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Vers une structuration des modes d'organisation spatiale

2.1 SRUCTURATION ET HIÉRARCHISATION SPATIALE DE L'HABITAT

2.1.3 Modélisation des réseaux d’habitat

2.1.3.1 Vers une structuration des modes d'organisation spatiale

Concernant l'Âge du Fer méridional, l'appréhension du territoire et l'organisation spatiale de l'habitat semblent connaître deux phases essentielles : avant et après les premiers apports réguliers de produits méditerranéens (Py 1993b : 77-80, 109, 253-258 ; Garcia 2002 : 89-100). Durant la première phase, qui correspond à la transition Bronze final IIIb / Ier Âge du Fer, l'organisation territoriale paraît fonctionner autour de quelques communautés villageoises indépendantes et peut-être égalitaires (Garcia 2002 : 89). Ces communautés peuvent néanmoins être en relation sous la forme d'échanges de biens et de services régulés par un fonctionnement collectif (funéraire ? rituels ? symbolique ?) qui n'empiète pas sur l'autonomie de chacun. L'existence de ce fonctionnement collectif n'est pas prouvée mais, selon D. Garcia, il peut être suggéré par le fait que les nécropoles tumulaires totalement déconnectée de l'habitat ne correspondent pas à une seule agglomération mais à un habitat dispersé et contribuent à "perpétuer (voire à organiser) des liens communautaires ou ethniques" (Garcia 2002 : 93). En outre, nous pouvons émettre l'hypothèse que l'ensemble de ces communautés sont dominées collectivement par les plus grands établissements, tels Roque de Viou et Sextantio, dont les dimensions exceptionnelles pour l'époque laissent envisager une fonction de place centrale, comme "marché ou lieu de convergence des populations régionales" (Py 1993b : 80). D'un point de vue spatial, il faut noter que ces communautés

restent relativement mobiles, soit parce qu'elles pratiquent la semi-sédentarité avec une implantation relativement "pérenne" dans l'arrière pays et des occupations saisonnières sur le littoral (Py 1993b : 78-80), soit parce qu'elles se déplacent au rythme d'une génération, pour exploiter un terroir à des fins agricoles (Garcia 2002 : 88-89), au sein d'un espace relativement vaste, jalonné par une série de repères territoriaux (points d'eau, voies, tombes et nécropoles…). Dans ces conditions, sans enquête plus précise sur les différents établissements, il reste difficile de proposer un modèle d'organisation spatiale pour cette période.

À partir du VIe s. av. J.-C., avec le développement des importations, l'ouverture du monde indigène sur l'économie méditerranéenne tend à faire évoluer l'organisation de l'habitat vers un système articulé autour de centres ruraux qui abritent une grande partie de la communauté villageoise, comme la Liquière ou la Font du Coucou (Vg233 et 215). Ces villages assurent probablement la redistribution des biens importés mais à une échelle très locale, c'est-à-dire en direction des quelques petits établissements, essentiellement de piémont, qui gravitent autour. En effet, comme le souligne M. Py, "les taux moyens d'achat de vaisselle et d'amphore ne laissent apparaître aucune différence entre les diverses zones et les divers gisements de la région" nîmoise (Py 1990 : 72). En outre, il faut noter une stabilité toute relative de ces villages qui disparaissent à peine plus d'un siècle après leur création.

Leur abandon est suivi d'un phénomène de dispersion de l'habitat sous la forme d'établissements de piémont puis de plaine occupés durant tout le Ve s. av. J.-C. et le début du IVe s. av. J.-C. Ces établissements d'un type nouveau, mis en évidence en Vaunage (Vg100 et 107) et en Vistrenque (Vs957, 958 et 971), ne doivent pas être considérés comme des cabanes ou des annexes techniques, mais comme de véritables habitats car leur emprise est relativement importante : 2000 à 2500 m2

, voire près de 2 ha dans le cas d'un regroupement probable comme celui du Grand-Plantier à Calvisson (Vg221 à 226). Ce phénomène de dispersion de l'habitat pourrait être lié à la volonté d'intensifier l'appropriation du territoire pour mieux gérer des terroirs de plaine plus riches afin de répondre à la pression des échanges méditerranéens. En effet, l'accélération de ces derniers suppose une augmentation de la production agricole dont les surplus semblent constituer la principale monnaie d'échange comme le souligne l'augmentation exceptionnelle des moyens de stockage au Ve s. av. J.-C. dans la région nîmoise (Py 1993b : 124). Chacun de ces habitats de plaine fonctionne probablement de manière autonome, mais la répartition d'établissements plus modestes, notamment autour du Grand-Plantier, suggère le début d'une organisation plus structurée de l'espace, peut être sous la forme de petits réseaux très localisés (Nuninger, Raynaud 2000 : 43-45). À la fin du Ve s. et au début du IVe s. av. J.-C., l'organisation du système de production et d'échanges évolue probablement vers une concentration accrue des biens pour assurer leur contrôle, comme en témoignent les premiers regroupements de population sur des sites stratégiques et en voie d'urbanisation, notamment à Mauressip, Nîmes et Roque de Viou (Vg782, Vs701 et Vg828). Ces implantations produisent les premières manifestations d'une affirmation politique, avec la construction de fortifications ou de tours (Nuninger, Raynaud

2000 : 47). Enfin, en dehors des comptoirs littoraux comme Lattes, cette évolution de l'habitat est surtout marquée par des créations dont la capacité à perdurer est sans précédent puisque Mauressip reste occupé quasiment jusqu'à la fin du Haut-Empire et Nîmes jusqu'à nos jours. Avec l'oppidum de Villevieille (Vd982), ces deux agglomérations constituent les premiers éléments stables du peuplement protohistorique dont l'organisation territoriale va se renforcer au cours du IIIe s. av. J.-C. avec l'apparition d'autres oppida, en particulier à Nages et à

Ambrussum (Vg682 et Vd944). À partir du IIe s. av. J.-C. la diffusion de petits établissements

de piémont et de plaine autour de ces agglomérations ne laisse plus de doute sur leur fonction de place centrale capable de contrôler les échanges, de concentrer les biens et d'en assurer la redistribution au sein des communautés locales.

Ce bref rappel de l'évolution de l'habitat protohistorique de la région nîmoise, montre l'émergence d'un système polarisé autour de premiers centres, dès la fin du Ve s. av. J.-C. Ce système engendre progressivement des entités territoriales micro-locales puis locales dont nous savons que la légitimité sera remise en cause, dès la fin du Ier s. av. J.-C., avec l'intervention romaine qui octroie à Nîmes un statut politique et juridique particulier et l'élève au rang de capitale régionale (Raynaud à paraître-b : p. 20-22 de l'article Nuninger 2002 : 137). C'est cette construction des territoires primitifs suivant une logique interne des communautés protohistoriques qui s'adaptent aux pressions commerciales, que nous tenterons d'explorer à travers l'étude des réseaux d'habitat et de leur dynamique.