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La vie à l’école missionnaire à Xiangtan

Chapitre 2 : Tsiang Tingfu pendant ses études

1. Période adolescente en Hunan

1.2 L’éducation secondaire de Tsiang hors de Shaoyang

1.2.3 La vie à l’école missionnaire à Xiangtan

Après quelques mois à Mingde, Oncle Lanpu n’a pas été satisfait des grandes classes et du faible niveau en mathématiques et en anglais. Il a considéré ces deux cours comme essentiels dans la nouvelle éducation. En 1906, au travers de ses contacts commerciaux, il a connu une école missionnaire américaine nommée « Yizhi » à Xiangtan4. La réputation académique excellente de l’école missionnaire a apparemment surmonté toute son inquiétude pour la religion chrétienne des

1 TIASNG, Tingfu et Zhonglian Xie. 2016. Les mémoires de Tsiang Tingfu. Chapitre IV 2 Ibid.

3 Tsiang Tingfu : « Qingkan Jiang Tingfu boshi shi zenyang jiang de : hunan mingde xiaoyouhui nianhui xishang Jiang

Tingfu boshi tanhua jiyao » (Le discours de Tisang Tingfu à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’Association des anciens de Mingde). Wenxing, vol 12(6), Taipei. p. 15

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missionnaires. À l'automne de cette année, il a inscrit ses neveux à Yizhi, avertissant Tsiang Tingfu de ne pas tenir compte de la doctrine religieuse protestante.1 Sans doute, monsieur Lanpu était la personne qui l’a le plus influencé lorsqu’il était jeune. Oncle Lanpu a insisté d’envoyer son neveu aux écoles primaires, ensuite à Changsha et Xiangtan, et enfin, a financé ses études à l’étranger. Il a aidé Tsiang Tingfu, un ancien littré, à se transformer en nouvel intellectuel. D’ailleurs, dans le changement violent de la société à la fin de la dynastie de Qing, monsieur Lanpu, étant un marchand traditionnel, a activement adapté ses idées aux nouvelles conditions. Oncle Lanpu a exercé une influence imperceptible sur le caractère de Tsiang Tingfu.2

Pour Tsiang Tingfu, les cinq ans à Yizhi étaient le début de ses études occidentales en enregistrant des progrès notables. Pour lui, les mathématiques et l’anglais étaient faciles et intéressants. À l’égard de l’histoire occidentale, Tsiang a lu General History écrit par Myers dans lequel il avait connu la Grèce, l’Empire romain, le Moyen-âge, la Renaissance, la Réformation et les révolutions des États-Unis et de la France. Pour la première fois, il a ouvert la porte vers « un monde entièrement nouveau » et a fait le vœu d’étudier l’évolution du monde occidental.3 En écrivant à partir d'un point de vue social darwinien, Myers a souligné le flux continu de l'histoire, en le décrivant comme une procession de « époques » qui se dissolvaient constamment dans la prochaine. Dans son étude de l'histoire chinoise, ses professeurs ne présentaient aucun thème unifiant ou une approche interprétative comme celle de Myers. Il se souvenait de voir « beaucoup d'arbres, mais pas de forêt ». En d'autres termes, le livre de Myers offrait à Tsiang un exemple de comparaison, élargissait sa vision et, tout simplement, lui permettait d’avoir un sens de « l'évolution de l'ensemble du monde occidental ».4

Dans une école missionnaire, c’était inévitable de suivre les cours de la religion chrétienne. Sur le cours de la Bible, Tsiang n’a ni posé des questions ni demandé l’interprétation à l’enseignement.

1 TIASNG, Tingfu et Zhonglian Xie. 2016. Les mémoires de Tsiang Tingfu. Chapitre IV, V

2 ZHANG, Yulong. 2008. Jiang Tingfu shehui zhengzhi sixiang yanjiu (La recherche sur la pensée sociale et politique

de Tisang Tingfu). Édition Sciences sociales de la Chine, Beijing. p. 25

3 TIASNG, Tingfu et Zhonglian Xie. 2016. Les mémoires de Tsiang Tingfu. Chapitre V 4 Charles R. Lilley, Tsiang ting-fu: Between Two Worlds: 1985-1935, p. 56

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Face aux cours différents, petit Tsiang a déjà son idée pragmatique. Selon lui, peu importe qu’il l'aime ou pas, il doit travailler fort pour passer l'examen. Il existe des différences entre le cours de la Bible et les cours d'anglais et de mathématiques. Je dois exceller en ces deux derniers cours.1

Évidemment, le pragmatisme de Tsiang était profondément influencé par Oncle Lanpu.

Après l’inscription à l'école Yizhi, Tsiang était sous l'influence de madame Lingle, missionnaire et aussi enseignante de l’école. Au-delà de la relation entre enseignante et élève, une relation intensément personnelle s'est développée. Dans une longue période, madame Lingle a joué le rôle de sa mère. Dès le début, le jeune Tsiang a démontré des facultés intellectuelles supérieures et est devenu le meilleur élève de sa classe. Pour cette raison, Lingle s'intéressait particulièrement à lui : elle l'a personnellement enseigné en anglais et l'a instruit dans l'histoire occidentale. Lorsqu’il était malade, madame Lingle s’est bien occupée de Tsiang Tingfu. Sous son guide patient, Tsiang a fait des progrès fulgurants dans ses études.2 D’après Lilley, madame Lingle a éloigné Tsiang des normes culturelles chinoises et l’a convaincu de rompre avec les coutumes de son clan.3

Dans l’école missionnaire, les discussions sur la politique ne sont pas encouragées. Cependant, à l’ère de la transition, personne ne pourrait être insensible à la politique. Même si, à Yizhi, il n’y avait pas de l’atmosphère politique, sous la pression des élèves, le principal était obligé de s’abonner à deux journaux qui étaient exactement la propagande du Parti nationaliste. En réalité, Tsiang et ses camarades ne pouvient pas comprendre ce que les journaux relataient, mais, sous l’influence des préconisations sur les journaux, ils ont toujours rêvé des méthodes qui peuvent faire prospérer la Chine. Ils ont aussi préféré jouer le chef militaire qui entraîne la troupe et bat l’armée étrangère dans les jeux.4

Pendant l'été 1911, en restant avec les missionnaires, Tsiang a souvent discuté de la possibilité d'une révolution chinoise avec Madame Lingle. Il a soutenu que la Chine aurait, et devrait avoir,

1 TIASNG, Tingfu et Zhonglian Xie. 2016. Les mémoires de Tsiang Tingfu. Chapitre V 2 Ibid.

3 Charles R. Lilley, Tsiang ting-fu: Between Two Worlds: 1985-1935, p. 55

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une révolution. A cette époque, dans le cœur du jeune Tsiang, la révolution chinoise remporterait certainement la victoire. Au travers de l’histoire de la révolution des États-Unis et de la France, il a insisté sur le fait que la vague révolutionnaire était inéluctable en Chine. Cependant, il ne comprenait pas pourquoi les révolutions occidentales avaient duré si longtemps. Une semaine après le soulèvement de Wuchang en 1911, il a constaté la réalité révolutionnaire d’un grand désordre partout à Xiangtan, et il était vraiment déçu et perplexe.1

Le déclenchement de la Révolution de 1911 a rompu les études de Tsiang à l’école Yizhi. La violence suivie de la révolution a forcé Madame Lingle à fuir à la sécurité de Shanghai, et de se rendre aux États-Unis. Tsiang Tingfu a de ce fait demandé à madame Lingle de l’amener aux États- Unis pour poursuivre ses études. Financé par la boutique familiale, Tsiang était parti aux États- Unis avec 120 dollars à l’âge de 16 ans.2 Avant son départ aux États-Unis, Tsiang a finalement consenti au baptême. Même s’il a déjà reçu l’éducation chrétienne depuis cinq ans, il n’a pas encore eu de la religion. Mais, Tsiang a vivement été touché par la passion des missionnaires pour la cause du bien-être social. Il jugeait que le christianisme est une bonne religion, étant donné que de nombreux missionnaires travaillaient pour l’intérêt public avec ferveur.3

Personne ne peut sous-estimer la valeur des cinq ans à l’école missionnaire de Yizhi. Son étudiant, John K. Fairbank, affirme que Tsiang a été américanisé dans le processus réel à Yizhi.4 C’était aussi durant cette période que Tsiang est devenu une personne debout entre deux mondes. La plupart des intellectuels importants dans la République de Chine (1912-1949) se sont trouvés dans une situation similaire à celle de Tsiang. Ils ont généralement voyagé à l'étranger pour rechercher la connaissance du monde occidental et étaient diplômés d'une université étrangère. En réalité, à la fin de la dynastie de Qing et au début de la république, il y avait un intérêt clair d’étudier à l’étranger. D’une part, ils voulaient obtenir les nouvelles connaissances. D’autre part, ils ont eu le sentiment

1 TIASNG, Tingfu et Zhonglian Xie. 2016. Les mémoires de Tsiang Tingfu. Chapitre V 2 Ibid

3 Ibid

4 FAIRBANK, John King. 1991. Fei Zhengqing duihua huiyilu, (Chinabound: a fifty-year memoir). Édition Zhishi.

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de vouloir sauver la nation et avaient estimé que les nouvelles connaissances leur imposaient une obligation spéciale de contribuer à la régénération culturelle du pays et à sa modernisation politique et sociale.1 Avant le départ aux États-Unis, Tsiang avait déjà établi la conviction qu’il se sacrifierait

pour la modernisation de la Chine, même si le jeune Tsiang n’a pas encore trouvé la voie de réaliser ce rêve.

2. L’éducation pré-universitaire et universitaire aux États-Unis