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VIII APPLICATION A LA RECUPERATION DU PETROLE

Les roches poreuses qui contiennent du pétrole, ou roches pétrolifères, sont essentiellement de trois types : les roches mouillées par l’eau, dites hydrophiles, les roches mouillées par le pétrole, dites hydrophobes, et les roches mixtes, c’est-à-dire comprenant des zones de chacun des deux types précédents [1]. Nous nous intéressons ici uniquement au premier cas, celui où la roche poreuse pétrolifère est partout recouverte d’un film d’eau, qui empêche tout contact direct entre la roche et le pétrole. Il s’agit généralement de roches à base de silicates [2].

Dans les conditions de très haute température et très haute pression qui peuvent régner au sein de la roche pétrolifère, le pétrole existe sous forme de fluide monophasique. Au cours de la production de pétrole, la pression dans le gisement s’abaisse assez pour que le pétrole passe dans la région de coexistence liquide/vapeur de son diagramme de phases. L’ingénierie de la récupération du pétrole étudie donc les écoulements triphasiques (eau, huile, gaz) en milieu poreux [3-5]. Les trois phases présentes dans le milieu poreux réservoir sont la phase aqueuse, le pétrole liquide, et la vapeur. Le taux de récupération du pétrole (liquide) lors de l’exploitation d’un gisement dépend naturellement des propriétés hydrodynamiques des trois phases à l’intérieur du milieu poreux [6,7]. Le cas qui nous intéresse ici est celui d’une roche poreuse mouillée par l’eau, pour lequel les propriétés de mouillage du pétrole sur l’eau doivent avoir une influence sur les propriétés hydrodynamiques des diverses phases en présence et donc sur le taux de récupération du pétrole. C’est cette influence des propriétés de mouillage du pétrole sur l’eau sur le taux de récupération dudit pétrole que nous allons étudier.

La façon la plus simple de modéliser expérimentalement, au niveau du laboratoire, la production de pétrole au niveau d’un puits d’extraction consiste à réaliser une expérience de

drainage par gravité. Le montage expérimental, qui sera décrit en détail au paragraphe

(VIII.1), consiste en une colonne remplie de sable hydrophile et saturée en eau et en pétrole. La différence de pression entre l’intérieur du gisement pétrolier et l’atmosphère, qui est la force motrice du pétrole lors de son extraction, y est modélisée par la différence d’énergie potentielle de pesanteur entre le haut et le bas de la colonne.

Le pétrole, bien que constitué en réalité de multiples composés organiques (hydrocarbures saturés ; hydrocarbures insaturés :oléfines, aromatiques) et minéraux (soufre, traces d’ions, de métaux…), est modélisé ici par l’un de ses constituants majoritaires : un hydrocarbure saturé acyclique, encore appelé paraffine, ou alcane. Dans la mesure où nous connaissons l’état de mouillage d’un alcane sur l’eau en fonction de sa longueur de chaîne, de la température, de la pression ou de la salinité (cf. chapitre IV), nous pouvons étudier l’influence de l’état de mouillage d’un alcane sur l’eau sur le taux de récupération de cet alcane lors de son drainage par gravité.

VIII.1 Description d’une expérience de drainage par gravité

Nous allons étudier le drainage par gravité d’un alcane à travers une colonne en verre remplie de sable de Nemours, qui est naturellement très hydrophile. La technique utilisée pour suivre l’évolution de la récupération d’alcane au cours du temps est très simple : elle consiste à peser, à intervalles de temps réguliers, la quantité d’alcane qui s’est écoulé de la colonne, en position verticale, depuis l’ouverture de celle-ci, jusqu’à l’obtention d’une masse d’alcane récupérée stationnaire.

Afin que les expériences de drainage par gravité soient les plus reproductibles possible, il convient de préparer, pour chaque expérience, la colonne d’alcane selon un même protocole.

En premier lieu, la colonne doit être remplie de sable avec un tassement le plus uniforme possible. Afin de pouvoir reproduire un tassement semblable pour chaque nouveau remplissage de la colonne, nous avons utilisé un vibreur. Tous les deux centimètres (environ) de hauteur de sable versés dans la colonne, celle-ci est mise au contact du vibreur pendant environ trente secondes. Le vibreur est toujours utilisé à la même fréquence. Notons tout de même que ces précautions ne semblent pas absolument nécessaires, dans la mesure où nous avons observé une très bonne reproductibilité des résultats expérimentaux avec deux façons différentes de tasser le sable, toutes conditions étant égales par ailleurs : le premier tassement correspondait à la procédure décrite précédemment et le second à un tassement obtenu en tapotant la colonne avec un marteau en plastique tous les deux centimètres de sable versés.

Dans tous les cas, quelle que soit la procédure de tassement utilisée, nous avons versé pratiquement la même masse msab ≈ 380 ± 15 g de sable pour remplir le volume libre Vcol≈

225 cm3 de la colonne (d’environ 32 cm de hauteur). Cela signifie que la porosité du milieu poreux constitué par la colonne remplie de sable est approximativement la même dans toutes nos expériences de drainage par gravité. On définit la porosité Φ comme le rapport du volume poreux

Vpor =Vcol−Vsab, où Vsab est le volume de sable versé dans la colonne, sur le

volume total Vcol :

Φ = Vpor

Vcol Eq. (VIII.1)

Sachant que la masse volumique de notre sable est ρsab ≈2,65 g.cm

-3

, on a Vsab =msab/ρsab ≈143cm

3

, d’où

Vpor ≈82cm 3

, et une porosité Φ ≈36%.

Une observation directe par microscopie des grains de sable utilisés permet de déterminer approximativement le rayon moyen de la distribution, relativement monodisperse, des grains de sable. On trouve un rayon moyen r sab ≈ 100 µm. Le volume Vsab et la surface

Asab de sable correspondant à une masse msab ≈ 380 g de N grains de sable, de masse

volumique ρsab, s’expriment simplement en fonction de r sab :

Vsab=4 3πr sab 3 N Eq. (VIII.2) = π

d’où

Asab=3Vsab

r sab = 3msab

ρsabr sab Eq. (VIII.4)

Cela correspond à une surface de sable Asab ≈ 4,3 m2, soit une surface spécifique

Aspé =3/(ρsabr sab)≈0,01m 2

/ g pour le sable utilisé, ordre de grandeur confirmé par une mesure d’adsorption de Krypton, effectuée à l’Institut Français du Pétrole, et qui donne 0,02 m2.g-1 comme résultat.

La deuxième étape du protocole expérimental consiste, une fois la colonne remplie de sable et fermée par un bouchon équipé d’un robinet à chacune de ses extrémités, à la saturer en eau. Il s’agit de remplir le milieu poreux d’eau en chassant l’air initialement présent dans le volume poreux. Pour ce faire, on relie l’un des robinets, préalablement ouvert, à une trompe à eau, dispositif qui permet d’aspirer avec une différence de pression approximativement constante. L’autre robinet, en position fermée, est relié par un tube flexible (rempli d’eau) à un réservoir d’eau, préalablement dégazée par aspiration pendant environ une heure afin d’en ôter les gaz dissous (dioxygène, dioxyde de carbone …). Il faut s’assurer qu’aucune bulle d’air ne se trouve ni dans le tube flexible ni au niveau de ce dernier robinet. Lorsque ce robinet est ouvert, la différence de pression imposée par la trompe à eau provoque l’avancée, directement visible, de l’eau dans la colonne. On peut suivre à l’œil nu la progression du front plan entre la zone de sable envahie par l’eau et la zone de sable sec : ce front plan est perpendiculaire à l’axe de la colonne. Lorsque ce front atteint la seconde extrémité de la colonne, l’opération de saturation en eau est terminée. On pèse la colonne avant et après cette opération de saturation de la colonne en eau afin de déterminer, par différence, la masse d’eau meau présente dans la colonne à ce stade de l’expérience.

L’étape suivante consiste à saturer le milieu poreux en alcane sans y introduire de vapeur. Il s’agit de relier l’un des robinets à un réservoir d’alcane par un tube flexible rempli de cet alcane. Le réservoir d’alcane est alors placé à une altitude supérieure à celle de la colonne, qui est maintenue dans une position verticale, le robinet relié au réservoir d’alcane se trouvant en haut et en position ouverte. Enfin, le robinet du bas est ouvert, et l’alcane s’écoule librement à travers le milieu poreux sous l’influence de la différence d’énergie potentielle de pesanteur entre le réservoir et la colonne. L’alcane déplace ainsi une partie de l’eau initialement contenue dans le milieu et l’on récupère uniquement de l’eau à la sortie de la colonne. Après environ trente minutes, on récupère à la fois de l’eau et de l’alcane, ce qui est visible par l’apparition d’un ménisque dans le récipient de récupération, l’eau étant plus dense que l’alcane, et le déplacement de ce ménisque vers le haut. Ce régime transitoire se poursuit pendant quelques heures, jusqu’à l’établissement d’un régime d’écoulement stationnaire où l’on ne récupère plus, à la sortie de la colonne, que de l’alcane. On dit alors que l’on a atteint la saturation en eau irréductible [4]. On note me,i la masse d’eau irréductible retenue dans le

milieu poreux à l’issue de cette étape de saturation en alcane. Par simple pesée, connaissant les densités des deux fluides utilisés, on peut, en considérant que le volume total de fluide à l’intérieur du milieu poreux est conservé au cours de cette étape de saturation en alcane, déterminer la masse me,i ainsi que la masse ma,i d’alcane présente dans le milieu à l’issue de

cette étape. Le rapport me,i/ meau est de l’ordre de 30 % (pour la dizaine d’expériences effectuées, ce rapport varie entre 24 % et 33 %), et la masse ma,i d’alcane est comprise entre