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1 Généralités sur la mastication

1.6 Vieillissement de la mastication

La presbyphagie regroupe « l’ensemble des effet du processus de vieillissement sur le mécanisme de la déglutition. » (Logemann, 2007). Ce vieillissement est morphologique et neurologique. La presbyphagie touche aussi la phase orale et donc, la mastication.

1.6.1 Les modifications musculaires et motrices

Avec le vieillissement, le sujet va présenter une fonte musculaire au niveau des muscles masticateurs et de la langue ainsi qu’une diminution de la force occlusale et de la force de morsure (Hatch et al., 2001). Pour autant, pour un sujet avec une denture complète, la performance masticatrice reste maintenue. Le sujet s’adapte toujours correctement aux variations de dureté de l’aliment (Peyron et al., 2004). Le bol alimentaire formé pour la déglutition est adapté à une déglutition sécuritaire et non douloureuse.

Pour un sujet avec une denture complète, Peyron note cependant une augmentation du nombre de cycles masticatoires avant déglutition. Ce nombre augmente en moyenne de trois tous les dix ans. Le sujet aurait besoin d’un temps supplémentaire pour manipuler les aliments pendant la phase orale, ce qui lui demande donc plus d’énergie que pour un sujet plus jeune. Ainsi, la contraction musculaire cumulée pour toute la séquence masticatrice augmente également. Mais la contraction musculaire par cycle, elle, ne change pas.

(A) Nombre de cycles de mastication

(B) Contraction musculaire développée pour la séquence complète de mastication (C) Contraction musculaire développée pour un cycle masticatoire

Test sur des gels E1 à E4 de dureté croissante

Sources :Alimentation des séniors, comprendre le rôle de la mastication (Peyron et al., 2004)

1.6.2 Les modifications de la salivation (Séguier et al., 2009)

Les glandes salivaires se modifient avec l’âge : elles s’atrophient et leur structure évolue. Ceci induit une diminution de la sécrétion salivaire. Mais cette diminution concerne surtout le flux salivaire non-stimulé. Le flux salivaire stimulé, intervenant entre autre pendant la mastication, reste relativement stable. L’impact est donc minime.

Cependant, cette hyposialie peut être aggravée par certains traitements. En effet, la diminution de la production salivaire est un effet secondaire qui se retrouve dans 80% des médicaments les plus prescrits en gériatrie.

La diminution de la salivation peut gêner la déglutition et la gustation. Elle peut aussi entraîner des inflammations des muqueuses buccales.

1.6.3 Les modifications du système olfacto-gustatif (Lebreton et al., 1997)

Avec le vieillissement, on note plusieurs modifications neuro-anatomiques qui entraînent une altération du goût et de l’olfaction. Le nombre de bourgeons gustatifs est divisé par 2,5. Le nombre de papilles fonctionnelles diminue aussi. Les axones liés aux papilles gustatives et à la tâche olfactive dégénèrent. Des plaques séniles apparaissent au niveau du cortex olfactif.

Les seuils de perception sont multipliés par 2 ou 3 pour le goût et par 12 pour l’odorat. Les pertes sont plus importantes pour les substances acides, salées et amères que pour les substances sucrées. Que la saveur sucrée soit la mieux préservée explique l’appétence des personnes âgées pour celle-ci.

Le sujet a également une moindre sensibilité aux changements d’intensité et une difficulté particulière pour identifier les stimuli mixtes, notamment pour les mélanges contenant des saveurs salées : les aliments mixés sont plus difficilement identifiés.

Le déficit de perception des flaveurs est lié à 90% à la perte de la sensibilité de l’odorat.

La diminution de la sensibilité aux flaveurs commence après 60 ans, en débutant sur les saveurs acides. On retrouve une baisse, voire une perte, de l’odorat, hyposmie ou anosmie, chez 75% des sujets de plus de 80 ans. Ces diminutions peuvent induire une perte du plaisir de manger et donc une possible diminution de la consommation alimentaire.

Il faut noter que cette perte est aggravée par de multiples facteurs, notamment de fréquentes carences en zinc, la prise de certains médicaments, la diminution de la salivation ou une mauvaise hygiène bucco-dentaire.

1.6.4 Les modifications des informations neurologiques

Le système neurologique vieillit avec le sujet. Les influx nerveux sont ralentis. L’élaboration des programmes moteurs et la coordination motrice sont altérées. On observe ainsi un ralentissement général et des difficultés de coordination qui impactent aussi la mastication.

1.6.5 L’altération dentaire

Des dents plus fragiles

Les tissus constituant la dent vieillissent également. On observe notamment une usure ou des fêlures de l’émail qui exposent la dentine située juste dessous. En parallèle, on note une rétractation de la gencive qui expose les racines des dents.

Ceci augmente le risque de développer des caries. La prévalence de caries augmente ainsi de 18 à 51 % chez les sujets âgés (Bailey et al., 2004).

La fragilité des dents se traduit aussi par une perte totale ou partielle de la denture. Or, l’état de la dentition influence fortement la mastication. En effet, l’efficacité est corrélée au nombre de contacts dentaires.

Il faut savoir que chez les personnes de plus de 65 ans, le nombre de dents restantes moyen varie entre 12 et 17 (Krall et al., 1998). Seulement 10% des sujets de plus de 75 ans ont 21 dents naturelles ou plus. Enfin, presque 60% des patients âgés en institution sont édentés.

L’impact des prothèses

Les prothèses impliquent une altération du rétrocontrôle desmodontal. Un sujet édenté avec des prothèses va ainsi avoir des difficultés à adapter sa contraction musculaire à la résistance de l’aliment. De ce fait, le nombre de cycles masticatoires, la durée de la séquence masticatoire ainsi que la force de contraction seront plus élevés que chez un sujet âgé normo-denté (Mishellany-Dutour et al., 2008).

Pour Bates (1976), les prothèses impliquent aussi une perte de la stabilité pendant la mastication. Ainsi, si la prothèse est mal fixée ou implantée, la chute de stabilité diminue l’efficacité masticatrice et oblige la langue et les joues à participer pour stabiliser le système. Les forces de mastication pour un sujet avec une dentition entièrement prothétique sont alors quatre fois plus faibles que chez un sujet normo-denté (Bailey et al., 2004).

Enfin, au-delà de sept dents dévitalisées, les sujets ont une sensibilité gustative diminuée (Etien, 2010). Un sujet avec au moins sept dents prothétiques sera donc concerné par cette baisse du goût.