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La vigueur de la révocation ad nutum

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dans le mandat

Section 2- Les effets de l’action « au nom d’autrui » à l’égard des parties au contrat de mandat

B- La vigueur de la révocation ad nutum

210. Le caractère impératif de la révocation ad nutum. A propos du principe de la

révocation ad nutum, les professeurs MALAURIE, AYNES etGAUTIER ont écrit que l’ « on ne

peut concevoir de mandat que si le mandant a confiance dans le mandataire »585. Ils expriment ainsi l’idée selon laquelle tout mandat est par principe révocable, qu’il ait été conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. De ce fait, la prérogative définie par l’article 2004 du Code civil est impérative et montre à quel point l’idée de confiance est au cœur du mandat : ce texte reçoit une application sans faille, bien que la jurisprudence ait admis quelques tempéraments586.

211. Au regard du principe de la force obligatoire du contrat, une telle solution ne s’imposait pas. L’on aurait pu considérer, au contraire, que l’insertion d’un terme dans un contrat aurait pu avoir pour conséquence principale de le rendre irrévocable pour la durée déterminée. Mais, dans le mandat, l’intensité de la confiance contractuelle est telle que la libre révocabilité du contrat est une prérogative dont le mandant n’est jamais privé. Fondement essentiel du contrat de mandat, la confiance est essentielle et l’on ne peut imaginer qu’un

584 Infra, n° 337 et s.. 585

PH.MALAURIE, L. AYNES,P.-Y.GAUTIER,Les contrats spéciaux, op. cité, n° 555, p. 298.

586 Il s’agit, notamment, de l’abus de droit ou des clauses d’irrévocabilité que nous allons aborder dans quelques

lignes. Il s’agit, également, du mandat d’intérêt commun. Nous verrons ultérieurement que, dans cette hypothèse, le tempérament consacré par la jurisprudence n’atteint pas directement la libre révocabilité du mandat mais impose seulement l’indemnisation du mandataire. Infra, n° 337 et s..

129 mandat persiste alors même que la confiance a disparu. Cependant, lorsque le mandat a été stipulé irrévocable, la révocation anticipée permet au mandataire de recouvrer son droit à indemnité. Ainsi, un syndic de copropriété révoqué avant que la durée des fonctions n’ait expiré peut obtenir l’allocation de dommages et intérêts, mais en aucun cas une obligation de se maintenir dans le mandat ne peut être prononcée à l’encontre du mandant587

. De ce point de vue, l’insertion d’une clause d’irrévocabilité ne porte pas atteinte à l’essence du mandat puisque son inexécution ne se résoudra pas autrement que par la mise en œuvre de la responsabilité civile du mandant. Il en va de même de l’agent immobilier bénéficiaire d’un mandat stipulé irrévocable et dont la mission spéciale de rechercher un acquéreur « ne prive

pas le mandant du droit de renoncer à l’opération »588

. La jurisprudence a cependant précisé que l’indemnisation du mandataire n’avait plus lieu lorsque la révocation anticipée du mandat était motivée par une faute relevée à l’encontre du mandataire. Ainsi, dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 23 mai 1979, la Cour de cassation a rappelé que « s'il est loisible

aux parties de stipuler que le mandat ne pourra être révoqué sans que le mandataire reçoive une indemnité, cette dérogation au principe posé par l'article 2004 du Code civil ne s'applique pas lorsque la révocation du mandat est rendue nécessaire par une faute imputable au mandataire »589.

212. Une seule limite : l’abus de droit. L’impossibilité de priver le mandant de son droit

de rompre unilatéralement le mandat montre que la confiance est véritablement un élément constitutif du contrat de mandat. Mais la révocation ad nutum n’autorise pas le mandant à user d’une totale liberté dans l’exercice de ce droit. Dans une hypothèse, l’abus de droit, ce dernier peut voir sa responsabilité engagée. De manière générale, il s’agira de la rupture brutale qui ne repose sur aucune raison valable ou qui est motivée par une intention de nuire590. Il en va ainsi de la révocation d’un agent publicitaire par une association alors même qu’aucune « considération relative aux prix pratiqués ou à la qualité de ses services » n’était constatée591, ou encore de la révocation intempestive alors même qu’aucun reproche ou aucune faute ne fut relevée à l’encontre du mandataire durant l’exercice de ses fonctions592

, ou enfin de la révocation d’un mandataire qui avait pourtant « largement contribué au

587 Civ. 3, 27 avril 1988, précité.

588 Civ. 1, 30 mai 2006 - Bull. civ., 2006, I, n° 269 : C.C.C., 2006, comm. n° 1, note L. L

EVENEUR.

589 Civ. 1, 23 mai 1979 - Bull. civ., 1979, I, n° 153. 590

Com., 7 juillet 1992 – Pourvoi n° 90-17.885 ; Req., 30 octobre 1940 : G.P., 1940, 2, p. 262 ; Civ. 3, 27 mars 1973 : D., 1973, I.R., p. 110. Voir également Civ. 3, 27 mars 1973 : D., 1973, I.R., p. 110 ; Civ. 1, 2 mai 1984 - Bull. civ., 1984, I, n° 143.

591

Com., 4 mai 1982 - Bull. civ., 1982, IV, n° 149.

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lancement des produits »593. En revanche, au regard de la nature du droit, c’est naturellement au mandataire que reviendra la charge de démontrer l’abus de droit et le caractère dommageable de la rupture.

213. Reste à qualifier le fondement de cette responsabilité. Sur ce point, la controverse est abondante. Si pour les uns il s’agit d’une faute contractuelle594, puisque relative à un droit contractuel, pour les autres c’est une faute délictuelle595

car c’est le droit commun de l’abus de droit qui doit s’appliquer. En pratique, la jurisprudence a adhéré à cette théorie puisque c’est toujours sur le fondement de l’article 1382 du Code civil qu’elle sanctionne le mandant596. Ainsi, dans un arrêt rendu le 27 octobre 1998 par la Chambre commerciale, la Cour de cassation a, au visa de l’article 1382 du Code civil, retenu la responsabilité du mandant qui avait rompu de manière abusive le contrat qui le liait à son agent597.

214. Confiance et intuitus personae. L’examen du régime de la révocation ad nutum

montre à quel point le maintien du mandat est lié à la conservation de la confiance du mandant envers le mandataire. En cela, la confiance se démarque effectivement de l’intuitus

personae. Si ce caractère traduit sans doute l’idée de confiance au moment précis de la

naissance du contrat, ce caractère ne disparaît pas et ne peut légitimer, à lui seul, la disparition du contrat. Il serait vain de nier, en effet, que le contrat de mandat n’a plus été conclu en considération de la personne du mandataire parce qu’ultérieurement la confiance dans le cocontractant a disparu. De ce point de vue, l’intuitus personae se distingue de la confiance ce qui signifie que tous les contrats intuitus personae ne seront pas nécessairement soumis au même régime en ce qui concerne la confiance.

215. En revanche, il est désormais possible d’affirmer que la confiance est bel et bien le cœur du mandat. C’est la raison pour laquelle nous pensons que, lors de l’exécution du mandat, cette confiance exerce un rôle particulier. Par voie de conséquence, une violation de la confiance pourrait être source de responsabilité.

593

Com., 12 décembre 1967 - Bull. civ., 1967, III, n° 411 : JCP G. 1968, II, 15534, note J. HEMARD.

594 Dans ce sens : J. G

HESTIN, « L'abus dans les contrats », G.P., 1981, 2, Doctr. p. 379 ; PH.STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat : essai d’une théorie, préface de R.BOUT, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 337, 2000 ; P. ANCEL, Critères et sanctions de l'abus de droit en matière contractuelle, Cahiers du droit de l’entreprise, 1/1999, pp. 30 et s..

595

En ce sens : Com., 3 décembre 1963 - Bull. civ., 1963, III, n° 520 : J.C.P. G., 1964, II, 13512 ; R.T.D. Com., 1964, p. 376, obs. J. HEMARD ; D., 1964, somm., p. 70. Com., 27 octobre 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 256 : R.J.D.A., 1999, n° 32.

596

Ibid..

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§2- La mise en œuvre de la confiance du mandant

216. Plan. La reconnaissance d’un lien de confiance spécifique dans le mandat suggère

l’existence de règles particulières. A ce stade de nos développements, l’influence de la confiance n’a été perçue qu’au moment de son extinction avec le mécanisme particulier de la révocation ad nutum. Mais si le droit offre au mandant la possibilité de se délier de son engagement sans préavis, sans justification et sans sanction, nous pensons que cette protection doit s’étendre, d’une manière ou d’une autre, à l’exécution du contrat de mandat. L’idée d’obligations fondées sur la confiance s’impose alors comme une réponse possible. Il s’agirait, chaque fois que cela est possible, d'apprécier leur intensité en fonction d’éléments ayant pu alimenter ce sentiment de confiance. Par exemple, dans l’hypothèse où ce sont des compétences professionnelles qui ont incité le mandant à contracter, la mauvaise exécution de l’obligation de diligence devrait être corrigée plus sévèrement. Dans cette optique, la responsabilité, qui viendrait sanctionner leur violation, serait la mesure de la confiance initialement exprimée (A). La prépondérance de la confiance dans le mandat nous invite alors à penser que l’exercice même du pouvoir de représentation s’en ressent (B).

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