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Influence des interactions à longue portée sur la température de transition de mouillage du premier ordre dans le cas du mouillage de l’hexane sur l’eau salée

VI LA THEORIE DE CAHN

VI.3 Modification de la théorie de Cahn et application au mouillage des alcanes sur l’eau

VI.3.3 Influence des interactions à longue portée sur la température de transition de mouillage du premier ordre dans le cas du mouillage de l’hexane sur l’eau salée

Nous disposons désormais d’outils pour chercher à comprendre, tout au moins qualitativement, le diagramme de phases (IV.2) obtenu expérimentalement pour le mouillage de l’hexane sur l’eau salée par Shahidzadeh et al. [47]. Ce diagramme de phases représente les températures de transition de mouillage du premier ordre et de mouillage critique de l’hexane sur l’eau salée en fonction de la salinité de l’eau. Les températures de transitions de mouillage critique sont en très bon accord avec les calculs de constantes de Hamaker [47]. La seule partie difficile à interpréter de ce diagramme de phases concerne donc la diminution de la température de transition de mouillage du premier ordre observée lors d’une augmentation de la salinité de l’eau [47].

Dans la mesure où nous ne disposons pas de mesures de tension de surface de l’eau salée en présence de vapeur sèche d’hexane à plusieurs pressions partielles, il nous est impossible de déterminer l’énergie de contact Φ entre l’hexane et l’eau salée et donc d’utiliser la théorie de Cahn modifiée pour calculer directement l’évolution de la température de transition de mouillage du premier ordre en fonction de la salinité.

Par contre, l’existence d’une couche de déplétion à la surface de l’eau salée [48], c’est- à-dire d’une couche microscopique d’eau dans laquelle la concentration en ions est très faible, permet d’évaluer la modification ∆Φ de l’énergie de contact entre le substrat (l’eau) et la première couche moléculaire d’adsorbat (l’hexane). Il s’agit en fait de la variation ∆Φ liée à la modification des interactions de van der Waals au sein de la phase aqueuse due à l’ajout de sel (NaCl) [49]. En effet, l’ajout de sel augmente l’indice de réfraction de la phase aqueuse, ce qui modifie la valeur de l’énergie libre d’attraction entre la phase aqueuse et la première couche d’hexane adsorbée, d’épaisseur σ. La variation d’énergie de contact ∆Φ due à l’ajout de sel dans la phase aqueuse peut se calculer dans le cadre de la théorie DLP des interactions de van der Waals (chapitre V) en considérant un modèle à quatre milieux (cf. paragraphe (V.2.2)) : un milieu semi-infini constitué de vapeur, une couche moléculaire d’hexane d’épaisseur σ, une couche de déplétion d’eau pure d’épaisseur δ, et un milieu semi-infini constitué d’eau salée. En utilisant les formules de Mahanty et Ninham [50] relatives à un tel modèle (cf. équations (V.48) et (V.49)), on trouve une variation ∆Φ négative, quelle que soit la salinité de l’eau et l’épaisseur δ de la couche de déplétion.

Cette différence d’énergie de contact ∆Φ est proportionnelle à la densité CS de la

couche moléculaire d’hexane, donc, la variation de la quantité −(1/ 2m )dΦ/ d CS, qui intervient dans les portraits de phases de Cahn, vaut approximativement : −(1/ 2m )∆Φ/CS. Dans le cadre du modèle (VI.14) de l’énergie de contact, cela équivaut à une augmentation du champ de surface h1, ce qui correspond, sur un portrait de phases de type (VI.2), à une

diminution de l’aire A1 et à une augmentation de l’aire A2. L’application de la règle des aires

équivalentes implique alors une variation ∆Tw1 négative de la température de transition de

mouillage du premier ordre, due à l’ajout de sel dans la phase aqueuse.

Il reste encore à déterminer l’épaisseur δ de la couche de déplétion en fonction de la salinité [NaCl] de la phase aqueuse. Cette épaisseur a été calculée par Onsager et Samaras [48] dans le cadre de la théorie de Debye-Hückel des électrolytes. La figure (VI.8) représente l’évolution de cette épaisseur δ en fonction de la concentration en NaCl. Notons que, même si

cela n’apparaît pas en échelle de concentrations linéaire, l’épaisseur de la couche de déplétion diverge à salinité nulle.

0 1 2 3 4 5 6 0 0.5 1 1.5 2 2.5 [NaCl] (mol/l) δ (Å )

Figure (VI.8) : épaisseur de la couche de déplétion en fonction de la concentration en NaCl de la solution aqueuse. -50 0 50 100 0 0.5 1 1.5 2 2.5 T em pé ra ture (° C) [NaCl] (mol/l)

Figure (VI.9) : diagramme de phases expérimental et théorique de mouillage de l’hexane sur l’eau salée. Les cercles vides représentent les températures expérimentales de transition de mouillage

Le diagramme de phases théorique qui résulte de ces calculs est représenté sur la figure (VI.9). Il représente les températures de transitions de mouillage de l’hexane sur l’eau salée en fonction de la concentration en NaCl de l’eau. Le calcul de l’annulation de la constante de Hamaker (trait continu) est en très bon accord avec les températures de transition de mouillage critique expérimentales. La courbe en trait pointillé correspond au calcul, exposé dans ce paragraphe, de la diminution de température ∆Tw1, calculée à partir de la théorie DLP

et de la théorie de Cahn due à l’ajout de NaCl dans l’eau par rapport à la température de transition de mouillage du premier ordre de l’hexane sur l’eau pure (73°C). On note un accord qualitatif entre ce calcul et le comportement expérimental ainsi qu’un accord quantitatif pour les concentrations en NaCl inférieures à 1 mol/l. Le désaccord quantitatif à plus haute salinité peut être lié au fait que la théorie de Debye-Hückel n’est pas adaptée aux électrolytes de forte concentration [50]. Par ailleurs, nous n’avons considéré que la variation ∆Φ due à la modification des interactions de van der Waals, mais nous ne savons rien de la modification des interactions à courte portée liée à l’ajout de sel dans l’eau. Rien ne prouve que cette contribution à ∆Φ des interactions à courte portée est négligeable.

En conclusion, l’influence des interactions de van der Waals sur l’énergie de contact permet de comprendre, au moins qualitativement, le comportement de mouillage de l’hexane sur l’eau salée.