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6. A la recherche de l’émission thermique 159

6.1.2. Des détections marginales

— Obs. (i) une pente α proche de ≃ +1 au début de certains sursauts —

L’une des premières indication d’une éventuelle composante thermique provient de pentes spectrales à basse énergie α très dures, proches de la pente de Rayleigh-Jeans +1, observées dans une dizaine de sursauts détectés par BATSE (Ghirlanda et al. 2003). La pente α dans ces sursauts est proche de +1 surtout au début de l’émission prompte, puis s’amollit progressivement atteignant à la fin une valeur plus standard α ≃ −0.5 → −1 (voir l’exemple de GRB 911118 en figure6.1). Notons cependant qu’au dessus de l’énergie de pic, en revanche, le spectre ne montre aucun signe d’une coupure exponentielle : le spectre s’étend en loi de puissance avec un indice spectral β typique de l’ensemble des sursauts (β ≃ −2 → −3) jusqu’à la limite de détection instrumentale. Il ne peut donc s’agir d’un pur spectre thermique.

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Figure 6.1.: GRB 911118 – un exemple de sursaut avec une pente α très raide. Haut :

courbe de lumière en nombre de photons par seconde. Milieu : évolution de l’indice spectral basse énergie α. Bas : évolution de l’énergie de pic Ep. Le spectre du sursaut s’amollit au cours du temps via une diminution de α, mais également de Ep. [origine : Ghirlanda et al.(2003)]

— Obs. (ii) une combinaison (corps noir + loi de puissance) ou une fonction de Band ? — Par extension des résultats de Ghirlanda et al. (2003), Ryde (2005) montre que la plupart des spectres de sursauts détectés par BATSE peuvent aussi bien s’ajuster par une fonction de Band que par une combinaison [loi de Planck + loi de puissance] : voir figure 6.2. Ces deux ajustements ont le même nombre de degrés de liberté, mais le second a l’avantage d’être plus « physique » que le premier, la fonction de Band étant purement phénoménologique. Dans une autre étude, toujours fondée sur des spectres obtenus par BATSE, Ryde & Pe’er (2009) montrent que l’évolution temporelle de la température (resp. du flux) de la composante de corps noir suit une loi de puissance brisée d’indices successifs voisins de ≃ 0 puis de ≃ −0.68 (resp. +0.63 et −2).

Cependant les résultats plus récents de Fermi, qui étend notablement la couverture spectrale avec ses deux instruments GBM (8 keV - 40 MeV), et LAT (20 MeV - 300 GeV) par rapport à BATSE (25 keV - 1 MeV), semblent désormais exclure (pour la plupart des sursauts) cet ajustement [loi de Planck + loi de puissance]. La fonction de Band, bien qu’elle soit phénoménologique, donne de bien meilleurs ajustements – avec cependant parfois la nécessité d’y ajouter une loi de puissance additionnelle à haute énergie (dans le domaine du LAT, voir §1.4.1).

Figure 6.2.: Exemple d’ajustements de spectres par une combinaison [loi de Planck + loi de puissance]. Spectres de GRB 950624 et GRB 980306, réalisés par BATSE sur différents intervalles de temps. Des ajustements par une combinaison (loi de Planck + loi de puissance) y sont superposés. [origine : Ryde(2005)]

— Obs. (iii) le cas particulier de GRB 090902B —

Le spectre de GRB 090902B se décompose en une fonction de Band très « piquée », superposée à une loi de puissance (voir le spectre intégré sur toute la durée du sursaut en figure 1.16). Les pentes basse et haute énergie de la fonction de Band varient sur une grande plage, α ≃ −1.3 → +0.07 et

β ≃ −5 → −2.2 (Abdo et al. 2009a). Pour le spectre intégré sur l’intervalle ‘b’, l’ajustement donne

des valeurs α ≃ +0.07 et β ≃ −3.9. De telles pentes peuvent faire penser à une composante thermique dont le spectre de corps noir aurait été élargi par différents effets (Ryde et al. 2010) – par exemple, des effets d’intégration angulaire et temporelle (voir §3.6.4).

Il s’agit d’un cas d’étude très intéressant, mais il convient de noter qu’il reste unique en son genre et ne peut donc pas être considéré comme la norme : dans la majorité des sursauts les spectres dans le domaine du GBM (de 8 keV à 40 MeV) sont convenablement ajustés par une fonction de Band avec des pentes α ≃ −1 et β ≃ −2.5. Dans certains cas, cette fonction de Band ajuste également les données du LAT à haute énergie ; dans d’autres cas l’ajout d’une loi de puissance devient nécessaire, qui semble parfois corrélée à un excès à basse énergie (voir §3.6.4).

— Obs. (iv) une composante de corps noir sous-dominante dans le domaine keV → MeV ? — Enfin l’analyse de GRB 100724B parGuiriec et al.(2011) montre qu’une composante sous-dominante de corps noir (ou proche d’un corps noir) pourrait être présente dans le domaine du keV → MeV. En effet pour ce sursaut particulier l’utilisation d’une combinaison (fonction de Band + corps noir) aug-mente de manière significative la qualité de l’ajustement par rapport à une simple fonction de Band. Cette composante ajustée par un corps noir est largement sous dominante par rapport à la composante de Band (voir figure 6.3), et ne transporte qu’une petite fraction de l’énergie totale : le rapport des fluences est FBB/Ftot = 0.04 ± 0.02. Il reste donc difficile de contraindre sa forme exacte mais il est tentant de l’interpréter comme un corps noir puisqu’une émission photosphérique est attendue dans la majorité des scénarios. Dans ce cas, la température observée T ≃ 38 keV évolue peu (sur des inter-valles d’intégration de quelques secondes) au cours du sursaut. D’autres composantes sous-dominantes

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Figure 6.3.:Ajustement d’une composante de corps noir dans GRB 100724B.Guiriec et al. (2011) proposent d’ajuster le spectre de GRB 100724B par une fonction de Band et un corps noir additionnel. Le sursaut est suffisamment brillant pour suivre l’évolution spectrale avec une résolution de quelques secondes. Gauche : flux de photons gamma reçu dans les canaux basse et haute énergie de Fermi-GBM (panneaux haut et médian). Evolution de l’énergie de pic de la composante de Band et de la température du corps noir (panneau bas). Droite : ajustement du spectre intégré sur la durée du sursaut. La composante de corps noir, qui pique aux alentours de 150 keV, ne contient que quelques pourcents de l’énergie totale.

similaires pourraient être détectées dans d’autres sursauts, tels GRB 110920 (McGlynn et al. 2012) ou GRB 120323 (Guiriec et al., communication privée), avec semble-t-il un rapport FBB/Ftot plus élevé, rendant la détection plus nette. Dans ce dernier cas la fonction de Band a des paramètres parfaitement standard, avec une pente α proche de −1.5 et compatible avec le rayonnement synchrotron en régime

fast-cooling, et une énergie de pic Epcorrélée à l’intensité des pulses. La température évolue également

mais pas de la même manière que Ep.

Il faut noter cependant que la fonction de Band donne une forme phénoménologique, en dehors de toute considération physique. Il est donc normal qu’elle n’offre pas un ajustement parfait des spectres observés, et qu’une brique additionnelle (en l’occurrence deux paramètres supplémentaires pour une loi de Planck) permette d’améliorer les choses.