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G- La formation actuelle

1. Vécu des internes et déroulement de la consultation

1.9. Victimes et entourage : vécu et profil

Concernant les victimes de ces violences rencontrées lors de ces consultations, leurs âges étaient extrêmement variables de même que leur statut social. Plusieurs éléments communs avaient pu être mis au jour. D’abord, les internes décrivaient leur manière d’évoquer les violences subies à demi-mots avec une banalisation et une minimisation de leur vécu : « J’ai l’habitude de toutes façons. » (E4). Ensuite, les internes interrogés rapportaient l’ambivalence de ces patientes vis-à-vis du conjoint violent : « elle lui trouvait vraiment des excuses » (E4). Ensuite, il était mentionné que les patientes exprimaient, à travers ces consultations qui pouvaient être la première occasion d’évoquer ce sujet, leur besoin profond d’écoute et d’accompagnement : « Ça me fait bizarre : c’est la première fois … c’est la première personne avec qui j’en parle. » (E6).

Les types de violences subies par ces femmes étaient interrogés par les internes lors des consultations et semblaient multiples (violences verbales ou morales, physiques, sexuelles, « économiques »), parfois imbriquées et de fréquence, gravité et ancienneté très variées.

D’autres femmes actuellement sorties de ces situations de violence pouvaient garder des séquelles : « quelques années plus tard, après tout ça, elle avait encore un petit peu de difficultés et encore quelques insomnies, et elle était un petit peu gênée. » (E11).

Certaines situations particulières avaient mis en difficultés les internes interrogés : pour l’un il s’agissait du métier de la victime, fortement impliquée elle-même dans la prise en charge des violences conjugales : « puisqu’elle est assistante sociale (…) elle connaissait pas mal les associations du coin. » (E5). Pour un autre, la barrière de la langue s’était révélée être un obstacle dans la prise en charge.

Les parcours de ces femmes avaient quelques similitudes avec notamment des tentatives répétées mais infructueuses de quitter le domicile : « Mais toujours pour des durées très courtes, elle revenait à chaque fois. » (E10). De multiples freins à ce départ étaient rapportés par ces femmes notamment celui de la dépendance financière : « elle dépendait physiquement, enfin financièrement complètement de lui » (E4). Dans le cas de violences anciennes une sorte de résignation pouvait s’installer : « je pense que, elle a accepté, entre guillemets, de force, ce rôle-là, bah voilà de femme soumise, heu… battue, enfin effectivement de victime » (E5). La persistance de sentiments et de projets avec le conjoint pouvait empêcher également ce départ, de même que la crainte des regard extérieurs : « les voisins qu’est-ce qu’ils vont dire ? » (E4).

Les internes pouvaient exprimer leur incompréhension face aux choix de certaines victimes qui décidaient de rentrer à domicile ou qui souhaitaient un enfant avec le conjoint violent :

« moi, à première vue ça me semblait inconcevable » (E5). En revanche, un des internes interrogés confiait ne pas se sentir responsable de ces situations vécues comme des échecs, mais s’interrogeait tout de même sur la meilleure façon de les aider dans ces démarches :

« peut-être qu’y a certaines… certains mots qui auraient été dits qui auraient débloqué » (E8).

Ainsi, la question des leviers utilisables pour encourager ces femmes à sortir de cette situation a interpellé certains internes : « On se sent assez impuissant je trouve, face à ce type de consultations. Surtout que là, elle, c'était pas le premier épisode » (E14). Ils s’étaient ainsi interrogés sur la place des enfants dans ce contexte : « Comment extraire les enfants de ce milieu-là ? » (E8).

En effet, les enfants occupaient une place importante dans la prise en charge de ces femmes ; ils pouvaient représenter soit un frein au départ du domicile ou au dépôt de plainte : « qu’elle restait quand même bloquée avec son mari du fait des enfants » (E8), soit un possible levier pour un changement de vie. L’avenir et le vécu de ces enfants ne laissaient pas non plus indifférents les internes interrogés : « que vont devenir les enfants s’ils vivent dans ce milieu-là ? » (E8), avec parfois l’installation ultérieure d’une la situation de violence chez ces enfants :

« la fille a reproduit exactement la même chose avec son conjoint » (E4).

En revanche, plusieurs de ces femmes se révélaient très isolées avec parfois un déménagement récent ou situation de migration récente. Celles ayant un entourage avait parfois pu identifier une personne ressource, sans toutefois que la situation soit connue des amis ou de la famille :

« Lui en a jamais parlé à priori, avec personne. Ni à sa famille, ni ses amis » (E5).

Les rôles perçus de l’entourage étaient multiples : il pouvait s’agir d’un recours en cas de départ du domicile ou d’un accompagnement lors de consultations médicales, ce qui pouvait parfois permettre la mise en lumière de la situation de violence : « la fille, elle m’a apporté plein d’éléments sur ce qu’il faisait » (E4). Il pouvait également s’agir d’un rôle de soutien et de préservation notamment lors de présence d’idées suicidaires ou de souffrance psychique importante : « C’est bon, j’ai quand même mes enfants, mes petits-enfants donc ça me rattache. » (E4). Cet entourage pouvait dans d’autres cas reprocher aux victimes leur manque de réaction apparente : « Elle engueulait sa mère (…) on te l’a dit mille fois… » (E4).

Se posait également la question du suivi du conjoint et du couple : « puis au bout d’un moment, je pense que c’est compliqué de faire la part des choses. (…) est-ce qu’il faut que je les voie tous les deux aussi ? » (E5). Certains ne souhaitaient pas rencontrer les deux membres du couple ensemble mais envisageaient de suivre tout de même le conjoint. D’autres souhaitaient suivre le couple, ensemble, notamment pour accéder à une autre version des faits et pour envisager une médiation : « cette possibilité-là d'accéder à la deuxième personne de l'histoire » (E9).