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4 Discussion

4.2 Discussion générale

4.2.1 Limites de l’étude

Limites du déroulement de la formation

En ce qui concerne la formation, la présence de l’infirmière coordonnatrice lors de la première formation nous a semblé un frein. Celle-ci souhaitait être présente pour souligner l’intérêt qu’elle portait à la formation.

Cependant, en sa présence, les aides-soignants se sont moins exprimés, ils ont posé beaucoup moins de questions que les participants de la seconde session. Même si on ne peut l’affirmer, il semble donc que la présence d’un supérieur hiérarchique puisse avoir biaisé le cours de cette formation.

De plus, sa présence venait souligner le fait que, bien que nous intervenions pour une formation, nous n’étions qu’une étudiante intervenant sous la responsabilité de l’infirmière coordonnatrice et non un professionnel venu partager un savoir. Ceci pouvait faire paraître nos propos moins légitimes.

Ce dernier point peut aussi expliquer le moins grand nombre de questions qui nous ont été posées lors de cette session : nous n’avons pas forcément été jugée comme un professionnel apte à répondre à des questions spécifiques.

Pour ces deux raisons, il nous semble que la première formation se serait déroulée sans doute différemment et de façon plus interactive en l’absence de l’infirmière coordonnatrice.

De façon plus générale, quel que soit l’intervenant, il nous semble que la présence d’un supérieur hiérarchique ou même d’un professionnel ayant une formation différente n’est pas souhaitable. La présence d’un public sans rapport hiérarchique et avec des connaissances et un vécu clinique identiques facilitera la participation active de chacun à la formation.

Cette participation est très importante pour que les aides-soignants soient réceptifs et attentifs à la formation, qu’ils puissent profiter de la venue d’un spécialiste pour poser des questions techniques sur des cas particuliers, puis qu’ils intègrent ces nouvelles connaissances dans leur pratique quotidienne.

Une formation sans interaction, sous forme de monologue, aura beaucoup moins de portée.

La seconde limite de cette formation est qu’il s’agit d’une intervention ponctuelle. Or, on note un roulement important dans le personnel soignant en E.H.P.A.D. Cette formation devrait donc, idéalement, être réalisée fréquemment dans le même établissement pour les nouveaux arrivants. Ceci semble difficile à réaliser.

Notre test reste relativement simple à mettre en œuvre, les aides-soignants formés pourront donc le montrer aux nouveaux arrivants. Cependant, une formation nous semble tout de même plus bénéfique. En effet, lors de celle-ci, nous expliquons bien l’intérêt de ce test, nous rappelons son étayage théorique. Les aides-soignants s’approprient ainsi le test en connaissance de cause et non par simple mimétisme. Ils seront donc plus enclins à l’utiliser puisqu’ils sauront pourquoi ils le mettent en place.

Limites quant à l’évaluation de l’utilité du test

Nous avons conclu à l’utilité de notre test à partir de plusieurs éléments.

Tout d’abord, nous avons relevé les données du dossier médical des résidents ayant passé le test de mastication, soit avec nous, soit avec un aide-soignant. Nous avons ainsi relevé le mode d’alimentation proposé et la présence ou l’absence de bilans médicaux pouvant justifier le choix de ce mode d’alimentation.

Nous n’avons trouvé de bilan médical justifiant la transformation alimentaire que pour un résident. Ainsi, 92% des résidents de notre panel ayant une alimentation transformée présentent une mastication préservée et on ne retrouve aucune information justifiant ces transformations dans leur dossier médical.

Cependant, les dossiers médicaux des résidents étaient parfois parcellaires. Il est donc possible que, pour certains résidents, un bilan de déglutition ait été fait et ait conclu à la nécessité de transformer l’alimentation sans que ce bilan soit conservé dans le dossier médical du patient.

Rappelons tout de même que l’étude de Groher et McKaig (1995) montrait que 91% des résidents d’E.H.P.A.D. avaient une alimentation plus transformée que nécessaire. Ainsi, forts de cette étude, même si nos chiffres sont peut-être un peu plus élevés que la réalité dans cet établissement, on peut penser que le pourcentage de sujets ayant une alimentation transformée sans justification médicale resterait élevé même si nous avions pu obtenir l’intégralité des bilans médicaux à jour.

Ensuite, nous avons montré que les aides-soignants se saisissaient de cet outil clinique pour remettre en question des modifications de consistance établies précédemment. Ainsi, parmi les résidents qu’ils ont testés, un tiers bénéficiait d’une alimentation transformée.

Cependant, nous avons peu de retours quant aux retombées des résultats de ce test. En ce qui concerne le secteur non-protégé, nous ne savons pas si les aides-soignants ont tenté de reproposer des textures moins transformées aux résidents testés.

Ceci a, par contre, été le cas dans le secteur protégé : les trois aides-soignantes ont proposé des biscuits, du pain, puis un repas complet en texture solide aux résidents qui bénéficiaient d’une alimentation transformée mais pour qui le test a démontré que la mastication était préservée.

Limite quant à l’évaluation de la faisabilité du test

La principale limite de notre évaluation de la faisabilité du test est le peu de réponses recueillies pour notre questionnaire sur la passation du test. Ainsi, 42% des aides-soignants ayant assisté à la formation n’ont pas rendu ce second questionnaire. Du fait du faible effectif, notre résultat n’est donc pas, comme nous l’avons dit, généralisable.

Ce peu de réponses est sans doute lié au fait que, dans les mois qui ont suivi nos sessions de formation, beaucoup des membres du personnel ont été en arrêt maladie à plusieurs reprises. L’équipe restante se trouvait également constamment en sous-effectif ou aidée par des remplaçants. Tout ceci n’a pas facilité la restitution des fiches.

Cependant, si ces éléments peuvent expliquer le peu de réponses à notre questionnaire, il est aussi possible que certains aides-soignants n’aient pas répondu car ils ne se sentaient pas à l’aise avec ce test ou ne souhaitaient tout simplement pas le réaliser.

Ceci modifierait ainsi le résultat de notre étude. Il serait donc intéressant d’obtenir le retour de ces aides-soignants même après la fin de cette étude pour les analyser.

De plus, lors de notre étude, trois personnes ont dit ne pas souhaiter intégrer ce test dans leur pratique professionnelle. Cependant, dans la partie « commentaires », ils n’ont pas précisé pourquoi. Nous ne pouvons pas le leur demander puisque les fiches sont anonymes.

Si le protocole venait à être reproduit, il serait donc intéressant de rajouter dans notre questionnaire, pour chaque question, une ligne « Si non, pourquoi ? » afin de pouvoir analyser les éléments qui peuvent bloquer l’utilisation de notre outil et y remédier.

Limites générales quant au test et au déroulement de notre protocole

Tout d’abord, en ce qui concerne notre protocole, nous n’avons évalué notre formation et le test que dans un seul établissement.

De ce fait, nos échantillons de résidents, d’aides-soignants et de tests restent faibles, ce qui rend nos résultats peu puissants d’un point de vue statistique.

De plus, ces résultats ne peuvent être généralisés qu’à un établissement ayant le même profil. Ainsi, nous sommes intervenus dans un établissement où le personnel est très sensible à la problématique de l’alimentation, de la nutrition et de la déglutition. Notre intervention et les outils proposés ont donc été accueillis de façon très positive.

Le même protocole réalisé dans un établissement moins sensible à cette problématique ou avec des contraintes différentes pourrait obtenir des résultats sensiblement différents.

Il serait donc intéressant de proposer cette formation dans d’autres établissements. Cependant, les établissements sollicitant une intervention dans un domaine sont généralement ceux qui sont sensibles à ce domaine.

De plus, ce test reste un test de repérage. Il est donc généraliste et ne peut pas prendre en compte les particularités de l’établissement et de chaque résident.

Ainsi, en ce qui concerne l’établissement, comme nous l’avons dit plus haut, le secteur non-protégé a un temps imparti pour les repas.

De ce fait, il sera difficile pour les aides-soignants de proposer une alimentation solide, ou solide molle, à des résidents qui peuvent mastiquer mais dont la mastication est moins efficace et qui auraient donc besoin d’un temps de repas plus long que celui qui leur est imparti.

Des éléments externes peuvent donc venir limiter les possibilités d’adaptation à chaque résident.

De plus, l’aspect généraliste de ce test fait qu’il ne peut pas répondre aux particularités de chaque résident.

Ainsi, les aides-soignants ont rapporté le cas particulier d’une résidente souffrant de la maladie d’Alzheimer. Cette dernière bénéficiait d’une alimentation mixée depuis un moment. Pourtant, lors du test de mastication, les aides-soignants ont vu qu’elle mâchait sans souci.

Ils ont donc réintroduit plusieurs aliments. Elle mâchait certains aliments. Mais pour d’autres, sans qu’ils ne soient plus durs à mastiquer, elle ne les mastiquait pas.

Comme l’évoque une étude, ne reconnaissant pas l’aliment et sa texture, la résidente effectuait un tri intra-buccal (Humbert et German, 2013). Sa cognition étant déficitaire et ayant été alimentée en texture mixée pendant un certain temps, elle ne pouvait plus reconnaître certaines textures. Elle déclenchait ainsi un comportement de protection face à cet aliment non-reconnu et le recrachait.

Les aides-soignants ne pouvaient donc pas immédiatement revenir à une alimentation entièrement solide ou hachée car la résidente ne se serait pas alimentée suffisamment. Ils ont donc commencé à la stimuler en ajoutant un petit aliment solide au repas mixé, comme du pain ou un biscuit. Mais ces adaptations sont spécifiques et ont nécessité les conseils d’un spécialiste.

Notre test est donc un outil généraliste, comme tout outil de repérage. Il permet de répondre à la majeure partie des situations mais, évidemment, les cas particuliers nécessiteront l’intervention de spécialistes. Ceci est inhérent aux tests de repérage mais ce doit être précisé aux soignants.

Enfin, un dernier point a été soulevé lors des passations de tests, tant par les aides-soignants que par nous-mêmes. Certains résidents, une part plus importante que nous ne l’aurions pensé, environ un sur vingt, refusent le test car ils déclarent ne pas aimer les biscuits secs. Une texture alternative pourrait donc être testée et proposée afin que les aides-soignants puissent réaliser ce test auprès du plus grand nombre.