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Vers l’identification des galaxies hôtes et des progéniteurs

1.4. Bilan des observations

1.4.3. Vers l’identification des galaxies hôtes et des progéniteurs

— Galaxies hôtes —

La détection d’une rémanence permet souvent d’identifier une galaxie à la position du sursaut. Les mesures de redshift de la rémanence (par raies d’absorption) et de la galaxie (par raies d’émission)

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Figure 1.19.: Rémanences observées Swift : une couverture temporelle sans

interrup-tion. Gauche : courbes de lumière de 12 sursauts observés par Swift avec successivement l’émission

prompte gamma (observée par l’instrument BAT, t . 10 s), la rémanence précoce en X (observée

par l’instrument XRT, 10 s . t . 1000 s), suivie de la rémanence tardive (t & 1000 s). Avant le lancement de HETE-2 et Swift, les observations de rémanence débutaient quelques heures après l’émission gamma ; trop tard pour voir toutes les structures complexes présentes aux temps précoces. [origine :Mangano et al. (2006)] Droite : vue schématique de la courbe de lumière typique (prompt + rémanence) d’un sursaut. Voir le corps du texte pour plus de commentaires.

concordent souvent, confirmant que cette dernière en est bien l’hôte (comme ce fut le cas pour GRB 970508, premier sursaut pour lequel le redshift de la rémanence a pu être mesuré). Il y a donc deux méthodes pour mesurer le redshift d’un sursaut : soit directement sur la rémanence, soit par identifi-cation de la galaxie hôte. Pour beaucoup de sursauts, surtout les courts, le flux de la rémanence est trop faible pour réaliser un spectre, l’identification de la galaxie hôte reste le seul recours possible.

Depuis 15 ans, l’exploitation de cette association nous renseigne aussi bien sur la nature des sursauts que sur celle des galaxies à grand redshift (voir la mosaïque de galaxies hôtes de sursauts longs présentée en Fig. 1.20). Les statistiques montrent que les sursauts longs sélectionnent uniquement les galaxies qui forment des étoiles (Christensen et al. 2004; Savaglio et al. 2009). De plus lorsque la résolution spatiale est suffisante, il semble que les sursauts longs tracent de manière privilégiée, au sein d’une galaxie, les régions à forte concentration d’étoiles jeunes (Bloom et al. 2002;Fruchter et al. 2006).

A contrario les sursauts courts ne semblent pas sélectionner une classe particulière de galaxies (Nakar 2007). Ils peuvent en particulier avoir lieu dans des galaxies à faible activité de formation stellaire (Berger 2009), de type elliptiques (e.g. GRB 050509B,Gehrels et al. 2005). De plus les galaxies hôtes de sursauts courts qui ont une activité de formation d’étoiles possèdent également une population d’étoiles vieilles (& 1 milliard d’années, e.g. GRB 050709, Covino et al. 2006, GRB 051221A, Soderberg et al. 2006). Enfin lorsque la localisation est suffisamment précise, les sursauts courts ne semblent pas tracer les régions principales de formation d’étoiles (e.g. GRB 050709,Fox et al. 2005). Il semble même que les sursauts courts puissent avoir lieu à l’extrême périphérie de leur galaxie (voir par exemple les données présentées dansTroja et al. 2008).

Ces différents éléments plaident clairement en faveur de progéniteurs différents pour les sursauts longs et les sursauts courts.

Figure 1.20.: Mosaïque de galaxies hôtes de sursauts longs. Les observations ont été faites par le Hubble Space Telescope. [origine : Fruchter et al. (2006)]

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Figure 1.21.: Association de GRB 030329 avec une supernova de type Ic. Gauche : évolution spectrale de la rémanence au cours du temps (de haut en bas), avec apparition progressive du spectre de la supernova. Droite : comparaison du spectre obtenu après soustraction du continuum (i.e. la rémanence du sursaut), avec celui de SN 1998bw (premier cas de supernova détecté en coïncidence avec un sursaut – GRB 980425). [origine : Stanek et al. (2003)]

— Progéniteurs —

Il est désormais bien établi que les sursauts longs (au moins pour une partie d’entre eux) sont liés à l’effondrement gravitationnel d’étoiles massives. En effet, dans quelques cas, la présence d’une supernova de type Ib/Ic – produite par effondrement de coeur d’une étoile de type Wolf-Rayet – a pu être confirmée de manière spectroscopique (le meilleur cas est celui de GRB 030329 détecté par HETE-II, voir Fig. 1.21). Dans d’autres cas, des bumps sont observés dans la courbe de lumière en optique, plusieurs jour après l’émission prompte gamma. De tels bumps sont souvent soupçonnés être la signature d’une supernova ; malheureusement le flux est alors trop faible pour espérer une confirmation spectroscopique (voir par exemple le cas de GRB 020405, Price et al. 2003). La plupart des sursauts, dont l’association avec une supernova est fiable, se trouvent être singulièrement sous-lumineux (Eiso = 1048− 1050 erg ; alors que l’énergie typique d’un sursaut est Eiso = 1052 erg) et à faible redshift par rapport à l’ensemble de la population (GRB 030329 et GRB 101219B sont des exceptions avec des énergies Eiso ≃ 9 1051 et 4 1051 erg, Hjorth et al. 2003; Sparre et al. 2011). Il est donc possible de s’interroger sur le caractère général (ou non) de cette association « sursaut long – SNIb/c ». Cependant cette sélection de sursauts peu lumineux pourrait simplement être le fait d’un biais observationnel : (i) le niveau en flux d’une rémanence étant peu ou prou proportionnel à l’énergie libérée dans l’émission prompte gamma, un sursaut trop énergétique aura tendance à produire une rémanence suffisamment brillante pour masquer toute signature éventuelle de supernova (ii) les sursauts brillants sont des évènement plus rares ; ils sont donc, en moyenne, détectés à plus haut

L’identité des progéniteurs de sursauts courts reste plus incertaine. En dehors de l’effondrement gravitationnel des étoiles massives, le principal mécanisme pouvant conduire à la formation d’un trou noir stellaire accrétant est la coalescence d’un système binaire de deux étoiles à neutrons ou d’une étoile à neutrons et d’un trou noir. La majorité de la communauté scientifique s’accorde pour associer les sursauts courts à de tels progéniteurs. D’un point de vue observationnel, cette idée est en accord avec le fait que les sursauts courts ne sélectionnent pas un type de galaxies en particulier (contrairement aux sursauts longs). En effet le délai entre la formation du système binaire et sa coalescence est au minimum de quelques centaines de millions d’années (Kalogera et al. 2004) – il est de l’ordre de 300 millions d’années pour le pulsar deHulse & Taylor (1975). Ceci peut donc déconnecter les sursauts courts de la formation d’étoiles. Ces délais importants peuvent également expliquer la position très excentrée de certain sursauts courts par rapport au centre de leur galaxie hôte (voir par exemple les données présentées dans Troja et al. 2008). Ces décalages peuvent être reliés à la distance parcourue entre la formation et la coalescence de la binaire compacte. En effet, les supernovae donnant naissance aux objets compacts pourraient communiquer une vitesse élevée (100−1000 km · s−1d’après la distribution en vitesse des pulsars de la Voie Lactée ; voir par exemple Hobbs et al. 2005) au système binaire. L’incertitude à ce sujet reste grande : il faut en effet que le système reste gravitationnellement liés après deux explosions de supernovae. Une autre option pourrait être d’invoquer la formation « dynamique » de binaires au sein d’amas globulaires (Grindlay et al. 2006), eux même répartis dans un grand halo galactique (voir Church et al. 2011 pour une récente discussion à ce sujet). Un moyen de confirmer (resp. d’exclure) les binaires compactes comme progéniteur des sursauts courts (au moins une partie d’entre eux) serait de détecter (ou d’exclure) un signal d’ondes graviationnelles caractéristique d’une coalescence. Par exemple, Abbott et al. (2008) montrent que les observations de LIGO permettent d’exclure un scénario de coalescence pour GRB 070201, un sursaut court dont la position céleste coïncide avec la galaxie d’Andromède (M31), en supposant que ce sursaut est physiquement associée à M31 distante de ≃ 780 kpc. Malheureusement la distance de l’évènement n’a pu être mesurée et notre connaissance de la distribution en redshift des sursauts courts rend très peu probable qu’il ait réellement eu lieu dans M31 (voir égalementAbadie et al. 2012bpour une étude similaire portant sur GRB 051103, sursaut court dont la position coïncide avec M81 distante de 3.6 Mpc).

— Des sursauts courts plus proches que les sursauts longs —

Le redshift médian des sursauts détectés par Swift est plus élevé pour les longs (z ≃ 2.5, e.g. Jakobsson et al. 2006; Daigne et al. 2006) que pour les courts (z ≃ 0.4, e.g. O’Shaughnessy et al. 2008). Ceci est vraisemblablement dû au effets de sélection observationnelle suivants :

– Même si les sursauts longs et courts ont des luminosités équivalentes les sursauts courts sont moins énergétiques et plus durs. A un même redshift : (i) le flux de photons reçus d’un sursaut court est donc plus faible, ce qui limite la probabilité de détection ; (ii) le nombre total de photons reçus est beaucoup plus faible, conduisant à une localisation de l’évènement plus grossière, ce qui complique la recherche d’une rémanence ou d’une galaxie hôte.

– La rémanence des sursauts courts est bien plus faible que celle des sursauts longs : les mesures de redshift passent donc obligatoirement par l’identification de la galaxie hôte, dont le redshift est mesuré par raies d’émission. A l’inverse pour les sursauts longs le redshift (notamment pour les valeurs les plus élevées) est souvent mesuré par raies d’absorption détectés dans le spectre de la rémanence – lorsque l’on se restreint aux mesures par raies d’émission de la galaxie hôte, le

redshift médian des sursauts longs retombe à z & 0.5 (e.g.Wanderman & Piran 2010), proche de

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