Chapitre 4 Hétérogénéités dynamiques dans la silice surfondue 85
4.5 Hétérogénéités dynamiques dans la silice surfondue
4.5.3 Présence des hétérogénéités dynamiques dans la silice
Pour montrer la présence des hétérogénéités dynamiques dans la silice, nous avons
utilisé les fonctions de distributions radiales des atomes d’oxygène et de silicium les plus
mobiles et nous les avions comparées aux fonctions de distributions radiales de tous les
atomes.
La figure 4.4 montre les fonctions de distributions radiales gO−O(r, t0) pour des
frac-tions variant de4 %à16 %des atomes d’oxygène les plus mobiles comparées à la fonction
de distribution radiale de tous les atomes d’oxygène à une température de 3250 K. Nous
observons sur la figure 4.4 que les fonctions de distributions radiales des atomes les plus
mobiles, et pour toutes les fractions considérées, sont différentes des fonctions de
distri-butions radiales de tous les atomes. Le premier pic correspond à la probabilité de trouver
un autre atome d’oxygène à la distance du premier voisin. Ce pic est plus important pour
les atomes les plus mobiles. Les atomes les plus mobiles sont plus corrélés que les atomes
de mobilité moyenne. En d’autres termes les atomes les plus mobiles sont beaucoup plus
corrélés que les autres particules. La probabilité de trouver un atome mobile au voisinage
d’un autre atome mobile est plus importante que la probabilité de trouver un atome de
mobilité moyenne au voisinage d’un autre atome de mobilité moyenne. Le même
com-portement est observé pour les atomes d’oxygène les moins mobiles. Ce résultat montre
la présence des agrégats formés par les atomes d’oxygène les plus mobiles ou les moins
mobiles. Donc des hétérogénéités dynamiques apparaissent. Nous trouvons cette
corré-lation à des distances très longues de l’ordre de ≃ 1nm. Cette distance correspond au
quatrième voisin. Dans le domaine de température étudié (entre 5000 et 2800 K), cette
distance augmente quand la température diminue. Les hétérogénéités dynamiques sont de
plus en plus importantes quand la température baisse.
A haute température le système redevient homogène. Nous n’avons pas observé
d’hé-térogénéités dynamiques à haute température comme le montre la figure 4.5. En effet
les deux courbes se recouvrent. A hautes températures, les mobilités des atomes ne sont
pas très différentes, donc nous ne pouvons pas distinguer les particules mobiles et les
particules lentes par rapport aux particules de mobilité moyenne. A hautes températures,
les hétérogénéités dynamiques disparaissent. En conclusion, les hétérogénéités dynamiques
apparaissent au cours de la procédure de refroidissement ou de la trempe. Elles deviennent
de plus en plus importantes quand la température est plus basse.
4.5. Hétérogénéités dynamiques dans la silice surfondue
0 0.5 1 1.5 2 2.5 0 2 4 6 8 10 12 14Fonctions de distribution radiales Silicium - Silicium
Distance (Angstrom)
Figure 4.5 – Les fonctions de distributions radialesgSi−Si(r, t0) des 10 % des atomes de
silicium les plus mobiles (en cercles) comparées à la fonction de distribution radiale des
atomes de silicium de mobilité moyenne (trait plein) à la température 5000 K.
Conclusion
Les hétérogénéités dynamiques ont été trouvées expérimentalement et par simulation
dans des systèmes fragiles et dans les systèmes modèles. Ces hétérogénéités ont été
avan-cées pour expliquer le caractère non arrhénien des liquides fragiles. Dans ce chapitre nous
avons montré l’existence des hétérogénéités dynamiques dans la silice surfondue, qui est un
système fort. En utilisant la dépendance temporelle du déplacement quadratique moyen,
nous avons sélectionné les particules de différentes mobilités. Les atomes d’oxygène et de
silicium montrent des similarités du point de vue des hétérogénéités dynamiques mais ces
dernières évoluent différemment en fonction du temps. Les temps caractéristiques associés
à l’oxygène sont inférieurs à ceux correspondant au silicium. Ces temps augmentent quand
la température diminue. Ils sont de l’ordre de 30 ps à 3500 K et de l’ordre de 600 ps à
2900 K. La taille des hétérogénéités dynamiques augmente quand la température diminue.
Cette taille est de l’ordre de1nm(ce qui correspond au quatrième voisin) à 3500 K. Dans
le domaine de température étudié, les hétérogénéités dynamiques apparaissent durant la
première nanoseconde.
Dans un processus markovien, la fonction de van Hove possède une forme gaussienne.
Des écarts par rapport à la forme gaussienne ont été trouvés dans divers systèmes. Ces
écarts semblent être liés à la présence des hétérogénéités dynamiques. Dans notre cas, ce
paramètre est égal à zéro pour des temps très courts et augmente jusqu’à atteindre son
maximum pour un temps t∗ qui caractérise les hétérogénéités dynamiques, puis décroit.
Le paramètre non gaussien est nul pour des temps très longs lorsque le système redevient
markovien. Dans le cas de la silice, nous avons observé deux structures dans la variation
temporelle du paramètre non gaussien. La première structure au temps longs, qui est
as-sociée aux hétérogénéités dynamiques. La seconde structure au temps courts correspond à
la présence d’un petit pic. Ce pic a été observé à des temps courts dans les paramètres non
gaussiens des atomes d’oxygène. Un pic similaire a été déjà observé dans des polymères.
Ce pic semble n’apparaître que dans les polymères et les structures en réseau. Celui ci
n’apparaît que pour l’atome le plus léger, qui est l’oxygène dans nôtre cas. La structure
associée aux hétérogénéités dynamiques est maximale en des temps différents pour les
atomes d’oxygène et les atomes de silicium. Les résultats obtenus par le comportement du
paramètre non gaussien confirment, ainsi, les résultats obtenus en analysant les fonctions
de distributions radiales des atomes les plus mobiles.
Il apparaît donc que les hétérogénéités dynamiques apparaissent dans les liquides
sur-fondus forts comme dans les liquides sursur-fondus fragiles. Il existe des similarités entre les
hétérogénéités des différents systèmes mais leur évolution est différente d’un système à un
autre. Il semble donc que les hétérogénéités dynamiques constituent un caractère universel
des liquides surfondus. De ce fait, le caractère non arrhénien des liquides fragiles n’est pas
du uniquement à la présence des hétérogénéités dynamiques.
Nous venons de voir que des hétérogénéités dynamiques existent dans la silice et
qu’elles évoluent en fonction du temps et qui sont plus importantes à très basse
tem-pérature. Dans le cas des liquides fragiles, les hétérogénéités dynamiques conduisent à des
mouvements coopératifs et des mouvements en chaînes. Dans le prochain chapitre, nous
allons vérifier la similarité des mouvements dans ces deux types de liquides, c’est à dire
la présence de mouvements coopératifs sous forme de chaînes d’atomes dans la silice.
Dans le document
Etude des processus de vieillissement des matériaux amorphes hors d'équilibre.
(Page 119-122)