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1 UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

ECOLE DOCTORALE SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETE

MANDAT ET RESPONSABILITE CIVILE

THESE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE Discipline : Droit privé (section 01)

présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2013 par

Anne GILSON –MAES

Directeur de thèse : Madame Cécile PERES

Professeur à l’Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

Jury

Monsieur Pierre BERLIOZ -Examinateur

Professeur à l’Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE Monsieur Olivier DESHAYES – Rapporteur

Professeur à l’Université de CERGY-PONTOISE Monsieur Cyril GRIMALDI - Rapporteur Professeur à l’Université de PARIS XIII

Monsieur Denis MAZEAUD –Président de jury Professeur à l’Université de PARIS II

Madame Cécile PERES –Directeur de thèse

(2)
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3

Je tiens à remercier Madame le Professeur Cécile P

ERES

pour ses précieux

conseils et pour avoir dirigé ce travail de recherche avec tant d’attention et de

bienveillance.

(4)
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5

Je tiens également à remercier, très sincèrement, mes parents et Pierre pour

leurs patientes relectures.

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7

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9

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE

Partie 1 – La déconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat Titre 1 – La spécificité du mandat

Chapitre 1 – Le critère de distinction : l’action « au nom d’autrui »

Chapitre 2 - Les effets de l’action « au nom d’autrui » sur l’action pour autrui

Titre 2 - La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat : état des lieux du droit positif

Chapitre 1 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation interne

Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation externe

Partie 2 – La reconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat

Titre 1 – La réparation du dommage subi par le tiers dans le cadre de la mission de représentation : l’obligation à la dette

Sous-Titre 1 – L’existence d’une responsabilité par représentation en droit positif Chapitre 1 – La reconnaissance d’une responsabilité par représentation Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité par représentation Sous-Titre 2 – La place de la responsabilité par représentation dans le droit de la responsabilité civile

Chapitre 1 – Un nouveau droit commun de la responsabilité civile

Chapitre 2 – L’articulation de la responsabilité par représentation avec les autres régimes de responsabilité civile

Titre 2 - Le rayonnement de la responsabilité par représentation sur le lien interne : la contribution à la dette

Chapitre 1 – L’admission d’une action en contribution Chapitre 2 – L’exercice de l’action en contribution

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11

INTRODUCTION

1. A propos de la gestion pour autrui. Selon un proverbe de SAVARY, « qui fait ses

affaires par commission va à l’hôpital en personne »1

. La formule est connue. Elle résume exactement la défiance éprouvée, dès la fin du dix-huitième siècle, à l’égard de ceux qui gèrent les biens d’autrui. Ainsi, en 1776, Adam SMITH faisait remarquer, à propos de grands groupements économiques de son époque, que « les directeurs de ces sortes de compagnie

étant les régisseurs de l’argent d’autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s’attendre qu’ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés apportent souvent dans le maniement de leurs fonds »2. Dans la littérature, ce sentiment a été parfaitement décrit par Honoré DE BALZAC qui écrivait en 1825 qu’« il y a des agents

d’affaires de toutes les espèces : comme les reptiles, il faudrait les classer par familles et les décrire soigneusement, depuis celui qui ruine la veuve, sous prétexte de lui faire obtenir une pension, jusqu’à celui qui escompte à 12% des billets qu’il passe à 4 à la banque ; mais alors il faudrait faire un livre et nous n’avons à dépenser que l’espace d’un paragraphe. Résumons-nous donc : Sur 20 agents d’affaires, il y a 19 fripons au moins. Donc, il faut faire ses affaires soi-même, et ne pas se jeter avec préméditation dans un guêpier »3.

2. En droit, cette approche s’est traduite par une certaine rigueur à l’égard des gérants des affaires d’autrui, cristallisée dans le célèbre adage « culpa est immiscere se rei ad se non

pertinenti »4. Selon cette maxime, « c'est une faute de se mêler d'une chose qui ne vous

regarde pas ». On trouve un exemple évocateur de cette sévérité au détour d’un projet de loi

relatif à la responsabilité des propriétaires de navire. A cette occasion, un membre de l’Académie royale des sciences et belles-lettres avait proposé « de multiplier et d’aggraver

1 J. S

AVARY DES BRUSLONS, Dictionnaire universel de Commerce, Tome 1, « A-E », ouvrage posthume par PH .-L. SAVARY, PARIS, 1723, spéc. p. 17 ; Œuvres de Monsieur Jacques SAVARY - Le parfait négociant ou instruction générale pour ce qui regarde le commerce de France et des pays étrangers, Tome 1, par PH.-L. SAVARY,1757, spéc. p. 104.

2

A. SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Tome IV, 1776 , traduction par G. GARNIER, PARIS, H. Agasse, Imprimeur-Libraire, 1802, p. 104.

3 H.

DE BALZAC, Code des gens honnêtes, PARIS, Librairie nouvelle, 1854, spéc. p. 123.

4

M. THEVENOT-DESSAULES, Dictionnaire du Digeste ou Substance des pandectes justiniennes, Tome 2, « M-Z », revu par M. LESPARAT et M. DUSSANS, PARIS, Imprim. des frères MAME, 1809, spéc. p. 212.

(12)

12

(…) autour des capitaines les obstacles à l’abus de leurs pouvoirs »5

afin de prémunir les propriétaires de navire du danger auquel ils « sont exposés de voir toute leur fortune "toute leur existence" compromise par l’abus qu’un capitaine imprudent ou malhonnête peut faire

de son mandat ! »6. De l’avis général, ce danger serait consubstantiel au rapport de gérant à

géré7. Il se traduirait par le risque « que l’agent profite de sa position de supériorité pour

imposer une conduite de l’affaire conforme à ses intérêts, mais contraire à ceux du principal »8.

3. Aussi de nombreux travaux ont-ils contribué à encadrer plus sévèrement l’action des gérants pour autrui9. Cette approche a d’ailleurs trouvé un appui dans les réflexions développées par les tenants de l’analyse économique du droit10

. En effet, suivant celles-ci, celui qui s’en remet à un autre pour la gestion de ses affaires se trouve en danger potentiel11

.

5 M. L

EMONNIER, « Examen du projet de loi sur la responsabilité des propriétaires de navire », in Actes de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, BORDEAUX, H. Gazay Imprimeur, 1840, p. 96.

6 Ibid., p. 97.

7 L’expression avait déjà été utilisée par Monsieur D

IDIER à propos « du rapport de représentant à représenté » (PH.DIDIER, De la représentation en droit privé, préface d’Y. LEQUETTE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 339, 2000, spéc. n° 207, p. 157) mais Madame BALIVET l’a plus récemment étendue à toute situation de gestion des biens d’autrui (B. BALIVET, Les techniques de gestion pour autrui, sous la direction de B. MALLET-BRICOUT, LYON 3, thèse dactylo., 2005, spéc. n° 545, p. 442).

8

PH.DIDIER, thèse précitée, n° 206, p. 156.

9 P.-F.C

UIF,Le contrat de gestion, préface de L. AYNES, PARIS, Economica, 2004 ; PH.DIDIER, thèse précitée ; N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, préface de CH. JAMIN,L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé, 2007, Tome 485, spéc. n° 948 et s., pp. 423 et s. ; A. COURET, « L’intérêt social », Cah. de droit de l’entreprise, 4/1996, p. 1, spéc. n° 45 et s., pp. 9 et s..

10 L’analyse économique du droit est née aux Etats-Unis, au début des années 1950, sous l’impulsion de

Messieurs CALABRESI et POSNER, deux juristes américains (R.-A. POSNER, Economic analysis of law, Wolters Kluwer Law & Business, 7th édition, 2007. Pour une traduction française voir R.-A. POSNER, L’analyse économique du droit, par S. HARNAY et A. MARCIANO PARIS, éd. Michalon, Coll. Le bien commun, 2003) et d’un économiste britannique (R. COASE, L'entreprise, le marché et le droit, traduit de l'anglais et présenté par A. BOUALEM, PARIS, éd. d'Organisation, 2005). Il s’agit principalement de démontrer les interférences entre le droit et l’économie en mettant en exergue les effets économiques des règles juridiques. Selon Monsieur MACKAAY (E.MACKAAY,S.ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, éd. Thémis, coll. Méthodes du droit, 2008, spéc. n° 23, p. 7), l’idée ne serait toutefois pas totalement nouvelle. Dès le début du dix-huitième siècle certains penseurs dont HOBBES ou MARX amorcèrent un rapprochement entre le droit et l’économie (voir également O. DESCAMPS, « Brefs repères historiques sur la prise en compte de l’économie par le droit », L'efficacité économique en droit, ouvrage précité, spéc. pp. 23 et s. : l’auteur constate qu’en réalité le facteur économique s’est immiscé dans les rapports de droit dès l’Antiquité, les seconds permettant de réguler le premier. Il démontre plus généralement qu’au cours de l’Histoire le développement des échanges économiques a toujours été prétexte à la conceptualisation des besoins juridiques et que, réciproquement, l’affermissement de règles juridiques a porté l’essor du commerce. L’ensemble de ces interactions aurait ainsi favorisé une doctrine mercantiliste. Mais celle-ci, à la différence de l’analyse moderne de l’économie du droit, n’utilise pas encore l’économie comme critère d’efficacité des règles de droit. (Voir M.FABRE-MAGNAN, Droit des obligations – Le contrat, P.U.F., coll. Thémis, 2ème éd., 2007, spéc. n° 39, pp. 82-83). L’objet de l’analyse économique du droit consiste donc à utiliser des concepts économiques pour mieux expliquer les phénomènes juridiques mais aussi et surtout pour mieux en évaluer l’efficacité. De ce point de vue-là, l’analyse économique du droit repose sur une philosophie utilitariste ayant pour finalité la maximisation des intérêts individuels. Ainsi, pour Monsieur POSNER, le droit se fonderait sur l’efficacité qu’il propose de définir à partir du critère de la maximisation des richesses (R.-A. POSNER, L’analyse économique du droit, ouvrage précité, spéc. pp. 69 et s.). Par exemple, une

(13)

13 4. Plus généralement, les travaux consacrés à la gestion par autrui ont essentiellement mis l’accent sur le comportement du gérant à l’égard du géré. Cependant, en dépit de leurs indéniables apports, ils n’ont pas épuisé la question. Aussi est-il apparu nécessaire et opportun de prolonger la réflexion relative à la gestion pour autrui en la scrutant à travers le prisme particulier des rapports du mandat et de la responsabilité. Ce sujet s’est imposé pour une double raison. D’une part, le contrat de mandat a connu ces dernières années un véritable engouement. Le succès de ce contrat, dont témoigne la multiplication du recours au mandat dans la loi et dans la pratique ainsi que l’attention que lui prête la doctrine contemporaine depuis quelques années, justifie une étude approfondie, rendant compte du renouvellement de cette figure contractuelle classique. D’autre part, si le droit commun de la responsabilité civile a donné lieu à de multiples travaux, les rapports du droit de la responsabilité civile et du droit des contrats spéciaux sont restés en partie assez inexplorés.

5. A l’heure où l’on envisage sérieusement de réformer le Code civil dans ses dispositions relatives au droit commun des obligations, le droit des contrats spéciaux, et les règle de responsabilité civile n’est efficace qu’à condition d’être dictée par un « objectif de minimisation des coûts associés aux accidents » (R.-A. POSNER, op. cité, spéc. p. 98). En France, cette démarche pluridisciplinaire ne semble pas avoir de réel succès. Pourtant, les travaux doctrinaux en faveur d’une prise en compte de l’analyse économique du droit ne sont pas si rares. Parmi d’autres on évoquera ici la thèse de Monsieur MAITRE consacrée à une analyse économique de la responsabilité civile (G. MAITRE, La responsabilité civile à l'épreuve de l'analyse économique du droit, préface de H. MUIR WATT,L.G.D.J., Coll. Droit & économie, 2004) ; celle du Professeur LAITHIER qui propose d’orienter le choix de la sanction de l’inexécution d’un contrat en fonction de leur efficacité économique (Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, préface de H. MUIR WATT, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé, Tome 419, 2004) ou encore celle de Madame FABRE-MAGNAN (M. FABRE-MAGNAN,De l’obligation d’information dans les contrats : Essai d’une théorie, thèse précitée. Du même auteur : Droit des obligations – Le contrat, op. cité, spéc. pp. 89 et s.). Il faut signaler aussi quelques articles dans lesquels une place essentielle lui fut accordée : par ex. CH.MOULY, « Analyse économique du droit régissant le transfert de propriété », in « Faut-il retarder le transfert de propriété ? », Cah. du droit de l’entrep., 1995.5, pp. 6 et s.. L’on note, également, la tenue d’un colloque qui lui fut entièrement consacrée (L'efficacité économique en droit, ouvrage précité). Pour un ouvrage récent voir B. DEFFAINS, S. FEREY, Analyse économique du droit et théorie du droit : perspectives méthodologiques, avec le soutien du G.I.P. Mission Droit et justice, Univ. de NANCY, ouvrage dactylo, 2010. Il est vrai que l’ensemble de ces ouvrages ne résulte pas d’une démarche d’ensemble mais plutôt d’intérêts ponctuels. Il n’en reste pas moins que la présence de l’analyse économique du droit n’est finalement pas si discrète. Le Professeur PERES relève ainsi que les rédacteurs du Code Napoléon n’y ont pas été insensibles et que, plus généralement, certaines branches du droit ou certaines règles juridiques se fondent directement sur l’efficacité économique. (C. PERES, « Rapport introductif », L'efficacité économique en droit, , sous la direction de S. BOLLEE, Y.-M.. LAITHIER et C. PERES, Economica, Coll. Etudes juridiques, Tome 33, 2010, pp. 1 et s., spéc. n° 7, pp. 10 et s.). L’on peut sans doute voir, dans le contenu des règles de responsabilité civile afférentes au mandat, une illustration de cette efficacité économique du droit. Si la finalité du mandat est de valoriser certains intérêts économiques, alors l’efficacité sera avérée lorsque celui à qui la gestion est confiée fournira un effort supplémentaire à celui que le mandant aurait obtenu s’il s’était exécuté personnellement. Résultat qui peut être atteint par la crainte de la sanction.

11 Cette hypothèse a été dénommée « situation d’agence » par les économistes. Pour des références

bibliographiques sur la théorie de l’agence voir. M.FABRE-MAGNAN, Droit des obligations – Le contrat, op. cité, spéc. pp. 102 et s. ; E.MACKAAY,S.ROUSSEAU, Analyse économique du droit, op. cité, spéc. n° 252 et s., pp. 68 et s ; PH.DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 206 et s., p. 155 et s. ; G. MAITRE, La responsabilité civile à l'épreuve de l'analyse économique du droit, op. cité, spéc. n°415 et s., pp. 242 et s..

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14 rapports qu’il tisse avec le droit de la responsabilité civile, pourrait d’ailleurs inspirer plus largement le législateur. De même que le contrat de vente a fortement inspiré les rédacteurs du Code civil de 1804 pour la partie du code relative au droit commun des contrats, le contrat de mandat pourrait, le cas échéant, constituer une source particulièrement stimulante d’inspiration en vue de l’édification de nouvelles règles de responsabilité civile dont l’application pourrait ne pas lui être réservée. Précisément, l’étude croisée du mandat et de la responsabilité civile offre l’intérêt de montrer que le droit positif pourrait utilement s’enrichir en reconnaissant que le mandant n’est pas seulement engagé par les actes juridiques conclus par le mandataire mais aussi par les faits juridiques illicites qu’il est susceptible de commettre au préjudice des tiers. Ce nouveau cas de responsabilité, s’il est apte à rayonner en dehors de l’hypothèse du mandat, trouve cependant dans ce contrat un terrain d’application particulièrement fertile. Quoi qu’il en soit, avant d’entrer dans le détail des développements qui permettront d’échafauder cette hypothèse, il convient, à ce stade introductif, de donner une première vue tant du contrat de mandat que de ses liens avec l’institution de la responsabilité civile.

6. A propos du mandat12. En l’état actuel du droit positif, le mandat connaît une grave

« crise d’identité »13. Qualifié de « véritable couteau suisse des contrats »14, de « contrat

12 A propos du mandat voir, parmi d’autres :

- Des ouvrages du XIXème siècle et du début du XXème siècle : CH.AUBRY et CH.RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, par P. ESMEIN, Librairies techniques, 6ème édition, 1951, spéc. § 410 et s., pp. 197 et s. ; L.-E. BARTHELEMY, Du mandat en droit romain et en droit civil français, TOULOUSE, impr. de la Boë, 1886 ; F. CAGNINACCI, Le mandat dans la doctrine de l’Ancien régime, XIIIe-XVIIIe siècles, NANCY, Société d’impr. typo, 1962 ; C. GIVERDON, L’évolution du contrat de mandat, PARIS, thèse dactylographiée, 1947 ; CH. FALQUE-PIERROTIN, Les éléments constitutifs du contrat de mandat : recherche d’une définition, CAEN, Dalloz, 1933 ; M. PLANIOL, « La transformation du mandat depuis le droit romain », in Revue critique de législation et de jurisprudence, Tome 22, 1893, p. 200 ; R.-TH.TROPLONG, Le droit civil expliqué – Du mandat, Tome 16, PARIS, Charles Hingray, 1846.

- Des travaux plus récents : A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 9ème édition, 2011, spéc. n° 900, pp. 427 et s. ; FR.COLLART-DUTILLEUL et PH.DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, coll. Précis, 9ème édition, 2011, spéc. n° 628 et s., pp. 541 et s. ; J.HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, 3ème édition, 2012, spéc. n° 31100, pp. 993 et s. ; PH.MALAURIE, L. AYNES,P.-Y.GAUTIER,Les contrats spéciaux, Defrénois, coll. Droit civil, 6ème édition, 2012, spéc. n° 520, pp. 273 et s.. PH.PETEL, Le contrat de mandat, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1994 ; PH.DIDIER, op., cité, spéc. n° 38 et s., pp. 28 et s. ; P. PUIG, La qualification du contrat d'entreprise, sous la direction de B. TEYSSIE, PARIS, éd. Panthéon-Assas, Coll. Droit privé, 2002 ; N.DISSAUX, thèse précitée, spéc. n° 211 et s., pp. 92 et s. ; A.-L. GRIZON, La qualification de mandat, sous la direction de F. LABARTHE, PARIS, thèse dactylo., 2010. J.-L. GAZZANIGA, « Mandat et représentation dans l’ancien droit », Revue droits, n° 6, p. 21, spéc. n° 23 ; M.-L. ISORCHE, « A propos du mandat sans représentation », D., 1999, Chron., p. 369 ; PH.LE TOURNEAU, « Mandat », in Répertoire civil, Dalloz, spéc. n° 63 à 98 ; M. MEKKI, « Mandat - Définition et caractères distinctifs », J.Cl. Civil Code, « Art. 1984 à 1990 », spéc. n° 1 à 5 ; L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », in Le mandat, un contrat en crise, ouvr. coll. sous la direction de N. DISSAUX, Economica, Coll. Etudes juridiques, Tome 37, 2011, pp. 1 et s., spéc. n° 3, p. 3 ; D. TOMASIN, « A la recherche d’une distinction entre mandat et contrat de travail », in Mélanges dédiés au Président Michel DESPAX, préface de B. BELLOC et A. ARSEGUEL, P.U. de Toulouse, 2002, p. 203 ; P.

(15)

15

fourre-tout »15, de convention aux « mille visages »16, le mandat n’en finit pas de susciter des discussions, au point qu’un auteur a pu s’interroger sur l’existence réelle ou putative du mandat17. Si la fréquence de la terminologie dans le discours juridique laisse entrevoir, en partie, la formidable vitalité de ce « jeune vieillard qui a l’avenir devant lui »18, ce franc succès est à l’origine de la véritable crise d’identité à laquelle le mandat est aujourd’hui confronté. Aussi certains n’hésitent-ils pas à dire qu’il eût été « plus sage de laisser le mandat

dans l’oubli où l’effondrement de l’empire romain l’avait jeté »19. Ainsi, l’expression de

« mandat de représentation » concurrence celle de « mandat sans représentation » ; de même, l’idée d’un « contrat de représentation » imparfaite entre en conflit avec celle de « contrat de

représentation parfaite »20. L’on rencontre encore celles de « mandat légal » (l’on pense, par

exemple, au mandat entre époux21) ou de « mandat judiciaire » (dans l’hypothèse de la représentation judiciaire des incapables22 ou des entreprises en difficulté23). En dépit de leurs ressemblances, ces situations sont bien différentes. Le contrat de mandat, parce qu’il est un accord de volontés, se distingue très nettement des hypothèses de représentation légale ou judiciaire. La dissociation entre l’autorité habilitante et le titulaire des droits conduit au dessaisissement du représenté, ce qui n’est guère compatible avec l’esprit du mandat selon lequel c’est le mandant qui « donne la main » à son mandataire. C’est la raison pour laquelle nous nous en tiendrons ici aux seules formes conventionnelles de mandat24.

TRISSON-COLLARD, « Tentative de distinction des contrats d’entreprise et de mandat fondée sur l’objet du contrat », L.P.A., 7 février 2001, n° 27, p. 4.

13 L’expression est empruntée à Monsieur D

ISSAUX : Le mandat, un contrat en crise, op. cité.

14 J. H

UET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31000, p. 983.

15 M. M

EKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10.

16 F

R.COLLART-DUTILLEUL et PH.DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 628, p. 541.

17

PH.DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 78, p. 50.

18

PH.PETEL, Le contrat de mandat, op. cité, spéc. p. 123.

19 P

H.DIDIER, De la représentation en droit privé, thèse précitée, spéc. n° 78, p. 50.

20 Sur l’ensemble de ces expression, voir, en particulier, l’excellent article de Madame I

SORCHE :« A propos du mandat sans représentation »,op. cité.

21 Par exemple, selon l’article 222 du Code civil, « Si l'un des époux se présente seul pour faire un acte

d'administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient individuellement, il est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. ».

22

Art. L. 471-1 et s. du Code de l’action sociale et des familles.

23 Art. L. 611-3 du Code de commerce.

24 La lettre de l’article 1984 du Code civil confirme cette analyse. En effet, il existe, au terme de ce texte qui

définit le mandat, deux références à la nature contractuelle du mandat. D’une part, il est précisé que l’existence d’un mandat suppose une offre par laquelle « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose » suivie d’une acceptation sans laquelle le contrat ne peut se former. Autrement dit, tous les ingrédients nécessaires à la naissance d’un contrat sont expressément visés par la définition ; mais surtout, le renvoi au mécanisme de la rencontre des consentements exclut l’hypothèse d’un mandat légal ou judiciaire qui, au contraire, est imposé à la volonté individuelle, par la loi ou le juge, entraînant le dessaisissement du représenté. La technique est donc différente de celle mise en œuvre dans le mandat conventionnel.

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16 7. Cette plasticité puise ses origines dans l’hétérogénéité du mandat romain. A cette époque, tout est susceptible de faire l’objet d’un mandat25

. Du latin « mandatum », le terme est issu de « mandare » qui signifie confier, remettre, ordonner quelque chose, donner instruction. Autrement dit, ce qui importe, c’est de confier à quelqu’un en qui on a une confiance absolue, le soin de « faire quelque chose ». Pour les Romains, le seul trait distinctif du contrat était sa gratuité26, par opposition au contrat de louage nécessairement conclu à titre onéreux27. En pratique, l’affirmation de la gratuité fut toutefois pervertie ou, à tout le moins, subit de sérieuses dérogations. En effet, selon un texte d’ULPIEN28, l’existence d’un mandat pouvait se concilier avec l’ « honorarium » – sorte de présent destiné à manifester sa gratitude au mandataire – distincte de la « merces » (la rémunération) du locateur d’ouvrage. La nuance, bien que fragile, permit d’assurer la pérennité du principe de la gratuité tout au long de la période romaine29.

8. L’on retrouve, au Moyen Age, une controverse identique. Lors de la redécouverte du mandat, la plupart des juristes est restée fidèle à la tradition romaine et au critère de la gratuité30. COQUILLE, par exemple, écrivait que « tout mandat est gratuit, et a sa source

d’honnêteté et d’amitié et c’est chose contraire à l’amitié que le salaire »31

. POTHIER, également, affirmait qu’« il est de l’essence du mandat qu’il soit gratuit »32

. Pourtant, à cette époque également, le critère de la gratuité fut tout autant malmené par la pratique. Au début du XVIIIème siècle, les juristes de l’ancien droit admettaient en effet relativement facilement que la gestion des affaires d’autrui, sous les traits d’un mandat, n’était pas exclusive d’une

25 J. H

UET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31001et 31002, pp. 984 et s. ; M. MEKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10 ; L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2, pp. 2 – 3.

26 Ibid.. L’ignorance quasi absolue d’un mécanisme de représentation par le droit romain, en raison du

formalisme contractuel et du caractère éminemment personnel des obligations, explique d’ailleurs que le mandat romain n’ait jamais été conçu comme un contrat représentatif, ou de façon seulement très exceptionnelle. En ce sens voir, not., : L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2 et s., pp. 2 et s. ; A.-L. GRIZON, La qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 83 et s., pp. 55 et s..

27

L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2, pp. 2 – 3.

28 U

LPIEN, D., 17, 1, 6 : « Si remunerandi gratia honor intervenit, erit mandati actio ». Littéralement : « si c’est une rémunération honorifique, il y aura action de mandat ».

29 L. P

FISTER, op. cité, spéc. n° 3, pp. 3 – 4.

30 Pour un aperçu général, voir L. P

FISTER, article précité, spéc. n° 8, pp. 7-8.

31

G. COQUILLE, Questions et responses sur les articles des Costumes de France par Me Guy COQUILLE, Sieur de ROMANEY, PARIS, 1644, spéc. p. 570.

32P

OTHIER, Œuvres de POTHIER – Annotées et mises en corrélation avec le Code civil et la législation actuelle des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur, par M. HUTTEAU, Tome I, PARIS, 1807, spéc. n° 22, p. 19.

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17 récompense, dès lors qu’elle ne s’appréciait pas comme la contrepartie du service rendu, mais manifestait la gratitude du mandant33.

9. Cette solution reposait sur une distinction inconnue du droit romain34 selon laquelle certaines activités – les arts libéraux – n’étaient pas appréciables en argent et étaient, de ce fait, insusceptibles de faire l’objet d’un louage d’ouvrage (celui-ci se définissait par la réalisation d’une activité mécanique) 35. Une distinction entre le louage d’ouvrage et le

mandat, fondée non plus sur la seule gratuité mais sur l’objet du contrat, est ainsi progressivement apparue. Et c’est au cours de la même période que se dessine une influence dont les répercussions devaient s’avérer décisives pour le contrat de mandat. En effet, sous l’influence du droit canon, le principe du consensualisme prend une importance considérable et donne l’impulsion nécessaire à la reconnaissance d’un mécanisme de la représentation dans le mandat36. Pour autant, à cette époque, rares sont les auteurs à considérer la représentation comme un élément distinctif du mandat37. Quoi qu’il en soit, ce renouvellement de la conception du mandat a profondément influencé notre perception actuelle de cette figure juridique. En particulier, la transparence du mandataire est généralement présentée

comme un trait caractéristique du mandat, par contraste à l’opacité de certains gérants

pour autrui, le commissionnaire notamment38.

10. De ses origines romaines, le mandat n’a conservé que le caractère intuitu personae. A mesure que le critère de la gratuité a reculé, celui de la représentation s’est affirmé. Dans notre droit, cette modification a été amorcée en 1804 par le législateur napoléonien, bien que son importance ait été minorée. D’un côté, le caractère essentiel de la gratuité du mandat a été nié39 ; de l’autre, les fondations d’un contrat essentiellement représentatif ont été posées40.

33

Cela supposait, pour les juristes de cette époque, que la somme versée n’ait pas été prévue par une convention et que l’objet de la mission se définisse par l’accomplissement d’une activité libérale (par opposition aux activités mécaniques) non appréciable en argent. Sur cette question : L. PFISTER, article précité, spéc. n° 10 et s., pp. 8 et s..

34

Elle puiserait ses sources, néanmoins, dans des fragments de la compilation justinienne. L. PFISTER, article précité, spéc. n° 12, pp. 9 et s..

35 Ibid.. 36 L. P

FISTER, article précité, spéc. n° 15 et s., pp. 11 et s.. Il semblerait même, qu’à cette époque, la représentation contractuelle ne puisse se concevoir en dehors du mandat.

37 Ibid.. M. M

EKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10. A.-L. GRIZON, La qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 97 et s., pp. 63 et s..

38 A propos de la distinction entre la transparence du mandataire et l’opcité du commissionnaire : infra n° 166 et

s..

39

Selon l’article 1986 du Code civil, « le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ». Autrement dit, selon ce texte, la gratuité demeure de principe, mais elle n’est plus d’ordre public.

40 En effet, selon l’article 1984 du Code civil : « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne

donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Or, généralement, il est admis que la terminologie « en son nom » renvoie au mécanisme de la représentation.

(18)

18 Néanmoins, si le mandat du Code civil est désormais très éloigné de ce que fut son lointain ancêtre41, il en conserve sa caractéristique principale : le mandat est un contrat par lequel

une personne accomplit quelque chose pour autrui.

11. En effet, selon les termes de l’article 1984 du Code civil, le mandat se définit, comme la convention par laquelle « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque

chose pour le mandant et en son nom »42. En dépit de la tournure vague de ce texte, il est généralement admis, en doctrine43 comme en jurisprudence44, que la formule « faire quelque

chose » exprime l’exigence d’un acte juridique. Pourtant, certains intermédiaires dont la

mission se borne à l’exécution d’un acte matériel se sont vus reconnaître, par la loi, la jurisprudence ou la doctrine, la qualité de mandataire. C’est le cas de l’agent commercial ou de l’agent immobilier qui ont été ainsi qualifiés, par le décret du 23 décembre 1958 pour le premier et par la loi du 2 janvier 1970 pour le second. C’est encore le cas du courtier que l’on assimile parfois à un mandataire non représentant45. L’extension du mandat à la plupart des branches du droit privé, également, semble avoir transformé son visage. Que l’on songe à ceux qui interviennent en matière extrapatrimoniale (le mandat donné à une personne de confiance46, le mandat de protection future47), à ceux qui offrent aux « mandants » un « don

41

A propos du mandat en droit romain : infra n° 56 et s..

42 Nous soulignons. 43 A. B

ENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 909 et s., pp. 432 et s. ; FR.COLLART -DUTILLEUL et PH.DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 639, pp. 554 et s. ; J.HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER,Les principaux contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 31110, pp. 998 - 999 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER,Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 541, p. 289. A.-L. GRIZON, La qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 283 et s., pp. 208 et s.. F. LABARTHE, « La distinction du mandat et du contrat d’entreprise », in Le mandat, un contrat en crise, op. cité, pp. 39 et s. ; F. LEDUC, « Deux contrats en quête d’identité, les avatars de la distinction entre le contrat de mandat et le contrat d’entreprise », in Etudes offertes à Geneviève Viney, sous la direction de J.-S. BORGHETTI, O. DESHAYES et C. PERES,L.G.D.J., Lextenso éditions, 2008, pp. 595 et s. ; P. TRISSON -COLLARD, « Tentative de distinction des contrat d’entreprise et de mandat fondée sur l’objet du contrat », L.P.A., 7 février 2001, pp. 4 et s..

44Civ. 1, 19 février 1968 – Pourvoi n° 64-14.315 : G.A.J.C., 11ème édition, no 260; D., 1968, p. 393. Com. 8

janvier 2002 - Pourvoi n° 98-13.142 ; Bull. civ., 2002, IV, no 1 : D., 2002., A.J., 567, obs. E. CHEVRIER ; ibid., Somm., 3009, obs. D. FERRIER ; C.C.C., 2002, no 87, note L. LEVENEUR ; Droit et patrimoine, juin 2002, p. 105, obs. P. CHAUVEL ; R.T.D. Civ., 2002, 323, obs. P.-Y. GAUTIER. Civ. 1, 28 novembre 2007 - Pourvoi n° 05-13.153 : D., 2008, Panorama, 2245, obs. V. BREMOND, M. NICOD, J. REVEL.

45 N.D

ISSAUX, thèse précitée, spéc. n° 251, p. 112.

Cette conception du courtage est entretenue par la jurisprudence qui utilise l’expression de « mandat d’entremise ». Pour des illustrations récentes voir par exemple Civ. 1, 24 avril 2013 – Pourvoi n° 11-26.876 ; arrêt publié au bulletin. Civ. 1, 28 juin 2012 - Pourvoi n° 10-20.492 ; arrêt publié au bulletin.

Un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation le 17 juin 2009 (Civ. 3, 17 juin 2009 - Pourvoi n° 08-13.833 ; Bull. civ., 2009, III, n° 148) semblait pourtant remis en cause l’expression de « mandat d’entremise » au profit de celle de « contrat d’entremise ». (En ce sens, à propos de cet arrêt : B. BOULOC, R.T.D. Com., 2010, p. 183 ; C. GRIMALDI, « Mandat et courtage », in Le mandat, un contrat en crise, op. cité, p. 79 et s., spéc. n° 2, p. 80 ; M. THIOYE, A.J.D.I., 2010, p. 155). Mais cette interprétation n’a pas été adoptée par tous : N. DISSAUX, « La nature juridique du mandat d’entremise », D., 2009, p. 2724.

(19)

19

d’éternité »48

(les mandats dits de prévention49) là où le mandat classique disparaît50 ou encore aux mandats imposés (en matière de protection des personnes physiques ou morales notamment51) dont l’exécution est parfois encadrée par un juge ou un conseil de famille52 là où le contrat défini à l’article 1984 du Code civil s’accomplit en toute liberté (dans les limites prévues par la loi, naturellement53). En dépit de ces utilisations hétéroclites, il apparaît néanmoins évident que l’intérêt de celui à qui l’on attribue la qualité de « mandant »

constitue le cœur de l’opération envisagée, ce qui signifie que ce dernier en sera, en

principe, le principal bénéficiaire.

12. C’est sans doute la raison pour laquelle le mandat a fait l’objet d’un mouvement de professionnalisation sans précédent, concrétisant ainsi l’une des dernières transformations du mandat. La technique du mandat permettant la valorisation de ses intérêts, de plus en plus de professionnels y ont recouru. A ce propos, un auteur écrivait, il y a plus de vingt ans déjà, que « l'amitié a cessé d'être à la base de ce contrat, et [que] la plupart des contrats de mandat

sont, en ce temps, conclus par des professionnels »54. A titre d’exemple, l’on peut citer ici le

mandat de l’agent d’assurances dont le régime a été modifié récemment par une loi de 200555

, celui de l’agent artistique56

ou du généalogiste57, la gérance de mandat58, le mandat du notaire ou encore celui de l’avocat59. Les raisons qui expliquent l’essor des mandats professionnels

sont variées. Elles résident dans le développement considérable de l’activité commerciale, tant en terme de volume que de distance, dans la complexité croissante et dans l’hyperspécialisation de l’activité juridique dont l’exercice requiert, de plus en plus souvent,

47 L’article 478 du Code civil précise en effet que le mandat de protection future « s'étend à la protection de la

personne ».

48

N. DISSAUX, « Avant-propos », in Le mandat, un contrat en crise ?, op. cité, spéc. n° 1, pp. IX.

49 L’on songe évidemment au mandat de protection future et au mandat à effet posthume.

50 L’article 2003 3° du Code civil précise en effet que la mort du mandat constitue l’une des causes d’extinction

du mandat.

51

L’on pense ici aux mandataires à la protection des incapables (art. L. 471-1 et s. du Code de l’action sociale et des familles) ou aux mandataires judiciaires dans le cadre d’une procédure collective (art. L. 611-3 du Code de commerce).

52

Sur certaines limites apportées aux pouvoirs de certains mandataires : F. BICHERON, « L’utilisation du mandat en droit de la famille », in Le mandat, un contrat en crise, op. cité, p. 97, spéc. n° 29 et s., p. 106 et s..

53 Par exemple, pour les actes de disposition, l’exigence d’un mandat spécial a été posée à l’article 1988 du Code

civil.

54

PH.LE TOURNEAU,« De l'évolution du mandat », op. cité, p. 157.

55 Loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire

dans le domaine de l'assurance. J. O. du 16 décembre 2005.

56 Articles L. 7121-9 et s. du Code du travail. 57 Article 36 de la loi du 23 juin 2006. 58

La gérance-mandat est définie à l'article L. 146-1 du Code de commerce comme le « contrat par lequel une personne physique ou morale confie la gestion d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal dont il demeure propriétaire à un "gérant-mandataire" tout en acceptant de supporter les risques liées à l’exploitation du bien ».

59

Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, J.O. du 5 Janvier 1972.

(20)

20 des connaissances particulières. Il semble alors que, en toute hypothèse, l’intérêt du mandant demeure la cause principale du recours au mandat. Pour cette raison, contrairement à une idée reçue, la professionnalisation qui a eu lieu ne s’est pas limitée à la seule qualité de mandataire. S’il est incontestable que l’exercice de cette activité s’est spécialisé, il est tout aussi certain que celle de mandant a largement suivi ce mouvement. Autrement dit, de plus en plus de professionnels ont, pour les besoins de leurs activités, fait appel aux services d’un mandataire. Le mandat n’est plus exclusivement un contrat d’amis : il est désormais au cœur de la vie des affaires, au service des intérêts des commerçants, banquiers, industriels, entrepreneur, hommes d’affaires, … Ce phénomène apparaît parfois clairement dans les termes de la loi : selon l’article L. 134-1 in fine du Code de commerce, par exemple, l’agent commercial serait un mandataire qui agit « au nom et pour le compte de producteurs,

d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux »60 ; de même, l’agent artistique reçoit « mandat à titre onéreux d'un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de

placement et de représentation de leurs intérêts professionnels »61. Dans certaines hypothèses, la professionnalisation de la qualité de mandant ne s’est pas accompagnée de la professionnalisation de celle de mandataire. C’est le cas du droit du transport : en ce domaine en effet, le mandataire du transporteur demeure bien souvent un salarié-préposé de l’entreprise de transport62

, ce qui signifie que cet intermédiaire demeure un profane63.

13. Cette évolution confirme la place centrale qu’occupe l’intérêt du mandant lors de l’exécution du mandat ; mais elle témoigne également de la modification du rapport de forces qui existe entre les parties au contrat. Le donneur d’ordres n’est pas nécessairement en position d’infériorité mais peut, à l’inverse, bénéficier d’une supériorité économique. Dans ces conditions, cette évolution ne peut être ignorée par le droit de la responsabilité civile relatif au contrat de mandat.

14. Mandat et responsabilité civile : un domaine non exploré. En dépit ou, peut-être, en

raison de l’enthousiasme qu’il suscite, le contrat de mandat reste, à ce jour, en partie

60

Nous soulignons.

61 Nous soulignons.

62 Les qualités de mandataire et de salarié ne sont en effet plus incompatibles. D’une part, l’hypothèse d’un

mandat rémunéré a été autorisé en 1804 au terme d’un article 1986 du Code civil qui dispose que « le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire » ; d’autre part, la jurisprudence a peu à peu admis, au début des années 1980, que le mandataire pouvait être le préposé de son mandant. Les deux critères de la condition de salarié que sont le versement d’une rémunération et un lien de subordination étant réunies, il en résulte que, théoriquement, le mandataire peut être salarié. Nous reviendrons plus longuement sur cette question. (Voir, infra n° 386 et s..)

63

Sur la reconnaissance de la qualité de mandataire du conducteur : Com., 24 novembre 1987 – Pourvoi n° 86-14.424 ; Bull. civ., 1987, IV, n° 248.

(21)

21 inexploré. C’est le cas, en particulier, des rapports qu’il entretient avec le droit de la responsabilité civile. Précisément, pour l’instant, les travaux consacrés à ce sujet ont essentiellement porté sur la responsabilité du mandataire vis-à-vis du mandant. Par exemple, la responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du mandant a été examinée en profondeur64. En revanche, d’autres pans ont été pratiquement passés sous silence. C’est le cas, en particulier, de la responsabilité du mandant à l’égard du mandataire ou de la responsabilité des parties à l’égard des tiers65

. Plus généralement, aucune étude d’ensemble n’a été consacrée, à ce jour, aux rapports du mandat et de la responsabilité civile.

15. Cette relative indifférence étonne, et ce pour au moins deux raisons. D’une part, à une époque où les procès en responsabilité civile ne cessent de se multiplier, cette question apparaît plus que jamais d’actualité. Au regard de l’enthousiasme extraordinaire des praticiens pour ce contrat, ces risques de litiges sont désormais bien réels. En effet, comme on l’a rappelé, le vingtième siècle est celui de la multiplication des mandats : parmi les contrats spéciaux, celui-ci est sans nul doute celui qui a été le plus décliné, multiplié, revisité. Depuis plus de cinquante ans, le mandat a « doublé en volume »66 et il n’est « plus possible de le [le

mandat] regarder comme un "petit contrat"67. Il est devenu "grand" ! »68. Que l’on songe aux

assurances, aux opérations de banque, au monde des transports, à celui du commerce ou de la grande distribution, … il est incontestable que le mandat est désormais une technique bien connue du monde des affaires. Plus récemment, de nouveaux mandats ont également fleuri en droit de la famille. Le mandat à effet posthume, par exemple, permet à un individu de confier, pour le temps où il ne sera plus, la gestion de sa succession à une personne de confiance69 ; de

64 Par exemple : P

H.DIDIER, op. cité ; PH.PETEL, Les obligations du mandataire, préface de M.CABRILLAC, Litec, Coll. Bib. De droit de l’entrep., Tome 20, 1988. Voir également, dans les ouvrages généraux, l’importance qui est accordée à chacune de ces questions. A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 927 et s., pp. 442 et s. ; FR.COLLART-DUTILLEUL et PH.DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 642 et s., pp. 559 et s. ; J.HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 31222 et s., pp. 1083 et s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES,P.-Y.GAUTIER,Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 566, pp. 311 et s..

65 Ibid.. 66 P

H. REMY, « La jurisprudence des contrats spéciaux. Quarante ans de chroniques à la revue trimestrielle de droit civil », in L'évolution contemporaine du droit des contrats : Journées René Savatier – POITIERS - 24-25-octobre 1985, P.U.F., coll. Publications de la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, 1986, pp. 103 et s., spéc. p. 106.

Voir également : voir : CL.GIVERDON, L’évolution du contrat de mandat, thèse précitée ; Le mandat, un contrat en crise, ouv. coll. sous la direction de N. DISSAUX, op. cité.

67 Cette expression fait référence au qualificatif qui lui fut accordé, au début du XIXème siècle, lors de la

codification. La doctrine de l’époque avait en effet distingué les « petits » des « grands », les premiers étant ceux qui apparaissaient d’une utilité moindre.

68 P

H.LE TOURNEAU,« De l'évolution du mandat », Dalloz, 1992, p. 157. Il serait même, selon, les propos de l’auteur, « devenu un des deux "super-grands" ».

(22)

22 même, le mandat de protection future offre la possibilité aux parents d’un enfant handicapé, de désigner la personne qui sera la mieux placée pour prendre soin des intérêts de leur enfant lorsqu’eux-mêmes ne pourront plus y pourvoir70

. Selon nous, ce phénomène quantitatif augmente de manière significative les risques de litige. D’autre part, le mandat étant un contrat tourné vers les tiers, le problème de la responsabilité civile des parties à leur égard peut se poser en raison, par exemple, de la mauvaise exécution ou de l’inexécution du contrat conclu par l’intermédiation du mandataire, d’une mauvaise action de l’intermédiaire lors de l’accomplissement de sa mission, ou encore de l’exécution fidèle d’instructions défectueuses.

16. La définition du problème de la responsabilité dans le mandat. Aussi

sommes-nous convaincue de l’utilité et de l’intérêt d’une étude croisée portant sur les rapports du contrat de mandat et de la responsabilité civile. En l’état, l’absence de réflexions d’ensemble sur la mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat conduit à occulter certaines spécificités ou certains traits nouveaux de ce contrat. Par exemple, les conséquences de la professionnalisation de cette figure juridique n’ont été envisagées qu’à travers la responsabilité du mandataire. Pour la majorité de la doctrine, cette évolution doit conduire à un durcissement de la responsabilité du mandataire. Cette conception s’insère parfaitement dans la logique de défiance généralement exprimée vis-à-vis des gérants pour autrui. Elle n’est pourtant pas exempte de critiques. En effet, si confier la gestion de ses biens à un tiers comporte nécessairement des risques, ce péril s’accompagne aussi – et surtout – de l’espérance ferme en une gestion plus dynamique et / ou plus efficace et / ou plus qualifiée que ne pourrait l’être une gestion personnelle. L’idée soulignée ici est que l’intérêt du mandant est, tout autant sinon plus que le risque encouru par ce dernier, au cœur du mécanisme. Malgré cela, il semble que le risque ait pris une place prépondérante dans le traitement juridique du mandat, au point, peut-être, d’occulter ce qui est de son essence même : l’action pour le compte et dans l’intérêt du mandant.

17. En outre - et surtout -, cette conception rejette dans l’oubli une partie de l’évolution du mandat : la professionnalisation de la qualité de mandant71. En effet, lors de développements précédents, il a été précisé que la professionnalisation du mandat était bilatérale et atteignait autant l’exercice de l’activité de mandataire que celle de mandant72

. Pourtant, de manière

70

Les mandats de protection future (le pluriel doit ici être utilisé : il convient en effet de distinguer selon que le mandat de protection future est donné pour soi ou pour autrui) ont été introduits dans notre droit par la loi du 5 mars 2007, n° 2007-293.

71

Supra, n° 14.

(23)

23 générale, les conséquences de cette évolution ont surtout été envisagées à travers la responsabilité du mandataire et la plupart des auteurs qui l’ont évoquée ont considéré que la responsabilité du mandataire devait être durcie73. A rebours, il semble que cette évolution contemporaine soit indolore pour le mandant, tant à l’égard de sa propre responsabilité qu’en faveur d’un adoucissement de la responsabilité du mandataire74

.

18. Pourtant, deux raisons invitent à considérer que l’évolution recommandée ne peut se limiter à un durcissement de la responsabilité du mandataire. D’une part, l’essor considérable de l’activité commerciale qui a généré le développement exceptionnel de ce contrat souligne l’omniprésence de l’intérêt du mandant75. D’autre part, la bilatéralisation de la

professionnalisation du mandat suggère que, dans de nombreuses hypothèses, le mandant conserve un certain contrôle sur l’activité du mandataire76

. Cette apparente rigueur pourrait surprendre et apparaître contradictoire par rapport à certains aspects du droit positif qui, dans une certaine mesure, prend en compte la situation précaire ou, à tout le moins, économiquement dépendante, du mandataire. En effet, depuis une trentaine d’années, la loi et la jurisprudence semblent s’orienter dans le sens d’une meilleure protection de cet intermédiaire. En attestent, notamment, la multiplication des statuts légaux qui ont pour objectif un meilleur encadrement de la profession de mandataire. Cette tendance se vérifie aussi – et surtout - avec le développement de la notion de mandat d’intérêt commun dont la finalité est précisément de protéger le mandataire contre le pouvoir du mandant de révoquer le mandat quand bon lui semble77. De ce point de vue, l’on se retrouve face à un décalage entre une vision doctrinale dominée par un souci de rigueur à l’égard du mandataire et l’évolution du droit positif qui contredit, dans une certaine mesure, cette approche.

19. C’est surtout à propos de la responsabilité des parties à l’égard des tiers que les attentes se font les plus pressantes, tant les études consacrées à ce sujet sont peu nombreuses,

73 F. O

UAEDRAOGO, La responsabilité civile du mandataire, sous la direction de B. GROSS, NANCY 2, thèse dactylo., 1991 ; PH.PETEL, Les obligations du mandataire, op. cité, spéc. p. 2 et s. ; PH.LE TOURNEAU,« De l'évolution du mandat », op. cité.

74 Ainsi, dans un arrêt rendu le 3 avril 2007 par la première Chambre civile dans lequel la Cour de cassation, il a

été jugé que « le notaire, professionnellement tenu d'informer et d'éclairer les parties sur les incidences fiscales des actes qu'il établit, ne peut être déchargé de son devoir de conseil envers son client par les compétences personnelles de celui-ci » (Civ. 1, 3 avril 2007 - Pourvoi n° 06-12.831 ; Bull. civ., 2007, I, n° 142). Nous soulignons.

75 Supra, n° 13 et 14. . 76 Ibid..

77

Pour plus de développements à propos de la notion de mandat d’intérêt commun : infra n° 153 et s. et 336 et s..

(24)

24 en particulier en ce qui concerne la responsabilité civile délictuelle78. Elle n’est toutefois que le reflet du désintérêt du législateur pour cette question. En effet, sur les vingt-sept dispositions que comporte le Titre XIII du Livre 3ème du Code civil, aucune ne s’y intéresse.

20. Cette situation étonne. En effet, on l’a vu, l’objet de ce contrat se définit généralement par la préparation et la conclusion d’un acte juridique pour le mandant. Autrement dit, c’est essentiellement en matière précontractuelle que le mandataire intervient. Dans l’hypothèse d’un dommage subi par les tiers, c’est donc la question de la responsabilité délictuelle qui devrait être posée. Dans ce cas de figure, « le responsable délictuel est déterminé par des

règles d'imputation légales et jurisprudentielles qui dépendent de la nature du fait générateur »79. « Lorsque le fait est personnel, son imputation à un responsable suppose de

qualifier ce dernier d'auteur d'une faute objective. (…) Lorsque le fait générateur est le fait d'autrui, les articles 1384 alinéas 1, 4 et 5 interprétés par la jurisprudence visent en matière extracontractuelle des personnes dotées d'une qualité ou plutôt d'une fonction particulière impliquant l'exercice d'une autorité »80. Parce que, dans le mandat, l’intermédiaire est l’unique interlocuteur du tiers et parce qu’il est considéré comme agissant librement, il est généralement en première ligne.

21. Au regard du contexte dans lequel le dommage est causé, ce choix pourrait, dans une certaine mesure, apparaître incohérent. En effet, celui-ci a pu se réaliser parce qu’un ordre avait été émis. Autrement dit, si le rôle de l’intermédiaire est indéniable lors de la « réalisation » du risque, celui du mandant en tant que « donneur d’ordres » est prépondérant quant à sa « création ». Par conséquent, désigner le seul mandataire comme responsable du dommage subi par le tiers suppose que le voile tombe sur le rôle initial du mandant : celui-ci peut, par exemple, avoir délivré un mandat défectueux. Par ailleurs, la faute du mandataire peut avoir été commise dans l’intérêt du mandant. Par voie de conséquence, la mise en œuvre de la responsabilité civile du mandataire pourrait parfois constituer une solution sévère pour ce dernier, ou transformer l’exercice du mandat en jeu dangereux pour un intermédiaire tiraillé entre les ordres de celui pour lequel il agit et les intérêts de celui auprès duquel il intervient.

78

Voir, cependant, N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, op. cité, n° 1320 et s., pp. 549 et s..

79 J.-C

H.SAINT-PAU, « Droit à réparation - Rapports entre responsabilités délictuelle et contractuelle », in J.Cl. Civil Code, « Art. 1146 à 1155 », Fasc. 15, 2013, spéc. n° 17.

(25)

25 22. A plusieurs égards, cette orientation semble incompatible avec certains aspects du mandat. Tout d’abord, la mise en œuvre de la seule responsabilité du mandataire apparaît contradictoire avec la finalité même de ce contrat qui se définit par la valorisation des intérêts du mandant. Ensuite, le choix de la seule responsabilité du mandataire va à l’encontre de l’idée selon laquelle le mandataire est un intermédiaire transparent. A supposer ce principe avéré, cela reviendrait à admettre qu’il ne s’applique, en définitive, que partiellement. Plus précisément, cette transparence ne serait invocable qu’en ce qui concerne les bénéfices de l’opération, celle-ci devant être mise de côté en ce qui concerne les risques de l’opération. Sans doute conforme à l’idée selon laquelle celui « qui cause à autrui un dommage, oblige

celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », cette distribution des rôles est en

revanche en contradiction avec l’esprit du mandat. Enfin, cette sévérité apparait difficilement conciliable avec l’évolution contemporaine du mandat et, en particulier, avec la professionnalisation de l’activité de mandant. En effet, le plus souvent, le pouvoir économique repose sur les épaules du mandant. Or, cette conception conduirait à faire peser le risque sur l’acteur le plus faible. Par conséquent, la dissociation entre la décision et l’action d’une part et entre l’attribution et la valorisation des bénéfices d’autre part posent question : dans quelle mesure celui qui tire avantage de l’activité économique de ses agents pourrait-il être tenu pour responsable des dommages éventuellement subis pas les tiers ?

23. La théorie du risque. L’on voit poindre ici la célèbre théorie du risque née, à la fin du

dix-neuvième siècle, sous la plume de Jean LABBE81 mais systématisée par Raymond SALEILLES82 et Louis JOSSERAND83. Pour l'essentiel, cette proposition visait à remédier aux insuffisances de la faute comme fondement de la responsabilité civile. C'est dans le domaine des accidents du travail que les carences les plus flagrantes ont été relevées, parce que le besoin de réparation des victimes se heurtait régulièrement aux exigences d'une faute prouvée. En effet, à l'époque de la révolution industrielle, le développement du machinisme s’accompagna bien souvent d’une multiplication des causes de dommages dans l’entreprise… sans qu’une faute quelconque ne puisse toujours être relevée. Guidés par le souci évident d’améliorer l’indemnisation de ces victimes, certains auteurs prirent l’initiative d’un

81 En effet, dans un article paru en 1890, Jean L

ABBE évoquait déjà un principe selon lequel « celui qui perçoit les émoluments procurés par l'emploi d'une machine, susceptible de nuire aux tiers, doit s'attendre à réparer les préjudices que cette machine causera » (nous soulignons). S., 1890, 4, 18.

82

R. SALEILLES, Les accidents du travail et la responsabilité civile - Essai d'une théorie objective de la responsabilité délictuelle, PARIS, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, A. ROUSSEAU Editeur, 1897 ; du même auteur, « Le risque professionnel dans le code civil », La réforme sociale, 1898, pp. 634 et s..

83

L. JOSSERAND, De la responsabilité du fait des choses inanimées, PARIS, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, A. ROUSSEAU Editeur, 1897.

(26)

26 renouvellement du fondement de la responsabilité civile délictuelle. C’est la notion de risque qui devait jouer ce rôle, mais cette idée fut comprise différemment84.

24. Pour RaymondSALEILLES, le risque correspondait à la contrepartie du profit retiré par l’activité d’autrui. « Que celui qui a les profits supporte les risques »85

écrivit-il à propos de l’arrêt Teffaine. De son côté, Louis JOSSERAND formulera l’idée d’un « risque créé », c’est-à-dire que celui qui introduit un risque dans la vie d’autrui doit en répondre s’il se réalise. Ces deux théories, bien que distinctes, sont voisines et conduisent toutes deux à l’éviction de la faute. Dans ces deux hypothèses, c’est sur celui qui dispose du fonctionnement d’une entreprise que repose l’obligation de réparer… quand bien même aucune faute ne pourrait être retenue à son encontre. De ce point de vue, le problème de la responsabilité repose sur « un

problème scientifique de causalité »86 qui conduit à éluder toute connotation morale. Si le succès de cette théorie est indéniable87, son rôle en tant que fondement de la responsabilité civile est plus limité88 ce qui signifie que l’ensemble de la matière est demeurée attachée au concept de la faute.

25. A l’époque contemporaine, cette analyse a plus récemment inspiré d’autres auteurs qui ont également cherché à faire coïncider le risque avec le profit, les avantages d’une activité avec la responsabilité.

26. Première piste : l’utilisation du mécanisme de la responsabilité du fait d’autrui. Pour parvenir à ce résultat, certains ont proposé d’exploiter les ressources de la responsabilité du fait d’autrui. Madame DEL CONT suggère ainsi « d’appréhender les accidents de l’échange

marchand à travers ce modèle (…) et de faire rentrer les agents économiques dépendants

84 J.F

LOUR,J.-L.AUBERT etE.SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, Tome 2, Sirey, coll. Université, série Droit privé, 14ème édition, 2011, spéc. n° 70, pp. 81 et s..

85

Note R. SALEILLES à propos de l’arrêt Teffaine, Civ., 16 juin 1896, D.P., 1897, 1, p. 433.

86 J.F

LOUR,J.-L.AUBERT etE.SAVAUX, op. cité, spéc. n° 70, p. 81.

87 Certaines solutions mises en place par le législateur ou la jurisprudence attestent en effet de manière

incontestable de l’intégration de la théorie du risque dans notre positif. L’on pense, par exemple, au mécanisme de la responsabilité du fait des choses qui reprend l’essentiel des propositions de SALEILLES et JOSSERAND ;à la loi du9 avril 1898 relative aux accidents du travail qui consacre l’idée d’un risque professionnel ; au déclin des responsabilités pour faute et à l’explosion des responsabilités de plein droit (à titre d’exemple, l’on peut évoquer l’évolution de la responsabilité du commettant pour le fait du préposé ou celle relative à la responsabilité pour trouble du voisinage) qui, implicitement, se justifient par la nécessité de garantir certains risques. Or, si l’objectif des auteurs était, non pas d’expliquer le droit existant, mais de transformer certaines solutions pour parer à certains inconvénients (G. VINEY, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, 3ème édition, 2008, spéc. n° 49, pp. 109), il est tout à fait certain que cet objectif a été largement atteint

88 Voir, not. : G. V

(27)

27

dans la catégorie des "personnes dont on doit" répondre »89. Elle justifie cette idée en rappelant que le principe général de responsabilité du fait d’autrui, comme celui de la responsabilité du fait de choses, s’inscrit dans un mouvement visant à promouvoir « l’imputation matérielle des risques d’une activité sur le sujet juridique qui en exerce le

contrôle et la maîtrise »90. L’auteur évoque ainsi très clairement la thèse du risque-profit que

certains ont pu qualifier de fondement de la responsabilité du fait d’autrui91

. Une dizaine d’années plus tard, Monsieur DE BOÜARD reprend le flambeau et préconise également de rattacher la responsabilité du propriétaire économique au régime de responsabilité défini par le premier alinéa de l’article 1384 du Code civil. Il procède d’une manière semblable à celle de son prédécesseur en invoquant « le profit que retire le partenaire dominant de l’activité

exercée sous son contrôle par l’entrepreneur économiquement dépendant »92

.

27. Envisagées sous l’angle du « risque-profit », ces propositions sont stimulantes. En tout état de cause, elles ouvrent une piste de réflexion à l’égard d’une possible mise en œuvre de la responsabilité du mandant pour le fait du mandataire. Autrement dit, ces travaux nous invitent à nous interroger sur la possible extension de la responsabilité du fait d’autrui à la relation mandant-mandataire93.

28. A ce stade, cette approche appelle deux séries de remarques. D’une part, le recours au mécanisme de la responsabilité du fait d’autrui dans le cadre du mandat supposera de vérifier que les éléments constitutifs d’une telle responsabilité sont réunis et, notamment, que le lien formé entre le mandant au mandataire se confond parfaitement avec celui qui unit le primo-responsable au garant. D’autre part, la mise en œuvre de la responsabilité du fait d’autrui supposera de mettre de côté l’une des spécificités du mandat : la transparence du mandataire. En effet, techniquement, la responsabilité du répondant ne fait pas disparaître celle d’autrui94

. Autrement dit, la mise en œuvre de la responsabilité du fait d’autrui dans l’hypothèse du mandat ne devrait pas permettre de mettre suffisamment en lumière la situation particulière du mandataire.

89

C. DEL CONT, Propriété économique, dépendance et responsabilité, préface de F. COLLART-DUTILLEUL et G. J. MARTIN, PARIS, L'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 1997, spéc. p. 275.

90 Ibid., p. 268.

91 Voir notamment P. J

OURDAIN, « La responsabilité du fait d’autrui à la recherche de ses fondements », in Etudes à la mémoire de Christian LAPOYADE-DESCHAMPS, ouvrage précité, pp. 67 et s..

92

F. DE BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, préface de G. VINEY, L.G.D.J, Coll. Bibliothèque de l’Institut André TUNC, Tome 13, 2007, spéc. n° 702 et s., pp. 393 et s..

93 Certains arrêts de jurisprudence vont d’ailleurs on ce sens : Civ. 1, 27 mai 1986 - Bull. civ. n° 134. 94

Pour plus de développements sur cette question : infra n° 632 et s.. A propos du cas particulier de la responsabilité du commettant et de l’immunité du préposé : infra n° 399 et s..

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