Chapitre 7 Vieillissement dans les verres de silice 125
7.4 Vieillissement dans les différents systèmes vitreux
Le vieillissement, ce phénomène très étudié à la fois sur le plan expérimental, théorique
et par simulation numérique dans les différents systèmes vitreux, est en fait un phénomène
bien plus général. Il se manifeste dans un grand nombre de matériaux et systèmes vitreux :
verres de spin, diélectriques désordonnés, polymères, gels, milieux granulaires... L’exemple
le plus connu est sans doute le verre structural, qui lorsqu’il est refroidi en dessous de
sa température de transition vitreuse, se trouve dans un état métastable désordonné au
lieu de former un cristal. Les propriétés de cet état vitreux dépendent alors fortement de
la façon dont il a été obtenu, et évoluent lentement au cours du temps. Ainsi, le verre
des vitres qui nous apparaît solide et stable à température ambiante n’est en fait qu’un
liquide figé dans une configuration métastable et qui évolue avec une cinétique
excessive-ment lente ressemblant très forteexcessive-ment à celle des verres de spin.
Il serait alors intéressant de faire l’analogie entre les verres structuraux et les verres
de spin, où les phénomènes de vieillissement ont été étudiés intensivement ces dernières
années. Pourtant, il existe bien des différences entre ces systèmes. L’une d’entre elles,
par exemple, est la définition de la température de transition vitreuse Tg. Dans un verre
structural, celle-ci est définie, assez arbitrairement, comme la température à laquelle la
viscosité ν(T) atteint la valeur de 1013 Poises et dépend fortement de la vitesse de
re-froidissement. Qualitativement, comme l’illustre la figure 1.1 (cf. §1.1.3), plus le liquide
est refroidi rapidement, plus il se vitrifie à une température élevée. Ainsi, dans le cas des
verres structuraux, il est plus correct de parler de région de transition vitreuse,
correspon-dant à un refroidissement dynamique, que d’une vraie température de transition vitreuse.
Dans un verre de spin, au contraire, la température de transition vitreuse est très bien
7.4. Vieillissement dans les différents systèmes vitreux
définie et est associée à une transition de phase thermodynamique. D’autres différences
existent aussi. En particulier, il existe dans les verres de spin un désordre gelé (les
interac-tions aléatoires entre les moments magnétiques sont gelées du fait de leurs posiinterac-tions fixes),
qui n’a pas d’équivalent dans les verres structuraux. Dans ces derniers, au contraire, les
interactions entre atomes dépendent du temps puisque le désordre structural évolue au
fur et à mesure que le système s’organise de mieux en mieux.
Des travaux récents [267] ont permis de rassembler la communauté des verres et celle
des verres de spin. Il a été remarqué que les équations dynamiques issues de la théorie
de couplage de mode, généralement utilisée pour décrire les verres au-dessus de Tg, sont
formellement identiques à celles de certains modèles de verres de spin en champ moyen
[267].
7.4.1 Les polymères vitreux
Les polymères vitreux constituent l’une des premières catégories de matériaux vitreux
dans lesquels les phénomènes de vieillissement sont évoqués depuis longtemps. Le
vieillis-sement dans ces matériaux a été particulièrement étudié pour leur variété et l’importance
de leurs applications industrielles. Les polymères vitreux sont constitués de chaînes
ma-cromoléculaires. Cette structure est très loin d’être proche de la structure des verres
struc-turaux ou des verres de spin. Malgré cette différence, les phénomènes de vieillissement se
traduisent là aussi par une évolution lente et spontanée de différentes propriétés attachées
au système comme par exemple le volume spécifique ou l’enthalpie. Le vieillissement dans
les polymères est aussi observé sur d’autres grandeurs physiques comme, par exemple,
la constante diélectrique complexe [18], analogue électrique de la susceptibilité
magné-tique des verres de spin. D’autres expériences [18, 48], avec des procédures similaires à
celles utilisées dans les verres de spin pour étudier l’effet de variation de la température
sur le vieillissement, ont été réalisées sur les polymères pour tester l’existence d’effets de
rajeunissement et de mémoire.
7.4.2 Les verres dipolaires
Une autre classe très intéressante de systèmes vitreux est celle des verres dipolaires. Il
s’agit de cristaux diélectriques désordonnés, constitués de moments dipolaires
interagis-sant entre eux aléatoirement, qui présentent un comportement vitreux à basse
tempéra-ture. Comme dans le cas des verres de spin, le désordre des interactions est ici gelé puisque
les positions de ces moments dipolaires sont fixes. Les relaxations dans les diélectriques
désordonnés étudiés [5] sont très comparables aux relaxations de susceptibilité magnétique
observée dans les verres de spin. Toutefois, contrairement aux verres de spin, la
relaxa-tion dépend fortement de la vitesse de refroidissement, comme les verres structuraux. Le
vieillissement des verres diélectriques prend une forme assez similaire à celui des verres
de spin, bien qu’il soit plus sensible à la vitesse de refroidissement.
7.4.3 Les liquides surfondus
Il est difficile d’étudier le vieillissement des verres structuraux usuels, comme le verre
de vitre par exemple, car les températures de transition vitreuseTg sont généralement trop
élevées et rendent prohibitives les mesures d’effets aussi fins. Dans les verres structuraux,
le vieillissement est surtout important dans la région deTg, c’est-à-dire dans l’état appelé
liquide surfondu. Toutefois, une étude d’un liquide surfondu simple [168], le glycérol, par
opposition aux liquides plus complexes tels que les polymères ou les colloïdes, a permis
de mettre en évidence ce vieillissement. La température de gel raisonnable du glycérol
(Tg = 190K) et sa structure simple (liquide moléculaire à liaisons hydrogène) en font un
bon exemple de verre structural.
7.4.4 Les colloïdes
Une autre classe de systèmes vitreux qui appartiennent à ce que l’on appelle la
ma-tière molle et qui est particulièrement étudiée à l’heure actuelle est celle des colloïdes,
c’est-à-dire des collections de petites particules en suspension dans un solvant. Ces
maté-riaux différents notablement des systèmes vitreux conventionnels puisque la température
ne joue qu’un très faible rôle dans la mesure où la taille des particules en suspension est
suffisamment grande pour les rendre insensibles à l’agitation thermique. Le paramètre de
contrôle de la transition vitreuse est alors la fraction volumique des particules en solution
qui, lorsqu’elle est augmentée, induit cette transition (les particules sentent alors leurs
interactions et cherchent à s’organiser).
Un exemple de vieillissement a été observé dans les pâtes [51]. Il est bien connu que ces
dernières, qui se présentent généralement comme des solides, peuvent être rendues fluides
si on les soumet à une forte contrainte. Le retour à l’état solide, qui se produit alors
Dans le document
Etude des processus de vieillissement des matériaux amorphes hors d'équilibre.
(Page 153-156)