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2.2 Mesures de caractérisation

2.2.4 Vers une approche logique

Un problème général en logique floue est de traiter des propositions conditionnelles de type si x, alors y, où x et y sont des prédicats flous. Une méthode largement utilisée consiste à les gérer par l’introduction de fonctions I : [0,1] × [0,1] → [0,1] de telle sorte que la valeur de I dépend des propositions initiales x et y.

Définition 2.3. On parle de fonctions d’implications floues (voir [Mas et al.,2007]) si I (P1) est non croissante avec la première variable,

(P2) est non décroissante avec la seconde variable, (P3) si I(0,0) = I(1,1) = 1,

(P4) et I(1,0) = 0.

A partir de ces propriétés, découlent I(0,x) = 1 et I(x,1) = 1, ce qui fait coïncider I avec l’implication stricte sur {0, 1}2. On distingue cinq types d’implications :

1. S-implications, définies par :

I(x,y) = ⊥(x,y) (2.23)

Cette implication est en fait l’immédiate généralisation de l’implication booléenne x → y ≡ x ∨ y.

2.2. Mesures de caractérisation 49

2. R-(pour résiduelle) implications, définies par : I>(x,y) = sup

t

{t ∈ [0,1]|>(x,t) ≤ y}. (2.24) On notera que si > est continue à gauche, l’opération de supremum peut être trans-formée par le maximum.

3. QL-(pour Quantum mechanic Logic) implications, définies par :

IQL(x,y) = ⊥(x,>(x,y)). (2.25) 4. D-implications, définies par :

ID(x,y) = ⊥(>(x,y),y). (2.26)

qui sont la contraposition directe des QL-implications par rapport au complément. 5. A-implications [Turksen et al.,1998], définies par :

IA(x,y) = yx. (2.27)

De nombreuses propriétés additionnelles peuvent être requises [Mas et al.,2007], parmi elles citons

(P5) Principe de confinement : x ≤ y si et seulement si I(x,y) = 1, (P6) Principe de bord : I(1,x) = x,∀x ∈ [0,1],

(P7) Principe d’échange : I(x,I(y,z)) = I(y,I(x,z)), (P8) Principe de contraposition : I(x,y) = I(y,x).

Parmi les implications définies à partir de t-normes, sont bien connues : l’implication de Gödel, donnée par

I(x,y) =

(

1 si y ≥ x

y si y < x (2.28)

l’implication de Goguen, définie par I(x,y) =

(

1 si y ≥ x

y

x si y ≤ x (2.29)

et enfin l’implication de Lukasiewicz, donnée par

I(x,y) = min(1, 1 − x + y) (2.30) obtenues respectivement avec les t-normes minimum, produit et Lukasiewicz. Notons que l’on peut également obtenir des implications paramétriques via des t-normes paramétriques, voir nos propositions à la section 2.2.4.1. On pourra se référer à [Whalen, 2003] pour une description de l’usage d’implications paramétriques dans le cadre de systèmes d’inférence floue. Selon [Hirota and Pedrycz, 1991], pour des éléments x et y de X, le degré d’égalité entre x et y peut être défini à partir d’implications de la manière suivante :

(x ≡ y) = 1

2 (x → y) ∧ (y → x) + (x → y) ∧ (y → x



) (2.31)

où ∧ est l’opérateur minimum, → est une implication résiduelle. On peut étendre cette définition de la manière suivante

(x ≡ y) = 1

2 (x → y)>(y → x) + (x → y)>(y → x

Puis, en utilisant l’équation (2.24) avec x ≥ y et le principe de confinement (P5), donne (x ≡ y) = 1

2 (x → y) + (y → x)



(2.33) puisque 1 est l’élément neutre des t-normes.

De plus, par la loi de contraposition I(x,y) = I(y,x), on obtient finalement

(x ≡ y) = (x → y) (2.34)

Une manière convenable de définir une mesure de similarité est de quantifier à quel point deux degrés d’appartenance sont similaires, ce qui relie très clairement ce problème au problème d’appariement de quantités floues, ou similarité d’ensembles flous. Cette similarité à partir d’implications peut être interprétée de la manière suivante :

(x est similaire à y) veut dire que (x implique y et y implique x).

Nous proposons ainsi d’utiliser les fonctions d’implications floues comme mesures de simila-rité. Comme nous supposerons par la suite que x ≥ y, cette relation se réduira à l’équation (2.34).

2.2.4.1 Mesures paramétriques

Dans cette section, nous proposons des implications résiduelles paramétriques, puisque à notre connaissance, très peu d’entre elles ont été introduites en dépit du grand nombre de normes triangulaires paramétriques.

Proposition 2.6 ([Le Capitaine and Frélicot,2009a]). Soit (>Hγ), γ ∈ [0, + ∞[, la famille des t-normes de Hamacher. L’implication résiduelle de Hamacher est alors donnée par

IHγ(x,y) = 1 si y ≥ x y (γ + x − γx) y (γ + x − γx) + x − y si y ≤ x (2.35) Démonstration.

Par définition des implications résiduelles (2.24), on peut écrire IHγ(x,y) = sup

t

{t ∈ [0,1] : >Hγ(x,t) ≤ y}. On a aussi IHγ(x,y) = max

t {t ∈ [0,1] : >Hγ(x,t) ≤ y} puisque >Hγ est une t-norme continue à gauche. Alors, résoudre

x t

γ + (1 − γ) (x + t − x t) ≤ y (2.36) donne

t ≤ y (γ + x − γx)

y (γ + x − γx) + x − y. (2.37) Puisque x ≥ y, il est facile de montrer que la partie droite de l’inéquation (2.37) appartient à [0,1], pour enfin nous donner l’équation (2.35).

Proposition 2.7 ([Le Capitaine and Frélicot,2009a]). Soit (>Dγ), γ ∈]0, + ∞[, la famille des t-normes de Dombi. L’implication résiduelle de Dombi est donnée par

IDγ(x,y) = 1 si y ≥ x 1 + 1 − y y γ 1 − x x γ1/γ!−1 si y < x (2.38)

2.2. Mesures de caractérisation 51

Démonstration. IDγ(x,y) = sup

t

{t ∈ [0,1] : >Hγ(x,t) ≤ y} par (2.24). Comme >Dγ est une t-norme continue à gauche, alors on peut écrire IDγ(x,y) = max

t {t ∈ [0,1] : >Dγ(x,t) ≤ y}. Puis, la résolution de 1 + 1 − x x γ + 1 − t t γ1/γ!−1 ≤ y (2.39) donne t ≤ 1 + 1 − y y γ 1 − x x γ1/γ!−1 . (2.40)

Comme, x ≥ y, il est facile de montrer que

 1−y y γ 1−x x γ1/γ

≥ 0, et donc la partie droite de l’inéquation (2.40) est dans [0,1] et (2.38) est obtenue.

Proposition 2.8. Soit (>Yγ), γ ∈ [0,+∞[, la famille des t-normes de Yager. L’implication résiduelle de Yager est donnée par

IYγ(x,y) = ( 1 si y ≥ x 1 − (1 − y)γ− (1 − x)γ1/γ si y ≤ x (2.41) Démonstration. IYγ(x,y) = sup t

{t ∈ [0,1] : >Yγ(x,t) ≤ y} par (2.24). Comme >Yγ est une t-norme continue à gauche, alors on peut écrire IYγ(x,y) = max

t {t ∈ [0,1] : >Yγ(x,t) ≤ y}. Puis, la résolution de 1 − (1 − x)γ+ (1 − t)γ1/γ ≤ y (2.42) donne t ≤ 1 − (1 − y)γ− (1 − x)γ1/γ . (2.43)

Comme, x ≥ y, il est facile de montrer que 1 − (1 − y)γ− (1 − x)γ1/γ

≥ 0, et donc la partie droite de l’inéquation (2.43) est dans [0,1] et (2.41) est obtenue.

Proposition 2.9 ([Fono et al., 2007]). Soit (>Fγ), γ ∈ [0, + ∞[, la famille des t-normes de Frank. L’implication résiduelle de Frank est donnée par

I(x,y) = 1 si x ≥ y logγ1 + y− 1)(γ − 1) γx− 1  si y ≤ x (2.44)

Proposition 2.10. Soit (>DPγ), γ ∈ [0, + ∞[, la famille des t-normes de Dubois-Prade. L’implication résiduelle de Dubois-Prade est donnée par

IDPγ(x,y) = 1 si y ≥ x max(γ,x)y x si y ≤ x (2.45)

Démonstration. On résout xt max(x,t,γ) ≤ y, (2.46) ce qui donne t ≤ max(x,γ)y x (2.47)

Comme x ≥ y et γ ∈ [0, 1], on montre facilement que max(x,γ)yx appartient à [0, 1], et on obtient donc (2.45).

2.2.4.2 Exemples numériques

Une des difficultés rencontrées lors de l’utilisation de t-norme est le choix de la famille, et éventuellement du paramètre associé. Ce choix peut se révéler d’autant plus épineux que les résultats obtenus peuvent être radicalement différents. Pour cette raison, nous proposons ici une étude sur l’influence du double choix famille-paramètre, permettant ainsi, nous l’espérons, à l’utilisateur de sélectionner son opérateur en connaissance de cause.

Nous reprenons pour cette étude l’un des vecteurs que nous avons utilisé auparavant,

u = (0.20, 0.10, 0.85, 0.80), car il présente plusieurs caractéristiques intéressantes : deux

hautes valeurs similaires, et deux faibles valeurs similaires. Afin de faciliter l’écriture, nous noterons a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et enfin d = 0.10.

• Hamacher :

Augmenter la valeur du paramètre γ rend deux valeurs floues plus similaires, car IHγ(x,y) = xy/(x − y + xy) si γ = 0, tandis que lim

γ→+∞I(x,y) = 1 quels que soient (x,y) ∈ [0,1]2. On peut en fait remarquer que IHγ est non décroissante avec γ, puisque

∂I

∂γ =

(y − xy)(x − y)

(y(γ + x − γx) + x − y)2 ≥ 0.

L’influence de γ est bien plus importante pour de faibles valeurs de x et y que pour de fortes valeurs. En effet, y(γ + x − γx) apparaît être de l’ordre de y x (respectivement y (γ + x) pour de fortes valeurs (respectivement faibles) de x et y. Ainsi, si γ1>> γ2, on a γ1

γ1 >> γ2

γ2. De fortes valeurs de γ associées à de faibles valeurs de (x,y) résultera une grande valeur de I, voir Tab. 2.5pour des exemples.

γ 0.5 2 5 IHγ(a,b) 0.93 0.94 0.96 IHγ(a,c) 0.20 0.26 0.33 IHγ(a,d) 0.10 0.13 0.17 IHγ(b,c) 0.21 0.28 0.37 IHγ(b,d) 0.10 0.14 0.20 IHγ(c,d) 0.16 0.64 0.80

Tab. 2.5: Exemples d’implications de Hamacher, où a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et d = 0.10.

• Dombi:

2.2. Mesures de caractérisation 53

lim

γ→+∞I(x,y) = y, tandis que lim

γ→0I(x,y) = 1 quels que soient (x,y) ∈ [0,1]2. Contraire-ment à la famille de Hamacher, IDγ est non croissante avec γ

∂I

∂γ ≤ 0.

En somme, diminuer la valeur de γ de la famille de Dombi a le même impact que l’augmenter pour la famille de Hamacher, donnant une tendance opposée pour les valeurs du Tab.2.6. Bien que les deux familles présentent un comportement opposé, ici encore, l’influence de γ sur la valeur d’implication de faibles valeurs est plus importante que pour de fortes valeurs.

γ 0.25 0.75 2 IDγ(a,b) 1.00 0.96 0.85 IDγ(a,c) 0.74 0.22 0.20 IDγ(a,d) 0.42 0.10 0.10 IDγ(b,c) 0.80 0.23 0.20 IDγ(b,d) 0.47 0.10 0.10 IDγ(c,d) 0.98 0.24 0.11

Tab. 2.6: Exemples d’implications de Dombi, où a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et d = 0.10.

• Yager :

Ici, à l’instar de la famille de Dombi, diminuer la valeur de γ rend deux valeurs floues plus similaires, puisque lim

γ→+∞IYγ(x,y) = x, tandis que lim

γ→0IYγ(x,y) = 1 quels que soient (x,y) ∈ [0,1]2. On trouve facilement que

∂I

∂γ ≤ 0.

impliquant que IYγ est non croissante avec γ. Ces résultats sont confirmés par le Tab.2.7. On retrouve une nouvelle fois que la valeur de l’implication de faibles valeurs est fortement dépendante de γ, ce qui n’est pas le cas pour de fortes valeurs.

γ 0.5 1 2 IYγ(a,b) 0.99 0.95 0.86 IYγ(a,c) 0.74 0.35 0.21 IYγ(a,d) 0.68 0.25 0.11 IYγ(b,c) 0.80 0.40 0.22 IYγ(b,d) 0.74 0.30 0.12 IYγ(c,d) 0.99 0.90 0.58

Tab. 2.7: Exemples d’implications de Yager, où a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et d = 0.10.

• Frank:

Cette fois-ci, diminuer la valeur de γ rend deux valeurs floues moins similaires, dans la mesure où lim

γ→+∞IFγ(x,y) = 1 − x + y, tandis que lim

γ→0FYγ(x,y) = x quels que soient (x,y) ∈ [0,1]2. Après quelques calculs, on trouve que

∂IFγ ∂γ ≥ 0.

La famille d’implications IFγ est donc non décroissante avec γ. La valeur de l’implication de fortes valeurs est peu modifiée par γ, alors que la valeur de l’implication de faibles valeurs varie plus en fonction de γ, voir Tab. 2.8.

γ 0.1 5 10 IFγ(a,b) 0.93 0.94 0.95 IFγ(a,c) 0.21 0.26 0.27 IFγ(a,d) 0.10 0.13 0.14 IFγ(b,c) 0.21 0.28 0.30 IFγ(b,d) 0.10 0.14 0.16 IFγ(c,d) 0.30 0.64 0.69

Tab. 2.8: Exemples d’implications de Frank, où a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et d = 0.10.

• Dubois-Prade:

Ici, diminuer la valeur de γ rend deux valeurs floues moins similaires, puisque lim

γ→0IDPγ(x,y) = y, tandis que lim

γ→1FYγ(x,y) = y/x quels que soient (x,y) ∈ [0,1]2. Le calcul de la dérivée apporte deux résultats intéressants. Si γ ≤ x, alors

∂IDPγ ∂γ = 0.

l’implication IDPγ est donc constante quel que soit γ, résultat que l’on retrouve dans Tab.

2.9pour les deux premières colonnes, et hormis la dernière ligne, où γ ≥ a. Inversement, si γ ≤ x,

∂IDPγ ∂γ =

y x ≥ 0.

c’est le cas de la dernière ligne et de la dernière colonne du Tab.2.9.

γ 0.3 0.5 0.9 IDPγ(a,b) 0.80 0.80 0.84 IDPγ(a,c) 0.20 0.20 0.21 IDPγ(a,d) 0.10 0.10 0.11 IDPγ(b,c) 0.20 0.20 0.22 IDPγ(b,d) 0.10 0.10 0.11 IDPγ(c,d) 0.15 0.25 0.45

Tab. 2.9: Exemples d’implications de Dubois-Prade, où a = 0.85, b = 0.80, c = 0.20 et d = 0.10.

En conclusion, deux grandes tendances se dégagent des implications paramétriques en fonction de l’évolution du paramètre γ. On constate que les implications de Hamacher, Frank et Dubois-Prade rendent deux valeurs plus similaires lorsque γ augmente, alors que les implications de Dombi et Yager présentent le comportement inverse : il faut diminuer γ pour rendre deux valeur plus similaires.