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La spécificité du mandat

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Titre 1 La spécificité du mandat

38. Problématique. Afin de cerner avec précision la spécificité du contrat de mandat, il

convient de procéder à l’opération de qualification101

. Celle-ci a pour objectif d’isoler la figure juridique du mandat parmi les différentes conventions d’intermédiation en mettant en évidence les caractéristiques qui lui sont propres. Pour cela, nous allons nous mettre en quête de l’élément qui permet l’identification du mandat. Il s’agit donc de découvrir l’élément essentiel du mandat102, également qualifiée « prestation caractéristique »103.

101

A propos de l’opération de qualification : G. CORNU, Droit civil - Introduction au droit, Montchrestien, coll. Domat Droit privé, 13ème édition, spéc. n° 194, p. 107 ; F. GENY, Science et technique en droit privé positif : nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, Tome III, PARIS, Sirey, 1925, spéc. n° 181, pp. 11 et s. ; J.GHESTIN,G.GOUBEAUX, Traité de droit civil - Introduction générale, Tome 1, L.G.D.J., 2ème édition, 1983, n° 35 et s., pp. 28 et s. ; H.KELSEN, Théorie pure du droit, trad. CH.EISENMANN, Dalloz, 1962, pp. 1, 94 et s., 100 et 101. J.-FR.OVERSTAKE,Essai de classification des contrats spéciaux, préface de J. BRETHE DE LA GRESSAYE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 91, 1969, spéc. pp. 31 et s.. CH. ATIAS, « Réflexions sur les méthodes de la science du droit », D., 1983, chronique XXVI, pp. 145 et s. ; H. MAZEAUD, « Essai de classification des obligations », R.T.D. Civ., 1936, pp. 1 et s.. J.-L. BERGEL,Théorie générale du droit, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 5ème édition, 2012, spéc. n° 192, pp. 246 et s.. Du même auteur : J.-L. BERGEL, « Différence de nature (égale) différence de régime », R.T.D. Civ., 1984, pp. 255 et s.. Concl. CHENOT, sous C.E., 10 février 1950, Recueil Conseil d’Etat, p. 100.

102

C’est à partir d’un fragment d’ULPIEN aux termes duquel « si nihil convenit, tunc ea praestabuntur quae naturalitere insunt hujus judicii potestae » (littéralement « Si rien est convenu [par les parties au contrat], alors les éléments manquants seront appliqués par l’autorité judiciaire en fonction de la nature du contrat »), que les juristes romanistes ont élaboré la distinction, aujourd’hui classique, entre les éléments essentiels, les éléments naturels et les éléments accidentels. (Sur la distinction voir par exemple P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, par F. SENN, PARIS, Dalloz, 2003, pp. 472 et s. ; F.TERRE,L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, préface de R. LE BALLE,L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 2, 1957, n° 33 et s., p. 35 et s. ; G.GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, préface de D. TALON,1969, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 93, n° 143 et s., p. 214 et s. ; J.ROCHFELD, Cause et type de contrat, préface de J. GHESTIN,L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 311, 1999, n° 158, p. 147 ; C. PERES, La règle supplétive, préface de G.VINEY, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 421, 2004, spéc. n° 528 et s., pp. 511 et s..) Dans son Traité des obligations, POTHIER expose ainsi que les juristes ont, depuis le XVIIème siècle, entrepris de distinguer « trois différentes choses dans chaque contrat, celles qui sont de l'essence du contrat, celles qui sont seulement de la nature du contrat, et celles qui sont accidentelles au contrat ». S’agissant des premières, ce sont celles « sans lesquelles ce contrat ne peut subsister ; faute de l'une de ces choses, où il n'y a pas du tout de contrat, ou c'est une autre espèce de contrat ». (POTHIER,Traité des obligations, selon les règles, tant du for de la conscience que du for extérieur, Tome 1, PARIS, Debure l’aîné, nouv. édition revue et augmentée, 1764, § 111, spéc. n° 5 et s., pp. 11 et s..)

Autrement dit, l’obligation essentielle ou prestation caractéristique est l’élément qui permet de distinguer les contrats spéciaux les uns par rapport aux autres. Lorsque le contrat est conclu à titre onéreux, cette obligation essentielle désigne « la prestation réelle rémunérée » ; lorsque le contrat est conclu à titre gratuit, la prestation caractéristique est la prestation unique principale ; lorsque le contrat est conclu dans l’intérêt commun des parties, il s’agit de la prestation finale. Pour le mandat, il s’agira donc toujours de la prestation promise par le mandataire, l’obligation principale du mandant ne se définissant généralement (mais non systématiquement) que par une obligation de rémunération et, épisodiquement, par l’obligation de maintenir le pouvoir de représentation. M.-E. ANCEL,La prestation caractéristique du contrat, op. cité, spéc. n° 158 et s., pp. 111 et s..

103 Généralement, ces différentes notions sont tenues pour synonymes par la doctrine qui utilise indifféremment

l’une ou l’autre terminologie. Madame ANCEL, néanmoins, nuance ces propos. Outre le fait que l’expression « prestation caractéristique » soit d’origine anglo-saxonne et que celle d’« obligation essentielle » présente « une élégance et une ampleur française » (nous soulignons), (M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du

34 39. A cette fin, nous avons choisi de nous appuyer sur la définition du mandat qui a été insérée dans le corps même de la loi. En effet, selon l’article 1984 du Code civil, le mandat est, non seulement, un contrat de gestion pour autrui, mais il est aussi – et surtout – un contrat par lequel le mandataire s’engage à « faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». A l’inverse, le commissionnaire est défini à l’article L. 132-1 du Code de commerce comme « celui qui agit en son propre nom ». Autrement dit, c’est dans la formule action « au nom

d’autrui » que résiderait le critère d’identification du mandat104

.

40. Si cette hypothèse était avérée, l’influence de ce critère sur le régime juridique du contrat de mandat pourra être analysée. En effet, l’influence que l’élément essentiel exerce sur le régime juridique du contrat en cause ne laisse guère de place au doute. Qu’elle entretienne des liens avec la cause105 ou définisse l’économie générale du contrat106, qu’elle facilite l’organisation de l’ensemble des règles applicables à une convention107

ou écarte de l’application de certaines clauses qui lui porteraient directement atteinte108

, « la prestation

caractéristique », écrit Madame ANCEL, « apparaît comme la prestation qui pèse le plus

fortement et le plus spécifiquement sur l’ensemble du régime de telle ou telle figure contractuelle »109. De ce point de vue, l’originalité et la spécificité du mandat pourront être

révélées et les obligations mises à la charge des parties au mandat précisées. Indirectement, c’est donc la question de la mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat qui est posée puisque, chaque fois que l’un ou l’autre des cocontractants ne respectera pas ses engagements, une action en responsabilité civile pourra être mise en œuvre. Ainsi, en révélant l’originalité du mandat, nous pourrons, par la suite, vérifier que le droit positif de la responsabilité civile est aujourd’hui bien adapté à la spécificité de ce contrat. Dans la

contrat, préf. de L.AYNES, Economica, coll. Recherches juridiques, Tome 2, spéc. n° 150, pp. 104 - 105), la première serait, pour deux raisons, mieux adaptée. D’une part, le terme prestation porterait en lui le dynamisme du contrat ; d’autre part, celui de caractéristique renverrait plus clairement à une typologie (M.-E. ANCEL,op. cité, spéc. n° 151, p. 105). Mais, selon nous, il ne s’agit là que d’une querelle de mots et nous utiliserons sans distinction l’une ou l’autre formule.

104 En ce sens également : M.-E. A

NCEL,op. cité, n° 159, p. 112.

105 J.R

OCHFELD, Cause et type de contrat, op. cité, spéc. n° 143, pp. 134 et s..

106

G. RIPERT et J. BOULANGER,Traité de droit civil d'après le traité de Planiol, Tome 2, L.G.D.J., 1957, spéc. n° 241, p. 99 ; J.-FR.OVERSTAKE,op. cité, spéc. p. 31 ; A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 8, pp. 5-6.

107 M.-E. A

NCEL,op. cité, spéc. n° 286 et s., pp. 211 et s..

108 Tel est le sens de la jurisprudence Chronopost., Com., 22 octobre 1996 – Pourvoi n° 93-18.632 ; Bull. civ.,

1996, IV, n° 261 : JCP G., 1997, II, 22881, note D. COHEN ; JCP G., 1997, I, 4025, no 17, obs. G. VINEY ; JCP G., 1997, I, 4002, no 1, obs. M. FABRE-MAGNAN ; D., 1997, p. 121, note A. SÉRIAUX ; D., 1997, p. 145, note CH. LARROUMET ; D., 1997, p. 175, obs. PH.DELEBECQUE ; C.C.C., 1997, comm. n° 24, obs. L. LEVENEUR ; R.T.D. Civ., 1997, p. 418, obs. J. MESTRE ; R.T.D. Civ., 1998, p. 213, note N. MOLFESSIS.

109 M.-E. A

35 négative, l’hypothèse que nous avons formulée d’une responsabilité par représentation pourra être étudiée.

41. Plan. Pour toutes ces raisons, nous commencerons par vérifier que l’expression action

« au nom d’autrui » définit le critère d’identification du mandat (Chapitre 1) avant de préciser les effets sur le régime juridique de ce contrat (Chapitre 2).

37

Chapitre 1 – Le critère de distinction : l’action « au nom d’autrui »

42. Plan. Les difficultés à appréhender la représentation comme critère d’identification du

contrat de mandat suggère que mandat et représentation ne peuvent être confondus. Plus précisément, le mandat (support contractuel) n’absorberait pas la représentation (technique d’imputation des effets d’un contrat conclu pour autrui) (Section 2). Reconnaître la structure dualiste du mandat présenterait pour nous un intérêt majeur : celui de pouvoir nous interroger sur la possible existence d’une responsabilité par représentation. Cette hypothèse, que nous avons formulée lors de notre introduction, semble en effet difficilement soutenable dès lors que mandat et représentation se confondent. En l’absence de théorie générale de la représentation, c’est au travers du mandat que le régime juridique de ce mécanisme a été élaboré. Or, l’objet du mandat se définissant par l’accomplissement d’un acte juridique, la technique représentative s’est également trouvée enfermée dans le carcan de l’acte juridique. De ce point de vue, seuls les effets d’un acte juridique seraient, en principe, à la charge du représenté. La responsabilité par représentation que nous évoquons étant de nature délictuelle110, cette hypothèse ne peut sérieusement être examinée sans que la distinction du mandat et de la représentation ne soit affirmée.

43. Quoi qu’il en soit, la dissociation du mandat et de la représentation ne modifie en rien

l’identité du contrat de mandat : théoriquement séparables, l’un et l’autre devront être réunis pour que le contrat puisse recevoir la qualification de mandat (Section 1).

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Section 1 - L’identification du contrat de mandat à partir du critère de

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