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1.1. Structure des protéines

1.1.4. Stabilité conformationnelle des protéines

Tous les processus biologiques sont rendus possibles grâce à la stabilité structurale, à la réactivité chimique, mais également à la diversité des protéines. En 2001, Lesk décrit la structure primaire d’une protéine comme des lettres, la structure secondaire comme des mots, la structure tertiaire comme une phrase et enfin sa structure globale comme un texte (M. Lesk,

36 2000). Autrement dit, une déstabilisation de la structure tertiaire, secondaire ou primaire d’une protéine entrainera de ce fait une modification de sa fonction biologique initiale (Elkordy et al., 2008).

Un exemple significatif correspond aux maladies neurologiques, telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie du prion (encéphalopathie spongiforme transmissible ou maladie de Creutzfeldt–Jakob) ou la maladie de Parkinson. En effet, ces pathologies sont liées à un dépôt d’agrégats de protéines, qui bien qu’elles soient initialement solubles, convertissent une partie de leurs hélices α en feuillets β entrainant alors leur agrégation sous forme de protéines amyloïdes insolubles, stabilisées par des liaisons hydrogènes (Apostol et al., 2013; Brundin et al., 2010; Cobb et al., 2007; Eisenberg and Jucker, 2012; Goedert, 2015; Gross, 2000; Kurouski et al., 2015). Il en résulte des plaques amyloïdes (ou plaques séniles) qui induisent une toxicité pour les cellules nerveuses (figure 15).

Figure 15. Illustration du dépôt des plaques amyloïdes dans le cerveau humain, mettant en évidence la formation de feuillets β (la structure secondaire du β-amyloïde est tirée de : (Xiao

et al., 2015)

Ces structures particulières de type amyloïde ont également été observées dans de nombreuses protéines modèles lorsque celles-ci étaient soumises à un changement de température ou de pH. L’α-lactalbumine, par exemple, forme des fibres amyloïdes à pH acide (pH 2) et adopte une conformation intermédiaire appelée molten globule , riche en feuillets β (Dolgikh et al., 1981; Goers et al., 2002; Kurouski et al., 2015; Semisotnov et al., 1991). De façon générale, l’état molten globule est caractérisé par une structure compacte réversible, partiellement dénaturée, qui préserve les mêmes éléments de structures secondaires que l’état

Neurone

Plaques amyloïdes

Coupe du cerveau sain

Dégénérescence neurofibrillaire

Coupe du cerveau malade

37 natif mais dans des proportions variables. En outre, elle perd l’intégrité de sa structure tertiaire (Dolgikh et al., 1981; Ptitsyn, 1995). Cet état peut être différent pour une même protéine en fonction des conditions environnantes, mais également différent d’une protéine à une autre, pour des conditions identiques.

1.1.4.2.Influence du milieu sur l’arrangement des protéines

Les liaisons hydrogènes contribuent significativement à la stabilisation des protéines (Rose and Wolfenden, 1993; Myers and Pace, 1996; Pace, 2009). Ces liaisons s’établissent essentiellement avec les molécules d’eau, entre les chaines latérales polaires (ou chargées) ou encore au niveau du squelette peptidique (formation des hélices α et/ou feuillets β).

En milieu aqueux, les molécules d’eau forment des liaisons hydrogènes avec les chaines latérales polaires des protéines constituant ainsi une « cage » de solvatation qui entoure les protéines (Dill, 1990; Kauzmann, 1959; Rose and Wolfenden, 1993).

L’ensemble des groupements hydrophobes de la protéine est alors enfoui au cœur de la protéine lui conférant ainsi une organisation plus compacte, maintenue par des interactions hydrophobes internes (Lesser and Rose, 1990). De ce fait, les interactions entre les molécules d’eau et les résidus hydrophobes sont moins favorables.

En présence d’un solvant organique, les chaines apolaires des acides aminés vont être dirigées vers l’extérieur de la protéine alors que les chaines polaires ont tendance à réagir entre elles au cœur de la molécule (Dwyer and Bradley, 2000; Khabiri et al., 2013; Shao et al., 2012) (figure 16).

38 Figure 16. Représentation schématique des interactions établies entre une protéine (régions hydrophiles/hydrophobes) et son environnement (hydrophile/hydrophobe) (d'après Marchin

and Berrie, 2003)

1.1.4.3.Dénaturation des protéines

Les protéines sont stables à pH neutre et à température ambiante. À l’inverse, elles peuvent être dénaturées par n’importe quel traitement susceptible de provoquer une rupture des liaisons de faible énergie stabilisant leurs structures secondaires et tertiaires. Parmi ceux-ci, on peut citer une augmentation ou une diminution de la température ou du pH, la présence de fortes concentrations en solvant organique ou de détergents (exemple : le dodécylsulfate de sodium ou SDS) (Voet and Voet, 2016). Ces derniers font partie des agents chimiques les plus utilisés pour dénaturer les protéines. Ils s’associent via des interactions hydrophobes avec les résidus d’acides aminés apolaires et déstabilisent par conséquent les interactions hydrophobes impliquées dans la stabilité de la structure native de la protéine. Celle-ci aura donc tendance à exposer ses motifs apolaires vers l’extérieur et sera ainsi « dépliée ». Le SDS peut jouer ce rôle de dénaturant. C’est en effet un tensioactif anionique constitué d’une chaine hydrocarbonée hydrophobe et une extrémité sulfate chargée négativement lui conférant des propriétés amphiphiles (figure 17).

Surface hydrophobe

Régions hydrophobes Régions hydrophiles

Surface hydrophile

39 Figure 17 Représentation de la structure du dodécylsulfate de sodium (SDS)

Le SDS se lie aux protéines avec un ratio de 1,4 g SDS/g protéine (w/w) (Reynolds and Tanford, 1970). Il établit des interactions hydrophobes avec les chaines latérales des résidus d’acides aminés apolaires via sa partie hydrocarbonée, entrainant ainsi une dénaturation de la structure tertiaire de la protéine (Tejaswi Naidu and Prakash Prabhu, 2011).

D’autres agents dénaturants ou chaotropes tels que l’urée déstabilisent la structure protéique en formant des liaisons hydrogènes avec les protéines (groupements NH ou CO) et ont donc tendance à remplacer les molécules d’eau, ce qui favorise leur solubilité dans ce type de milieu (Fennema, 1996; Lim et al., 2009).

Cette brève présentation montre la complexité des protéines, leurs fortes interactions chimiques avec le milieu et pointe donc la difficulté d’analyse inhérente à cette famille. Cependant, les dernières avancées technologiques permettent aujourd’hui d’aller plus avant dans l’étude de ces macromolécules. Leurs fonctions fondamentales dans les organismes vivants, et leur forte dépendance au milieu qui les contient, en font d'eux des marqueurs dans des domaines aussi divers que la médecine et l’environnement.

Dans la partie suivante seront discutés quelques exemples de ces fonctions principales.