• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : De la préparation d’échantillon à l’analyse des protéines

1.1. Extraction des protéines

1.1.1. Extraction solide/liquide

1.1.1.3. Verrous

Du fait de l’hétérogénéité des matrices biologiques et environnementales, l’extraction des protéines par solvant reste une étape limitante, surtout lors de l'étude des milieux hétérogènes tels que les matrices biologiques ou environnementales. De manière générale, dans ce type de milieu les protéines se trouvent dans leur état natif, associées à d’autres molécules de même nature ou ancrées aux membranes cellulaires. Or, une cellule (procaryote ou eucaryote) contient une multitude de composés endogènes souvent à des concentrations bien plus importantes que les protéines recherchées. En outre, un très grand nombre de protéines sont hydrophobes, insolubles dans les tampons d’extraction et donc difficiles à extraire (Cañas et al., 2007).

Le principal verrou lié à l’étude du protéome dans des échantillons biologiques correspond à la présence de protéines très abondantes qui peuvent interagir avec les marqueurs protéiques présents à de très faibles concentrations. Telle que démontrée par Granger et al. (2005), après déplétion de l’albumine, la concentration des protéines d’intérêt contenues dans un échantillon de plasma humain a diminué drastiquement, mettant en évidence la perte des protéines faiblement abondantes (Granger et al., 2005). La figure 31 représente un gel d’électrophorèse bidimensionnel d’un échantillon de plasma humain. Les résultats montrent bien la complexité de ce fluide biologique avant déplétion des protéines les plus abondantes.

63 Figure 31. Détection sur gel d’électrophorèse bidimensionnelle des protéines les plus

abondantes dans le plasma humain (Jiang et al., 2004)

Outre les problèmes liés aux protéines majoritaires et autres constituants, la préparation de l’échantillon doit également permettre de détecter des protéines à l’état de traces. Cette difficulté concerne notamment les matrices environnementales telles que les sols où les protéines représentent entre 70 et 80 % de l’azote organique total (0,40 – 20,4 g. kg−1

), soit environ 0,2 mg de protéines totales pour 1 g de sol (Greenfield, 1972). Les particularités de la matrice sol rendent par ailleurs difficile l’extraction ainsi que la purification des extraits protéiques (Gobat et al., 2010). En effet, la composition géochimique (argile, matières organiques dont les acides humiques), l’hétérogénéité et les paramètres physicochimiques (granulométrie, porosité, température, pH, teneur en eau) sont des facteurs extrêmement variables d’un sol à autre. Dans ce cas, les protéines se trouvent généralement adsorbées aux particules colloïdales, argileuses ou aux substances humiques (Kiss et al., 1975; Schmidt and Martínez, 2016), avec lesquelles elles mettent en jeu de nombreuses interactions ioniques, hydrogènes et hydrophobes (Tomaszewski et al., 2011; Yu et al., 2013a). Une fois encapsulées ou piégées dans ces systèmes, les protéines résistent aux variations physicochimiques de

Albumine

IgG chaînes lourdes

IgG chaînes légères Sérotransferrine Séparation selon le pH pa rat io n se lo n le p oi ds mol écul ai re

64 l'environnement qui ont tendance à les dénaturer, mais n’en deviennent que plus difficiles à analyser (Lähdesmäki et Pnspanen, 1992) (figure 32).

Figure 32. Complexation des enzymes extracellulaires aux composés de sols (Nannipieri et al., 1996)

L’extraction par solvant présente l’avantage de récupérer l’ensemble des protéines présentes dans un milieu donné. Cette technique se heurte cependant à sa non sélectivité lorsque la concentration des marqueurs protéiques d’intérêt est extrêmement faible au regard des protéines les plus abondantes dans le milieu. Face à ces verrous, des techniques d’extraction plus sensibles/ciblées telles que l’immunoextraction est préférentiellement employée.

1.1.2. Extraction par immunoextraction 1.1.2.1. Principe

Les techniques d’immunoextraction reposent sur l’utilisation de supports d’extraction solides sélectifs, sur lesquels sont fixés des anticorps spécifiques dirigés vers les protéines d’intérêt (figure 33). Enzymes extracellulaires Complexe enzyme-substances humiques Humus Complexe enzyme-argiles Argiles Complexe organique-minéral-enzymatique

65 Figure 33. Représentation schématique du principe de l’immunoextraction sur billes

magnétiques et sur support (Płotka-Wasylka et al., 2015)

Cette technique met en jeu des mécanismes de reconnaissance moléculaire entre un anticorps et antigène (représenté dans notre cas pas la protéine). La grande sélectivité du complexe anticorps-protéine permet d’obtenir de manière sélective un extrait pur sur le support et d’éliminer de façon efficace tous les autres composés interférents responsables des effets matrices qui interfèrent avec l’analyse par spectrométrie de masse (Hennion and Pichon, 2003).

L’étape d’élution qui consiste à désorber les molécules cibles est cependant délicate. Elle doit être minutieusement contrôlée afin de ne pas affecter l’intégrité des anticorps immobilisés sur le support. Elle consiste dans la plupart du temps en une variation du pH du milieu afin d’induire une modification de l’état d’ionisation des composés et ainsi perturber les interactions du complexe anticorps-protéine. D’autres méthodes d’élution peuvent être aussi employées. Celles-ci consistent à utiliser des mélanges de solvants hydro-organiques ou encore des agents chaotropes (Godfrey, 1998; Hennion and Pichon, 2003).

1.1.2.2. Applications

Le développement de cette méthode a signé une avancée remarquable dans le domaine médical. À titre d’exemple, Hoofnagle et al. (2008), ont extrait et détecté à des concentrations

Anticorps dirigés contre la protéine cible,

immobilisés sur billes

magnétiques

(1) Percolation (2) Lavage (3) Elution

Anticorps

Complexe anticorps-analyte

Composés interférents

Immunoextraction sur support

Immunoextraction sur billes magnétiques

Incubation Lavage Elution

- Tyhroglbuline (LOD pmol.mL-1) (Hoofnagle et al., 2008)

- β-lactoglobuline et α-lactalbumine du lait (LOD < nmol.mL-1)

- Endomorphine (LOD ng.mL-1); support : silice (Medina-Casanellas et al., 2012)

- Hormones œstrogènes (LOD pg.mL-1) ; support : agarose (Hosogi et al., 2010)

Exemples de biomarqueurs

66 de l’ordre du picomolaire la thyroglobuline (Tg), marqueur tumoral sérique du cancer de la thyroïde (Hoofnagle et al., 2008). De la même façon, l’hormone gonadotrophine humaine (human chorionic gonadotropin, β-hCG), marqueur de grossesse et de dopage, a été détectée dans deux fluides biologiques, urine et plasma humain, par immunocapture sur des billes magnétiques.

Parmi les marqueurs protéiques aujourd’hui détectés par immunoextraction, nous pouvons citer la ricine extraite à partir de la graine de ricin, protéine très toxique d’origine végétale, qui lorsqu’elle est inhalée entraine le décès d’un individu après quelques jours (agent d’attaque bioterroriste préoccupant particulièrement les autorités politiques aujourd’hui(Becher et al., 2007)). Cette méthode repose sur la capture de la protéine cible, qui est ici la ricine, au moyen d’anticorps fixés sur des billes magnétiques activées par la protéine G. La ricine peut être aussi concentrée, après immunoextraction, grâce à un aimant puis hydrolysée par la trypsine libérant ainsi des marqueurs peptidiques, qui sont analysés par spectrométrie de masse.

Cette technique est peu rencontrée dans le domaine de l’environnement. Une liste de marqueurs spécifiques n’est en effet pas disponible à l’heure actuelle. Cependant, elle pourra dans les années à venir parfaitement s’intégrer en aval d’une phase d’extraction par solvant.

1.1.2.3. Verrous

Les techniques d’immunoextraction présentent une très forte spécificité vis-à-vis des molécules d’intérêt. Néanmoins, cette spécificité constitue également leur talon d’Achille, car même si ces techniques sont dotées d’une grande facilité de mise en œuvre, elles ne permettent pas d’accéder à l’ensemble du protéome présent dans une matrice donnée, ce qui limite l’extraction, à un nombre restreint de protéines cibles. De même les coûts liés à la production d’anticorps spécifiques sont relativement élevés.