre, et qui plus est, sur des échelles prix abordables pour la plupart des métropoles.

 Enfin, sur la question des accidents, les arguments du document de la ligue de défense des conducteurs portent principalement sur le double-sens cyclable en vigueur dans les zones 30 qui est certes discutable en terme de sécurité et fait aussi débat chez les cyclistes, on notera la différence d’approche de ce problème annoncé en ces termes par la ligue : « Il n’y a pas que la vitesse : les piétons et cyclistes sont responsables de la moitié des accidents qui les concernent », argument imparable s’il en est. Pour ce qui est de Rue de l’Avenir, ces derniers affichent fièrement sur leur site un rapport de l’ISBR constatant une diminution de 42% des accidents corporels dans les zones 30 hollandaises, et de 61% en Angleterre.

 Il existe cependant un chiffre qui semble pour l’instant introuvable concer- nant les zones 30 et qui parait pourtant être un indicateur essentiel de leur efficacité : leur impact sur la réduction du trafic. En effet, nous avons montré tout à l’heure que cette donnée est une composante essentielle de la stra- tégie derrière la ville à 30 et une condition à l’avantage environnemental de cette dernière. L’absence de ce chiffre est donc assez troublant d’autant que les exemples commencent à être nombreux et anciens (Graz, en Autriche, est limitée à 30 depuis 1992). Ainsi, il ne semble exister que des marqueurs indirects du succès des zones 30. A Grenoble, ce sont les pics de pollution qui se font plus rares et moins intenses depuis le passage de la métropole à 30, signe que le trafic a peut-être baissé ou s’est au moins stabilisé. A Lorient ou à Vannes, dont les objectifs de projet de ville 30 étaient d’avantage un meil- leur partage de la voirie pour favoriser les déplacements doux, sans étude à posteriori, le seul facteur de mesure du succès de ces opérations reste pour

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l’instant l’enthousiasme des riverains et usagers dont l’expérience positive tend à généraliser les villes 30 aux métropoles comme à St Avé, près de Vannes ou à Queven ou Locmiquélic près de Lorient.

 En conclusion, bien qu’elle n’engendre pas réellement la plupart des maux dont ses détracteurs l’accusent, la ville à 30 reste cependant loin d’être une solution miracle aux divers problèmes causés par l’automobile et les preuves bénéfiques de ses effets sur la ville restent en partie à démontrer.

 Ainsi, au travers de l’étude de ces deux outils de la ville multimodale, nous avons pu voir que cette dernière, pour des raisons plus ou moins valable, n’est pas aussi unanimement saluée que ce que pouvait laisser penser les chiffres évoqués dans la partie 1. Et il semblerait que cette remise en cause de la ville multimodale qui se dessine actuellement existe, non seulement en riposte aux outils qu’elle met en place, mais aussi dans les espaces qu’elle semble oublier, à dessein ou faute de mieux.

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