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2. Discussion autour du scénario standard 35

2.3. Moteur central - Ejection relativiste

2.3.1. Progéniteur

2.3.3. Annihilation ν ¯ν. . . . 41 2.3.4. Médiation magnétique . . . 41

2.4. Accélération de l’écoulement – Rayon de transparence . . . . 42

2.4.1. Rayon photosphérique . . . 42 2.4.2. Accélération thermique . . . 43 2.4.3. Accélération magnétique. . . 43

2.5. Émission prompte . . . . 45

2.5.1. Contraction relativiste de l’information . . . 45 2.5.2. Chocs internes . . . 45 2.5.3. Reconnexion magnétique. . . . 47 2.5.4. Emission photosphérique . . . 48 2.6. Émission rémanente. . . . . 50 2.6.1. L’environnement extérieur . . . 50 2.6.2. Dynamique du freinage . . . 51 2.6.3. Modèle du choc avant . . . 52 2.6.4. Modèle du choc en retour . . . 53

Durant ces 15 dernières années (depuis la preuve formelle, fournie par BeppoSAX, de l’origine cosmo-logique des sursauts), différents développements théoriques ont progressivement mené à la constitution d’un « scénario standard ». Il ne s’agit pas d’un modèle standard au sens de la physique des particules, mais plutôt d’un schéma global, d’un cadre de travail, sur lequel une grande partie de la communauté scientifique s’accorde ; mais chaque étape du scénario fait toujours, de nos jours, l’objet d’intenses débats. Ce scénario standard repose sur l’émission d’un jet de matière ultra-relativiste, au préalable produit suite à la formation d’un objet compact. En raison des petites échelles de variabilité obser-vées dans les courbes de lumière gamma (. 10 ms), l’émission prompte doit être produite par des mécanismes internes au jet (sans intervention du milieu extérieur), tandis que l’émission rémanente est attribuée à la décélération du jet relativiste par le milieu environnant.

2.1. Schéma global

La figure 2.1schématise les principales phases d’un sursaut gamma dans le cadre standard.

1. Formation du moteur central (disque d’accrétion autour d’un trou noir), suite à l’effondrement d’une étoile massive ou la coalescence d’une binaire compacte.

2. Le jet de matière, produit par le moteur central, est accéléré à des facteurs de Lorentz supérieurs à 100.

3. L’éjecta devient transparent au rayonnement ; une émission quasi-thermique peut éventuellement être libérée (on parle d’émission photosphérique).

4. Dissipation interne d’énergie au sein du jet (sans intervention du milieu extérieur). Des particules accélérées durant cette phase émettent le rayonnement gamma de l’émission prompte.

5. Un choc en retour se propage dans l’éjecta relativiste lorsque le freinage du jet relativiste par le milieu extérieur devient significatif.

6. Une discontinuité de contact se forme à l’interface entre l’éjecta traversé par le choc en retour et le milieu extérieur choqué.

7. Un choc avant externe balaye le milieu extérieur. L’énergie dissipée durant cette phase de décé-lération est responsable de l’émission rémanente.

8. Lorsque le facteur de Lorentz a suffisamment diminué, l’expansion latérale du jet devient signi-ficative et l’éjecta tend vers un régime non relativiste.

Chaque étape est discutée plus en détails dans les paragraphes suivants.

Remarque préliminaire : Durant la suite de ce manuscrit, les facteurs de Lorentz macroscopiques considérés étant très supérieurs à l’unité, on adoptera pour la vitesse v du fluide l’approximation :

β = v

c ≃ 1 − 1

2 (2.1)

2.2. Bilan énergétique global – efficacité

La question du bilan énergétique global est un point central de la physique des sursauts. Lors de la formation d’un objet compact stellaire, une grande quantité d’énergie gravitationnelle est libérée (≃ 1054erg). Mais ce réservoir d’énergie ne peut pas être directement converti en rayonnement gamma. Pour un scénario donné, à chaque grande étape, des facteurs d’efficacité doivent être pris en compte. La table 2.1 donne une estimation des réservoirs d’énergies disponibles en fonction des principales caractéristiques des différentes types de progéniteurs attendus, c’est à dire l’effondrement d’une étoile massive en trou noir (collapsar), la coalescence de deux étoiles à neutrons (NS-NS), la coalescence d’un trou noir et d’une étoile à neutrons (NS-BH), la formation d’un magnétar.

2.2 Bilan énergétique global – efficacité 37

Figure 2.1.:Schéma du scénario théorique proposé pour les sursauts gamma. Le logarithme de la distance (en mètres) par rapport à la source centrale est indiqué sur le bord supérieur du jet.

Collapsar Merger Magnétar

Mco 5 → 15 M 2.5 → 10 M 1.5 M

rotation a = 0.2 → 0.8 a = 0.5 → 1 P ≃ 1 ms

Erot .5.2 × 1054(M/10 M) erg .2.6 × 1054(M/5 M) erg 2 × 1052 erg (P/1 ms)−2

Mdisk &10 M 10−3 → 0.1 M 1 M?

Eacc .8 × 1054(Mdisk/10 M) erg .8 × 1052(Mdisk/0.1 M) .4 × 1053erg

Table 2.1.: Réservoirs d’énergie disponible pour les différents types de progéniteurs.

La nature (trou noir, ou étoile à neutrons pour le scénario magnétar), la masse Mco et la vitesse de rotation initiales de l’objet compact formé vont déterminer l’énergie de rotation Erot disponible. Pour un trou noir, elle vaut Erot= f(a)Mcoc2, a = Jc/GM2

co= 0 → 1 et f(a) croit de f(0) = 0 (pas de ro-tation) à f(1) = 0.29 (rotation maximale). Pour une étoile à neutrons de compacité GMco/Rc2= 0.2, l’énergie de rotation vaut Erot ≃ 4 × 10−2(PK/P )2Mcoc2, où P est la période de rotation et PK est la période képlérienne à la surface de l’étoile (valeur maximale de P ). En principe la totalité de l’énergie de rotation peut être extraite, par le mécanisme de Blandford & Znajek (1977) pour un trou noir et par l’effet pulsar pour une étoile à neutrons. La nature de l’objet central et la masse du disque Mdisk vont déterminer l’énergie Eacc = ηaccMdiskc2 que l’on peut extraire par accrétion. Pour un trou noir ηacc varie de 0.06 pour a = 0 (pas de rotation) à a = 0.42 (rotation maximale) (e.g. Shapiro & Teukolsky 1983). Pour une étoile à neutrons ηaccvaut ≃ 0.1(2−PK/P )2(e.g.Sunyaev 2001). Au total le réservoir d’énergie disponible Esourceest considérable mais varie cependant notablement selon le progéniteur envisagé, de quelques 1052 à quelques 1054 erg.

— Efficacité du processus d’éjection —

La première étape critique est la formation initiale de l’écoulement (section 2.3) qui nécessite de déposer une grande quantité d’énergie dans une masse de baryons très faible. L’énergie Eflow,0 déposée dans cet écoulement est une fraction ηejde l’énergie disponible Esource. Cette efficacité ηej dépend du processus d’éjection : elle est très faible pour une éjection poussée par l’annihilation ν ¯ν (voir §2.3.3) et est attendue beaucoup plus élevée pour les mécanismes magnétiques (voir §2.3.4) : voir table2.2. Notons en toute rigueur que l’annihilation ν ¯ν ne peut extraire que le réservoir Eacc, ce qui diminue encore l’efficacité.

thermique (ν ¯ν) magnétique

ηej .0.01 0.1 → 1

Table 2.2.: Efficacité du processus d’éjection.

L’énergie peut être déposée dans l’écoulement sous forme thermique (fraction ǫth) ou magnétique. On a alors :

Eflow,0 = Eth

flow,0+ Emag

flow,0, (2.2)

avec Eth

flow,0 = ǫthEflow,0 et Emag

flow,0 = (1 − ǫth)Eflow,0. Les deux cas extrêmes correspondent à une magnétisation initiale nulle (ǫth= 1, « fireball ») ou une éjection purement électromagnétique (ǫth= 0, Lyutikov & Blandford 2003). Des situations intermédiaires sont bien sûr possibles et même probables. La phase d’accélération du jet (section2.4) est moins critique du point de vue du budget énergétique, l’énergie totale du système étant globalement conservée (évolution adiabatique). Pendant cette phase d’accélération, une fraction de l’énergie thermique et/ou de l’énergie magnétique doit être convertie en énergie cinétique. Il peut également y avoir une conversion d’énergie magnétique en énergie thermique par reconnexion magnétique. A la fin de l’accélération, à un rayon Raccqui sera défini à la section2.4, il y a donc trois réservoirs d’énergie, thermique Eth

flow,acc, magnétique Emag

flow,acc et cinétique Ekin flow,acc :

Eflow,0 = Eth

flow,acc+ Emag

flow,acc+ Ekin

flow,acc. (2.3)

Le poids relatif des ces trois réservoirs varie selon les processus d’éjection et d’accélération. On définit la magnétisation de l’éjecta à la fin de la phase d’accélération par

σ = Eflow,accmag /Eflow,acckin . (2.4)

La fraction Eth

flow,acc/Eflow,0 est faible (sinon l’accélération ne serait pas terminée), mais a priori non nulle ce qui aura son importance lorsque nous discuterons l’émission photosphérique (voir chapitre6). En l’absence de processus dissipatif (ondes de choc, reconnexion) et de freinage par le milieu extérieur, l’éjecta une fois accéléré évolue avec des réservoirs cinétique et magnétique à peu près constants, alors que le réservoir thermique continue à décroître par expansion adiabatique (Eth

flow∝ R−2/3). — Efficacité de la dissipation interne responsable de l’émission prompte —

La seconde étape critique est la conversion de l’énergie du jet ultra-relativiste en rayonnement (prin-cipalement dans le domaine gamma), à grande distance de la source centrale (section2.5). L’efficacité de la conversion des trois réservoirs d’énergie en rayonnement est définie par

ηγ = Erad

Eflow,0 = (

ηrad× ηdiss pour lémission photosphérique

ηrad× ǫe× ηdiss pour les chocs internes et la reconnection magnétique , (2.5) où Erad est l’énergie totale rayonnée pendant la phase prompte. Comme l’émission gamma au MeV semble la composante dominante, on a Erad &Eγ. L’efficacité radiative ηrad et l’efficacité dissipative

ηdiss dépendent du mécanisme dominant pendant la phase prompte. Les trois principales possibilités sont discutées ci-dessous :

– La composante thermique est libérée sous forme de rayonnement à la photosphère. L’efficacité radiative vaut ηrad = 1 (toute l’énergie interne disponible à la photosphère est rayonnée), mais du fait l’expansion adiabatique le réservoir disponible ne vaut qu’une fraction ηdiss= (Rph/Racc)−2/3

de l’énergie Eth

flow,acc (voir section 6.2). Le rayon Rph de la photosphère sera estimé section2.4. – La composante cinétique peut être dissipée par des chocs internes (§2.5.2) uniquement si

l’écou-lement est faibl’écou-lement magnétisé à la fin de l’accélération (i.e. σ . 1). La fraction ηdissde l’énergie cinétique qui peut être extraite dépend de l’amplitude des fluctuations du facteur de Lorentz

2.2 Bilan énergétique global – efficacité 39

photosphère chocs internes reconnexion magnétique

ηdiss (Rph/Racc)−2/3≃ 10−3− 0.3 ≃ 0.1 − 0.2 .0.5

ǫe - .1/3 .1

ηrad 1 ≃ 1 ≃ 1

ηγ = ηdissǫeηrad (Rph/Racc)−2/3≃ 10−3− 0.2 0.03 − 0.07 .0.5

Table 2.3.: Efficacité du mécanisme de dissipation interne responsable de l’émission prompte.

(§2.5.2). Seul une fraction ǫe de cette énergie dissipée est injectée dans des électrons relativistes (voir §2.7). Pour pouvoir reproduire la variabilité à courte échelle dans la courbe de lumière, ces électrons doivent forcément rayonner avec une grande efficacité radiative ηrad.

– La composante magnétique peut être dissipée par reconnexion (§2.5.3). L’efficacité ηdiss est po-tentiellement très élevée. Les détails du processus sont très mal connus mais il est possible qu’une grande fraction de cette énergie dissipée soit injectée dans les électrons. Comme pour les chocs internes, ces électrons doivent être radiativement efficaces pour expliquer la variabilité observée. Des scénarios combinant une émission photosphérique et une dissipation cinétique ou magnétique sont a priori envisageables. Par contre les mécanismes de dissipation magnétique et cinétique s’excluent l’un l’autre : si la composante magnétique domine, la formation de chocs internes est inhibée (Mimica & Aloy 2010;Narayan et al. 2011).

— Géométrie de l’éjecta —

L’éjecta relativiste des sursauts est vraisemblablement focalisé (voir §1.5.4). L’énergie réellement rayonnée Erad doit donc être corrigée par rapport à l’énergie apparente mesurée Erad,iso d’un facteur

ηb= 1 − cos θj≃ θj2/2 ≃ 4 10−3j/5°)2, (2.6)

où θj ≤ π/2 est le demi-angle d’ouverture du jet (en supposant qu’un contre-jet est également émis par la source centrale).

— Bilan total —

Au final, en prenant en compte toutes les efficacités mentionnées ci-dessus, on obtient

Esource= ηb

ηγηejErad,iso. (2.7)

Plusieurs situations sont donc possibles :

– Scénario photosphérique : si le champ magnétique joue un rôle négligeable et que l’émission pho-tosphérique est dominante, l’efficacité ηej est faible (annihilation ν ¯ν) mais l’efficacité dissipative

ηγ peut être très élevée. Le bilan est donc

Esource= 2 × 1052 erg ηγ 0.2 −1 ηej 0.01 −1 ηb 0.004   Erad,iso 1052 erg  .

– Scénario magnétique : si la magnétisation initiale est très élevée, toutes les efficacités sont poten-tiellement assez élevées, ce qui conduit à

Esource= 2 × 1050 erg ηγ 0.5 −1ηej 0.5 −1 ηb 0.004   Erad,iso 1052 erg  .

Malheureusement ce scénario, le plus « économique », reste très incertain puisque les détails des mécanismes ne sont pas connus.

– Scénario « chocs internes » : dans le cas le plus favorable d’une accélération magnétique, l’efficacité

ηej peut être assez élevée, mais l’efficacité dissipative ηγ est par contre faible, d’où

Esource= 2 × 1051 erg  ηγ 0.05 −1ηej 0.5 −1 ηb 0.004   Erad,iso 1052 erg  .

L’efficacité totale est donc très différente d’un scénario à l’autre mais dans tous les cas, les réservoirs d’énergie disponible au niveau de la source centrale semblent suffisants (voir table2.1), sauf peut-être pour les magnétars dans le cas des sursauts les plus brillants.

2.3. Moteur central - Ejection relativiste

2.3.1. Progéniteur

— Effondrement d’une étoile massive – collapsar —

Comme expliqué en Sect.1.4.3le progéniteur des sursauts longs est très probablement un collapsar, l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive de type Wolf-Rayet (e.g. MacFadyen & Woosley 1999). Cet évènement donnerait naissance au « moteur central » du sursaut : un disque d’accrétion épais en rotation rapide autour d’un trou noir de masse stellaire.

Comme on l’a vu au §1.4.4, le taux des sursauts longs est vraisemblablement très inférieur à celui des SNIb/c. Il faut donc qu’une étoile massive en fin de vie remplissent des conditions particulières pour produire un sursaut gamma – deux propriétés pourraient être particulièrement favorables :

– La conservation d’un grand moment angulaire, ce qui a tendance à défavoriser les étoiles à forte métallicité qui, arrivées en fin de vie, perdent une grande partie de leur moment angulaire via des vents stellaires intenses (e.g. Woosley & Heger 2006).

– Une enveloppe stellaire de faible masse pour faciliter la sortie du jet responsable du sursaut gamma (e.g.Bromberg et al. 2011).

Ces deux points sont dans une certaine mesure contradictoires et la configuration nécessaire à la formation d’un sursaut long reste une question très ouverte.

— Coalescence d’une étoile à neutrons avec une autre étoile à neutrons ou un trou noir — Dans le cas des sursauts courts, de manière plus incertaine, l’évènement déclencheur pourrait être la coalescence d’une binaire compacte (2 étoiles à neutrons ou 1 étoile à neutrons + 1 trou noir, e.g. Rosswog et al. 1999).

— Formation d’un magnétar —

Un modèle alternatif (à la fois pour les sursauts longs et courts) également très étudié invoque la formation d’un proto-magnétar (Usov 1992; Metzger et al. 2011) – étoile à neutrons fortement magnétisée, avec un moment angulaire initialement très élevé. Ce type d’objet pourrait être produit par : l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive ; l’effondrement gravitationnel d’une naine blanche induit par accrétion de matière provenant d’une étoile compagnon (au lieu d’une explosion nucléaire,Nomoto & Kondo 1991) ; la coalescence de deux naines blanches (e.g.Yoon et al. 2007), ou même peut-être de deux étoiles à neutrons (Gao & Fan 2006). Cependant, ce scénario a le désavantage de produire un moteur central disposant d’un réservoir d’énergie plus faible (voir section2.2).