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VI- Enquête diagnostique devant une leuconeutropénie :

1- L’examen clinique :

Des patients peuvent se présenter avec une neutropénie à n'importe quel âge, avec ou sans infection significative et parfois avec des caractéristiques spécifiques de certains syndromes. L’examen devrait commencer par un interrogatoire minutieux qui vise à établir s'il y a eu une infection ou une exposition virale récente, ou encore une prise de médicaments ainsi que l’ancienneté de la neutropénie (demande d’hémogrammes antérieurs).

Il est important de rechercher les antécédents familiaux suspectant un désordre héréditaire ou une mort non expliquée d'un enfant en bas âge. Chez l'enfant surtout, devrait être évaluée toute infection bactérienne, sa sévérité et son emplacement ; l'examen de la cavité bucale, du rectum est particulièrement important. L'enfant peut avoir des signes d'autres pathologies significatives telle qu’une splénomégalie, une organomégalie ou peut avoir des anomalies squelettiques ou cutanées, il faut évaluer a ce moment, la durée de ces symptômes la fréquence des infections concomitantes. Ces informations ont un impact direct sur les investigations à suivre [47].

2- Analyse de l’hémogramme :

La neutropénie est une anomalie biologique. Après un examen clinique, le bilan biologique de première intention est l’hémogramme (ou de façon systématique), permettant ainsi de faire une numération formule sanguine sur automate des leucocytes confirmé par un comptage manuelle (au microscope) sur frottis sanguin coloré au May-Grunwald-Giemsa [3].

Il faut prendre en compte l’âge du patient. Chez l’adulte caucasien, on parle de neutropénie dés que le taux de PN est inférieur à 1500PN/mm3, alors que chez l’enfant, avant la puberté, on peut admettre une limite inférieure des PN un peu plus faible de 1300PN/mm3. En ce qui concerne le sexe, il n’existe pas de différence reconnue.

Il faut aussi prendre en compte l’origine ethnique, dans la race noir (africains, antillais), on retrouve couramment des taux de leucocytes plus faibles que chez les caucasiens et 10% des sujets ont physiologiquement des chiffres de PN inférieurs à 1500PN/mm3, dans ces populations on parle de neutropénie seulement au dessous de 1200PN/mm3 [3,148].

L’analyse de l’hémogramme permet aussi de révéler si la neutropénie est isolée ou associée à une anémie et/ou thrombopénie (bicytopénie ou pancytopénie).

Le taux d’hémoglobine et des plaquettes définissent si la neutropénie est isolée ou associée, si c’est une bicytopénie ou pancytopénie.

Le frottis sanguin permet de déceler des cellules anormales (érythroblastes, myélémie..), immatures ou tumorales (blastes, promyélocytes hypergranuleux, tricholeucocytes), il permet aussi d'éliminer les fausses neutropénies liées à un déficit en peroxydases ou à un phénomène de leuco agglutination ainsi que l’examen morphologique des PN. Plusieurs types d’anomalies peuvent être décelés telle que des granulations anormalement visibles (ou granulations toxiques), présence de corps de Döhle, de vacuoles cytoplasmiques ou encore une hypersegmentation du noyau en cas de carence vitaminique ou hyposegmentation nucléaire (de type pseudo Pelger-hüet) ou

défaut de granulations cytoplasmiques évoquant une myélodysplasie [47] (figure 7).

A. Polynucleaire neutrophiles avec anomalies de granulations B. Polynucleaire neutrophiles à noyau hypersegmenté

C. Polynucleaire neutrophiles avec coprs de Döhle

D. hyposegmentation du noyau type pseudo Pelger-hüet

Figure 7: Anomalies morphologiques des polunucléaires neutrophiles[2]

3- Examen du myélogramme et biopsie médullaire :

L’étude médullaire est souvent nécessaire mais doit être restreinte aux cas non expliqués après les examens sanguins [2]. Le myélogramme permet d’éliminer une hémopathie maligne, de séparer les moelles riches, normales ou présentant seulement un blocage tardif de maturation, des moelles hypoplasiques ou présentant un blocage précoce de la maturation. Aussi le myélogramme contribue à élaborer un caryotype médullaire intéressant en cas de neutropénie constitutionnelle.

L’atteinte de la lignée granuleuse est élective, avec soit une absence totale d’éléments granuleux, soit un blocage de maturation à un stade précoce (myéloblaste-promyélocyte), ou plus tardif (myélocyte-métamyélocyte) avec excès d’éléments à ce stade et absence d’éléments granuleux au-delà. Il existe une lympho-plasmocytose, parfois importante et des macrophages. Les lignées érythroblastique et mégacaryocytaire sont normales.

Mais dans le cas d’une suspicion d’hémopathie lymphoïde maligne, il est préférable de faire d’emblée une biopsie médullaire. En effet, l’infiltration peut être hétérogène, et dans ce contexte, les neutropénies sont souvent liées à une myélofibrose qui rend l’aspiration médullaire peu contributive [149,150]

Figure 8: Medullogramme d’un enfant atteint de neutropénie auto-immune [2]

A. phagocytose sélective d’un PN.

B. absence de blocage de maturation de la lignée granuleuse. Le compartiment de réserves est modérément diminué.

Figure 9: Medullogramme d’un enfant atteint d’un syndrome WHIM. [2].

Les PN ont un noyau hypersegmenté, de long filaments reliant les lobes et des vacuoles cytoplasmiques

Figure 10: Medullogramme d’un enfant atteint d’intolérance aux protéines dibasiques (aminoacidopathie) [2]

A. Histiocyte dont le cytoplasme est rempli de noyaux nus

B. A droite myélocyte phagocytant un noyau nu, à gauche PN pycnotique

Figure 11: Medullogramme d’un enfant atteint d’un syndrome de Pearson. Vacuolisation des précurseurs myéloïdes et érythroides [2].

Figure 12: Medullogramme d’un enfant atteint de neutropénie congénitale sévère.

Blocage de maturation de la lignée granuleuse neutrophile au stade de promyélocyte [2].

4- Autres examens :

4-1- Culture des progéniteurs granulo-monocytaire :

La culture des cellules médullaires, bien qu’elle reste une technique spécialisée, permet de mettre en évidence un déficit qualitatif des progéniteurs granulo-monocytaires. La croissance de micro colonies appelées « cluster », aux dépens des colonies de tailles normales serait en faveur d’une myélodysplasie. Au contraire, en cas de neutropénie périphérique ou médicamenteuse, la pousse de ces progéniteurs in vitro est normale ou augmentée [3]. (figure 13)

methode de culture des progéniteurs :

1.milieu semi-solide contenant des leucocytes ou couche « nutritive ».

2. ajout d’une seconde couche de cellules myéloides téstés.

3.aprés incubation,formation de colonies.

4 .contage des colonies matures et identifications.

4-2- Recherche d’anticorps antigranulocytaires :

Les méthodes les plus utilisés pour la recherche des anticoprs anti granulocytaires sont : la microgranuloagglutination ou GAT (granulocyte agglutination test) et l’immunofluorescence sur granulocytes ou GIFT (granulocyte immunofluorescence test). Le GAT était l'un des premiers essais développés, il demeure très précieux pour la mise en évidence d'anticorps anti granulocytaires, le caractère agglutinant de l'anticorps étant en lui-même un indicateur important de sa pathogénicité [152].Le GIFT détecte les anticorps liés aux neutrophiles en marquant le glutaraldéhyde, ultérieurement fixé aux neutrophiles du patient, par des anti-IgG fluorescents. La fixation du glutaraldéhyde empêche la fluorescence spontanée des neutrophiles, qui peut confondre l'interprétation de l'essai. L'analyse peut être exécutée directement sur les neutrophiles des patients, bien que cela puisse être difficile si le patient est profondément neutropénique. Les anticorps circulants peuvent être détectés en incubant les neutrophiles fixés au glutaraldéhyde avec le sérum du patient qui vont être marqués par les anti-IgG fluorescents.

La fluorescence peut être mise en évidence par microscopie ou cytométrie de flux.

Des essaies plus sensibles ont été développés, comme la technique ELISA indirect qui permet de détecter les anti corps anti neutrophiles dans le sérum du patient (figure 9 ) et la technique MAIGA (monoclonal antibody-spécifique immobolization of granulocyte antigenes) qui est un test d'immobilisation de complexes immuns. C'est une technique immuno-enzymologique que l'on peut décomposer en quatre étapes. II en existe deux modalités, la première, dite MAIGA direct, recherche les anticorps fixés sur les granulocytes, la seconde,

dite MAIGA indirect, recherche des anticorps sériques à l'aide d'un panel granulocytaire de composition antigénique connue (figure 10) [12, 153,154]

les kits d'analyse d'anticorps incluent des microsphères sensibilisées aux anticorps à doser,la concentration des anticorps est mesurée par technique facile est rapide en utilisant une microplaque un spectrophotomètre. Chaque kit est spécifique pour une immunoglobuline précise il peut ainsi mesurer la concentration de l'anticorps spécifique dans les échantillons (par exemple, le sérum ou plasma). Les kits sont extrêmement sensibles, exigeant les volumes minimes d’échantillon. La concentration de l’anticorps est déterminée à partir de l’absorbance en comparaison à une courbe standard préparée à partir de dilutions.

Figure 15 : Technique ELISA indirecte [154]

1iére étape : incubation des neutrophiles +anticorps anti GP monoclonal

+sérum à tester

2iéme étape : solubilisation des membranes granulocytaire

3iéme étape : capture du complexe

GP/anticorps antiagranulocytaire par une anti globuline anti-Ig de souris fixée sur une microplaque

4iéme étape : révélation en ELISA de la présence d’un anticorps humain fixé sur la GP par l'adjonction d'une anti globuline anti-lg humaine marquée par une enzyme.

4-3- tests démargination des PN :

Ces tests sont un peu contraignants et assez peu utilisés mais ont l’avantage d’éliminer les fausse neutropénie.

On peut citer la démargination par injection de corticoïdes par injection intraveineuse de 100 à 200 mg d'hémi-succinate hydrocortisone et réalisation d’hémogramme 3 à 4 heures plus tard ou 1 mg/kg de prednisone et réalisation d’hémogramme 24 heures plus tard, ou on peu effectué le test de stimulation au glucagon ou tout simplement un effort physique avant de renouveler l’hémogramme. On constate alors une normalisation du taux des PN [150]

.

Ces tests ont le mérite de rassurer le patient et de lui éviter d’autres explorations.

4-4 -dosage du lysozyme sérique :

Le lysozyme est une hydrolase de faible poids moléculaire et à pH très basique, elle est produite par les polynucléaires neutrophiles ainsi que par la lignée monocytes/macrophages. Le dosage du lysozyme sérique se fait par immuno diffusion radiale.

Les valeurs usuelles du lysozyme sont :

Dans le sérum : 9,6 à16, 8 mg/l

Dans les urines : ≤2 mg/l

Le lysozyme sérique provient uniquement de la destruction des cellules de la lignée granulocytaire et monocytaire. Son taux sérique est un reflet fidèle de l’importance du pool cellulaire granulocytaire et monocytaire.

Ainsi, la concentration sérique du lysosome augmente proportionnellement au degré de renouvellement cellulaire, ce qui explique l'augmentation du lysozyme au cours de toutes les proliférations granuleuses ou monocytaires malignes ou nréactionnelles ; c'est dans les leucémies aiguës myélomonocytaires et monoblastiques que les taux sont les plus élevés ; l'augmentation est moindre dans les leucémies myélomonocytaires chroniques. Une diminution du lysozyme sérique se voit dans les aplasies médullaires. Le dosage du lysozyme permet de faire la distinction entre une neutropénie d'origine centrale ou périphérique, dans les neutropénies centrales on remarque une baisse du lysozyme sérique alors qu’il reste élevé dans les neutropénie d’origine périphérique [155]

Figure 18: Test d’immunodiffusion radiale [156]

4-5- Autres tests :

D’autres tests peuvent être effectués surtout dans le cas de neutropénie lié à des maladies génétiques comme le test de transformation lymphoblastique ou le dosage des immunoglobulines G, A et M par ELISA ou néphélémétrie [2].

Il est recommandé aussi d’effectuer des examens biologiques tels qu’un bilan ionique complet avec bilan rénal et hépatique, une radiographie du thorax,

CRP (C-reactive proteine) et bilan d’hémostase avec fibrinogène, ainsi que des examens bactériologiques dont une hémoculture sur voie centrale et en périphérique, un prélèvement de tout écoulement suspect ou lésion, ECBU (examen cytobactériologique urinaire) en cas de signes cliniques ou de sonde urinaire, en cas de diarrhée, coproculture et recherche de toxine de Clostridium

difficile.

Une sérologie VHB et VHC et d’autres sérologies orientées (VIH, EBV, CMV) peuvent être effectuées selon le contexte clinique du malade neutropénique [140].