1.1 De l’état liquide à l’état vitreux
1.1.5 Classification d’Angell
Selon les systèmes, la viscosité présente des comportements très variés à l’approche
de la transition vitreuse. En effet, pour certains liquides, la viscosité suit une loi
d’Arrhe-nius en fonction de l’inverse de la température, et une loi non arrhénienne pour d’autres
systèmes. Angell [12, 13] s’est basé sur cette différence pour proposer une classification
des liquides surfondus en liquides surfondus forts et liquides surfondus fragiles. Cette
classification permet de mieux comprendre le comportement des liquides surfondus et les
matériaux vitreux.
A plus basse température, le retour à l’équilibre du liquide n’est plus observable
ex-périmentalement, définissant ainsi la température de transition vitreuse. La transition
vitreuse est donc de nature dynamique et non thermodynamique. La température de
transition vitreuseTg dépend, comme nous l’avons déjà signalé (cf. §1.1.3), des vitesses de
1.1. De l’état liquide à l’état vitreux
des temps de relaxation moyens par rapport à une loi de type Arrhenius. L’approche de
la transition vitreuse est accompagnée d’une nette augmentation de l’énergie
d’activa-tion pour des systèmes ne présentant cependant que des interacd’activa-tions moléculaires, dites
modestes (de type van-der-Waals). Cette propriété est perceptible dans une
représenta-tion du logarithme du temps de relaxareprésenta-tion en foncreprésenta-tion de l’inverse de la température
réduite par rapport à Tg. Ce qui est observé aussi sur la courbe de la viscosité représentée
sur la figure 1.3. Ce diagramme est à l’origine de la classification des liquides surfondus,
proposée par Angell [12]. Les liquides surfondus sont classés en deux grandes catégories
selon le comportement de la viscosité en fonction de la température [12]. Les systèmes
présentant la plus forte augmentation de l’énergie d’activation sont appelés liquides
fra-giles : il s’agit en particulier de l’eau, le toluène, des liquides moléculaires, des polymères
et certains liquides ioniques. Les systèmes ayant une énergie d’activation constante sont
appelés liquides forts. En d’autres termes : les liquides pour lesquels les temps de
relaxa-tion augmentent de manière exponentielle en foncrelaxa-tion de l’inverse de la température sont
appelés liquides forts comme c’est le cas de la silice SiO2, ZnCl2 et BeF2. Les liquides
pour lesquels l’augmentation des temps de relaxation en fonction de l’inverse de la
tem-pérature est plus rapide qu’une simple exponentielle, sont dits liquides fragiles, comme
les matériaux organiques (ortho-Terphenyl) et les verres ioniques (CaKNO3).
Pour les liquides forts, la dépendance de la viscosité en fonction de l’inverse de la
température, suit une loi d’Arrhenius :
η(T) = η0×exp
EA
T
, (1.1)
oùEAest une énergie d’activation. Une étude récente [189] a montré un bon accord entre
les données expérimentales de la viscosité et celles obtenues à l’aide d’une relation
ana-lytique proposée par Ojovan et al. [189]. La viscosité des liquides surfondus montre une
forte énergie d’activation à basse température et une faible énergie d’activation à haute
température.
Dans le cas des liquides fragiles, la dépendance de la viscosité en fonction de
l’in-verse de la température est mieux décrite par une loi de Vogel-Tamman-Fulcher (VTF)
[91, 231, 245] qui est donnée par la relation suivante :
η(T) =η0×exp
B
T −T0
, (1.2)
où η0 et B sont des constantes qui dépendent de la température. Le facteur T0 est une
température caractéristique, différente de la température de transition vitreuse Tg. Elle
est inférieure àTg. Notons que si T0 peut avoir une signification physique intrinsèque, Tg
représente seulement la température en dessous de laquelle les processus physiques mis
en jeu dans la diffusion, par exemple, apparaissent gelés à l’échelle des temps
expérimen-taux. La relaxation dans ce type de liquides est dite super-arrhénienne. Les liquides forts
présentent en général des interactions interatomiques très fortes et structurantes (comme
dans la silice).
La fragilité d’un système traduit la résistance de la structure à sa dégradation par la
température [12]. D’après le diagramme montré sur la figure 1.3, on peut constater une
relation qualitative entre la stéréochimie des systèmes et leur fragilité : les liquides forts
ont des liaisons essentiellement covalentes, donc orientées (ce sont souvent des structures
tétraédriques), tandis que les liquides fragiles ont en général des liaisons moins fortes et
peu directionnelles. Les liaisons covalentes sont plus fortes, ce qui entraîne une plus grande
résistance de la structure à se modifier par l’effet de la température.
L’un des problèmes majeurs traités par la communauté scientifique de nos jours est de
rendre compte, par un processus physique universel, d’une dynamique qui peut s’étaler
sur des échelles de temps différentes (des temps microscopiques aux temps géologiques),
avec une énergie d’activation croissante. L’approche qui est reprise par la plupart des
modèles théoriques, est basée sur l’existence d’une échelle caractéristique supplémentaire
dans le liquide surfondu. Cette longueur peut être de nature différente selon les modèles
considérés. Les notions de coopérativité ont été déjà introduites par la théorie d’Adam et
Gibbs [1]. La notion d’hétérogénéités dynamiques a été aussi introduite [82, 220]. Jusqu’à
présent, plusieurs concepts ont été introduits comme la dynamique collective qui met en
jeu quelques dizaines de particules, une longueur de corrélation ou une longueur de
co-opérativité qui augmentent quand la température diminue, et la formation des domaines
1.1. De l’état liquide à l’état vitreux
Figure 1.3 – Variation de la viscosité des liquides surfondus en fonction de l’inverse
de la température réduite (Tg/T) selon Angell (prise des références [12, 65, 67]). Cette
représentation est la base de la classification des liquides surfondus : forts et fragiles.
supramoléculaires. Ces différents concepts découlent d’approches différentes. Néanmoins,
ils permettent de limiter l’étude de l’état liquide surfondu sur une échelle intermédiaire
de l’ordre de quelques nanomètres. La notion de distribution de taille à cette échelle
per-met une description de type hétérogène. Cette description est cohérente avec l’étirement
observé dans les fonctions de relaxations structurales. Les processus mis en jeu à l’échelle
mésoscopique (entre la taille moléculaire et les limites macroscopiques), sont difficiles à
mettre en évidence d’une manière expérimentale. En particulier, se pose la question de
leur nature structurale. L’un des aspects qui a été particulièrement étudié ces dernières
années, est la recherche de l’existence d’une possible signature à cette échelle sur des
grandeurs structurales telles que les fonctions de corrélation de paires et les facteurs de
structure.
Dans le document
Etude des processus de vieillissement des matériaux amorphes hors d'équilibre.
(Page 41-45)