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1.2 LES DONNÉES

1.2.1 Les conditions de la recherche archéologique en Languedoc oriental

1.2.1.6 Prospection systématique et approche spatiale

Dans le milieu des années 80, autour des agglomérations d'Ambrussum et de Lunel- Viel, une étude plus large sur les structures agraires et la maîtrise du territoire par les communautés agricoles a mis en évidence le caractère préjudiciable des lacunes et des disparités évoquées. Pour tenter d'homogénéiser la distribution des connaissances, tant géographiquement que chronologiquement, s'est constitué "un embryon d'équipe de recherche sur l'histoire du paysage, en quête de données précises sur le paléo-environnement et de données quantifiables sur la densité du peuplement" (Raynaud 1989 : 60). Cette équipe bénéficie, à partir de 1987, d'un contrat de prospection-inventaire, "Contribution à la carte archéologique du Languedoc oriental", financé par la Sous Direction de l'Archéologie. Ce projet, dirigé par F. Favory et C. Raynaud, permet, en outre, de consolider et de développer le caractère pluridisciplinaire de l'équipe.

L'aspect pluridisciplinaire, diachronique et systématique du projet a favorisé une prise de conscience précoce des problèmes liés à l’enregistrement et à l’exploitation d’une documentation non seulement volumineuse mais hétérogène. Sur le terrain, l’équipe a défini un protocole rigoureux qui assure une collecte et un traitement homogène de l’information depuis plusieurs années (Raynaud 1989 : 64-68).

Les principales règles sont liées :

à la répartition des prospecteurs sur le terrain. Ceux-ci doivent être espacés tous les cinq

mètres, soit tous les rangs dans les vergers et tous les deux ou trois rangs dans les vignes, selon les plantations jeunes ou anciennes. D’un point de vue pratique, ces prospections se déroulent essentiellement dans le cadre de stages avec la participation de bénévoles (étudiants et amateurs locaux).

à l'exploration de toutes les parcelles accessibles et lisibles. Les zones non prospectables

(parcelles closes, labours frais, friches, hermes, bâti, jardin...) sont repérées sur le cadastre et font éventuellement l'objet d'une visite ultérieure à un autre moment de l'année. Contrairement à d’autres études11

, l’enquête menée en Languedoc oriental s'est développée de façon systématique, sans aucun transect, ni carré de test repéré au préalable. Ce choix répond à la volonté de faire table rase de toute idée préconçue sur

11. Entre autres Barker 1995 : 42-46.

l’occupation d’un territoire et d'enregistrer les traces d'occupation les plus discrètes, afin de ne pas se cantonner dans une approche classique polarisée sur les seuls lieux d'habitat.

au report de tous les indices d'occupation du sol sur le plan cadastral. Les limites des

unités archéologiques sont évaluées en fonction de la densité et de la répartition du mobilier. Chaque unité est enregistrée sous le nom du tènement cadastral (lieu-dit) auquel on associe un numéro de zone afin distinguer les différentes unités localisées dans un même tènement, par exemple Les Condamines I, Les Condamines II…Il faut souligner que chacune de ces unités peut s'étendre sur une ou plusieurs parcelles.

à la collecte du mobilier observé en surface. Il faut préciser que les collectes de mobilier

sont elles aussi systématiques et ne répondent à aucun choix préalable, afin d'obtenir la meilleure représentativité possible pour l’exploitation des données. Ces prélèvements de mobilier sont conservés dans des sachets distincts, un par unité archéologique enregistrée sur le cadastre, auxquels on ajoute systématiquement une étiquette. Cette étiquette, rédigée sur le terrain, comporte le nom du tènement, le numéro de zone et les numéros des parcelles afin d'identifier l'unité archéologique concernée (Figure 4). En outre, son rédacteur mentionne les conditions de visibilité (mauvaise, moyenne ou bonne) permettant de relativiser la collecte ou d'envisager un contrôle ultérieur. La date reportée sur l'étiquette permet ainsi de différencier les lots ramassés à des moments distincts. Une zone de libre commentaire est utilisée pour les observations de terrain concernant le lot mobilier, les conditions de prospection, des remarques sur le paysage…Dans tous les cas, le prospecteur doit préciser son nom afin que les autres membres de l'équipe puissent le contacter pour préciser ou éclaircir un problème lié à l'enregistrement de l'unité archéologique. Enfin, le numéro d'inventaire communal, dont nous préciserons la composition plus loin, est reporté sur l'étiquette après la rédaction d'une fiche d'enregistrement et le traitement du mobilier.

commune :

Boissi•res

Lieudit :

Les Condamines

Parcelles :

448

Zone :

II

Visibilité :

bonne

Date :

24/10/95

Prospecteur :

L. Nuninger

Site n° :

BOIS

53

Emprise tr•s nette, soulignŽe par un dŽficit de vŽgŽtation dans les tournesols

L’enregistrement de la documentation obéit lui-même à un certain nombre de règles avec une fiche d’identification, décrivant le fait archéologique et son environnement. Cette fiche est structurée en neuf grandes (Annexe 6).

Les coordonnées administratives : elles représentent l'entrée essentielle de la base de

données, puisqu'elles consignent le numéro d'inventaire, le nom, la commune, la surface de l'unité archéologique. En outre, dans cette rubrique, le géo-référencement est obligatoire en terme de coordonnées géographiques, exprimées dans le système de référence Lambert III. Ce géo-référencement numérique a une expression cartographique, sous forme de zonages reportés sur le plan cadastral et la carte au 1/25000 de l’IGN. Les coordonnées de chaque zone sont, par principe, repérées au centre de celle-ci.

La situation topographique : altitude, relief, pente, orientation, angle de vue, géologie, sol,

texture, distance à l'eau (comprenant la dénivellation), finage, entendu au sens de contexte topographique.

L'insertion dans le paysage : nombre de chemins menant au site, distance à la voirie,

distance aux sites contemporains, nombre de relations directes avec les autres sites contemporains, anomalie paysagère ou parcellaire, présence d'un édifice ou d'un monument.

L'identification du site : par son activité ou son statut.

La micro toponymie : sur les cartes anciennes, sur l'IGN, sur les cadastres napoléoniens et

actuels, dans la tradition orale et dans les textes.

Les matériaux : nature et répartition, fréquence. Le mobilier : nature et répartition, fréquence.

La datation : Terminus Post Quem et Terminus Ante Quem.

La documentation : bibliographie sur le fait archéologique, inventeurs et date de

découverte de l'information, rédacteur et date de rédaction de la fiche, commentaires et suite à donner à la découverte.

Ce protocole d'enregistrement élaboré après deux années d'expériences (1987-1988) (Raynaud 1989 : 76), a peu évolué depuis, si ce n'est vers une ergonomie de saisie et de consultation plus simple avec une épuration de l'information secondaire, pour obtenir une seule fiche par unité archéologique de format A4 et consultable sur le seul recto. Par ailleurs, les études plus détaillées, relevant de l'inventaire précis du mobilier (Annexe 7), d'une analyse textuelle fine, de photo-interprétation, sont consignées dans d'autres fichiers spécialisés, qui ont leurs entrées dans les rubriques abrégées de la fiche générale.

Nourrie de cette expérience et formée à cette technique de prospection, j'ai pu très vite poursuivre l'enquête en Vistrenque et procéder au traitement progressif de l'ensemble des données de prospection sans difficulté d'homogénéisation de la documentation collectée depuis une quinzaine d'années par des équipes de terrain différentes.

Les premiers repérages présentant des indices ténus, qui ne permettent d’assurer ni fiabilité, ni localisation précise, ni chronologie fiable, sont revisités une nouvelle fois et autant de fois que nécessaire. Une deuxième collecte est alors opérée, qui subit le même traitement

que la première. Les deux collectes successives sont alors comparées pour vérifier si la première image offerte par l'établissement est bonne, c'est-à-dire si les différents types de mobilier collectés ont la même représentation quantitative et si les datations proposées pour les deux lots sont compatibles. Les différentes collectes doivent donc impérativement faire l'objet d'un traitement différencié. Nous soulignerons à ce propos que les quelques établissements signalés en Vaunage orientale (communes de Caveirac, Clarensac et Langlade) présentent des lots constitués par le cumul de plusieurs collectes. Ils n'ont, par conséquent, pas pu être intégrés à l'analyse statistique (Boyer 1996). La comparaison, entre les différents lots, s'effectue sur une base typologique, mais aussi sur les catégories de mobilier en présence (Annexe 8). On entend par catégories les trois ensembles de mobilier céramique regroupant la céramique tournée, la céramique non tournée (CNT) et les amphores. Les autres types de mobilier, non céramique, qu'il s'agisse des silex, des éléments métalliques ou des scories, ne sont pas pris en compte dans l'analyse statistique du fait de leur ténuité. Ces contrôles permettent généralement de préciser l'image de l'établissement découvert, sa nature et sa datation à partir d'un mobilier plus conséquent. Cependant, il n'est pas rare de collecter du mobilier qui ne correspond pas au profil du premier lot ramassé, comme c’est le cas pour l’établissement de La Carriérasse I (Vg200). En effet, tandis que la première collecte a livré 22 tessons d'amphore massaliète pour seulement 2 tessons d'amphore étrusque, le second lot, ramassé trois ans plus tard, est composé de 14 tessons d'amphore massaliète et 18 tessons d'amphore étrusque. De même, on recherche souvent en vain la trace d'un établissement repéré quelques années plutôt, comme ce fut le cas pour l’établissement du Plan Haut (Vg199). Dans ces deux derniers cas, un nouveau contrôle s'impose. Néanmoins, il doit être réalisé après un cycle complet, c'est-à-dire après un labour et plusieurs lavages par la pluie, sinon le "site" nous présentera la même image qu'au passage précédent. Selon Claude Raynaud, environ le quart des établissements présente des lots discordants, tant du point de vue qualitatif que quantitatif, malgré trois collectes successives (Raynaud 2000a : 202). Pour ces derniers, on effectue une quatrième collecte pour tenter de compendre quels évènements structurels ont pu intervenir dans le bouleversement de l'information livrée par cet établissement. Parmi ceux-ci, on mentionnera les pratiques aratoires différenciées, qui broient plus ou moins les tessons selon leur nature et qui, par conséquent, favorisent la représentativité de certaines collectes. Dans le cadre de notre étude, tous les contrôles nécessaires n'ont pu être réalisés pour des raisons de calendrier. De nombreux établissements restent donc encore à définir plus précisément. Notamment en ce qui concerne la datation, car beaucoup d'entre eux présentaient un lot ténu de céramique, qui n'a pas pu être étoffé, sinon pauvrement, ce qui nous a seulement autorisé à proposer des datations très larges et hypothétiques dans moins de 10% des cas.