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II LES TRANSITIONS DE MOUILLAGE

II.1 Les transitions de mouillage en présence d’interactions à courte portée

II.1.2 Transition de mouillage critique

Dès 1982, Pandit et Wortis [36] remarquent que la transition de mouillage en présence de forces à courte portée n’est pas nécessairement une transition du premier ordre. En effet, bien que le formalisme utilisé par Cahn soit tout à fait général, l’analyse graphique par portraits de phases (cf. chapitre VI) qu’il réalise n’envisage qu’un des deux types possibles de transitions de mouillage [1]. Dans le cadre du modèle d’Ising de plus proche voisin, Pandit et Wortis montrent que d’autres portraits de phases que celui décrit par Cahn sont envisageables [36] : pour certaines valeurs du potentiel attractif entre le substrat et le fluide adsorbé, la transition de mouillage se trouve être du second ordre [36,37]. On parle alors de transition de

mouillage critique, ou continue. Les différentes conditions d’existence des deux types de

transitions de mouillage en présence de forces à courte portée sont regroupées par Nakanishi et Fisher dans un diagramme de phases global [33].

La transition de mouillage critique est caractérisée par un passage continu de l’état de mouillage partiel à l’état de mouillage complet. Elle correspond à une divergence continue et complètement réversible, c’est-à-dire sans hystérésis, de l’épaisseur du film de mouillage en fonction de la température.

De même que la transition de mouillage du premier ordre (cf. § (II.1.1)), la transition de mouillage critique peut être caractérisée par la façon dont le coefficient d’étalement à l’équilibre S et l’angle de contact θ s’annulent à l’approche de la transition [7]. Lors d’une transition critique, ou du second ordre, la dérivée première par rapport à la température du coefficient d’étalement à l’équilibre S ne subit aucune discontinuité. L’exposant de chaleur spécifique de surface, défini par les équations (II.11) ou (II.12), vérifie donc nécessairement

αS <1 dans le cas d’une transition de mouillage critique [7]. Utilisant la théorie de Cahn, Nakanishi et Fisher trouvent effectivement αS = 0 pour cette transition critique [33].

Un potentiel interfacial modèle correspondant à une transition de mouillage critique est décrit par Brézin et al. [8,38] à partir de la forme déjà utilisée dans l’équation (II.13). L’idée est toujours celle d’un potentiel dont le terme ayant la plus courte portée est répulsif. Cette fois-ci, contrairement au cas du potentiel (II.13) correspondant à une transition de mouillage du premier ordre, le paramètre β est positif et correspond à un terme répulsif, ce qui permet de négliger le troisième terme du développement, et de ne conserver que les deux premiers [6,8] :

V(l) = αe−

l/ξ

+ βe−2 l /ξ Eq. (II.14) La température Tw de transition de mouillage critique est la température pour laquelle

le paramètre α s’annule, provoquant ainsi la divergence de l’épaisseur du film de mouillage. Le paramètre α est négatif pour les températures T<Tw et positif pour les températures T>Tw.

L’évolution du potentiel (II.14) avec la température est représentée sur la figure (II.3).

V (l ) l 0 T1 T2 Tw T1<T2<Tw

Figure (II.3) : évolution avec la température du potentiel interfacial à courte portée dans le cas d’une transition de mouillage critique se produisant à la température Tw.

Au fur et à mesure que la température T<Tw augmente, la valeur absolue du coefficient α ≈ α0(T− Tw) , où α0 est une constante positive, diminue et le minimum du

potentiel interfacial se déplace vers les grandes épaisseurs de film. En minimisant le potentiel (II.14) pour obtenir l’état d’équilibre, on s’aperçoit que la divergence de l’épaisseur léq du film

de mouillage en fonction de la température est logarithmique [8] :

léq= −ξln(− α

2β)≈ −ξln(

α0(Tw − T)

La description de la transition de mouillage critique par les équations (II.14) et (II.15) est une description en champ moyen, ce qui signifie que les fluctuations thermiques ne sont pas prises en compte. Cependant, rien ne permet de dire a priori si cette approximation est justifiée ou s’il faut considérer les fluctuations thermiques de l’interface L/V pour décrire la transition de mouillage critique [2,6,8,38]. Plus généralement, nous étudierons au chapitre VII l’effet des fluctuations sur les transitions de mouillage.

Expérimentalement, la difficulté d’observation d’une telle transition de mouillage critique en présence exclusive d’interactions à courte portée tient au fait que tout système réel est le siège d’interactions supplémentaires : les interactions à longue portée de van der Waals. Or, la présence d’interactions à longue portée modifie la nature de la transition de mouillage, qui devient du premier ordre [28,39-42]. La figure (II.4) représente l’allure du potentiel (II.13) auquel a été ajouté un terme répulsif à décroissance algébrique −W / l2 (W est une constante négative) correspondant à un potentiel interfacial engendré par des interactions de van der Waals. l 0 V (l )

Figure (II.4) : potentiel interfacial à courte portée (II.13) avec un terme algébrique répulsif supplémentaire.

Le potentiel représenté sur la figure (II.4) comporte deux minima, et correspond bien à l’existence d’une transition de mouillage du premier ordre et non à celle d’une transition de mouillage critique. En fait, l’ajout de n’importe quel terme répulsif à plus longue portée que les deux termes du potentiel (II.14) empêche l’existence d’une transition de mouillage critique. Schick montre ainsi qu’un simple terme exponentiel répulsif de portée supérieure à ξ suffit à transformer la transition critique en transition du premier ordre [6].

de méthanol et de nonane [2]. Dans ce système, la température de mouillage est suffisamment proche (environ 3°C au-dessous) de la température critique de démixtion pour que l’effet des interactions à longue portée puisse être considéré comme négligeable, les indices de réfraction des deux phases liquides étant très proches (cf. chapitre V) [2]. La mise en évidence de cette transition de mouillage critique repose sur deux observations. Tout d’abord, des mesures d’angle de contact en fonction de la température permettent de déterminer l’exposant de chaleur spécifique de surface, à l’aide de l’équation (II.12). Les auteurs trouvent αS = −0,6 ±0,6 , ce qui est parfaitement cohérent avec la prédiction théorique αS <1 évoquée

précédemment [7]. La seconde observation expérimentale de Ross et al. est la mesure par ellipsométrie de l’épaisseur du film de mouillage en fonction de la température : l’évolution de l’épaisseur correspond à une divergence logarithmique, comme attendu théoriquement pour une transition de mouillage critique (Eq. (II.15)). Ces deux observations permettent à Ross et al. d’affirmer qu’ils ont observé la transition de mouillage critique en présence d’interactions a courte portée dans un mélange liquide binaire [2].

Cependant, les transitions de mouillage se produisent généralement à des températures bien plus éloignées de la température critique du binaire L/V et il est absolument impossible de négliger l’effet des interactions à longue portée (interactions de van der Waals). Nous allons donc, au prochain paragraphe, nous intéresser à l’influence des interactions de van der Waals sur les transitions de mouillage

II.2 Les transitions de mouillage en présence d’interactions à