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Plusieurs indicateurs d’innovation sont construits à partir de la base de don- nées du NBER sur les brevets et les citations de brevets (Hall et al., 2001). Ces variables visent à évaluer d’une part la taille des portefeuilles de brevet et d’autre part les performances en matière d’innovation des firmes qui pourraient potentielle- ment être concernées par une opération de F&A en tant qu’acquéreur ou en tant que cible. La théorie de l’“innovation gap” est donc testée à partir des portefeuilles de brevets et des capacités d’innovation des firmes. Selon cette hypothèse, nous nous attendons à ce que les acquéreurs aient des portefeuilles de brevets relativement pe- tits, un faible rendement en matière de dépôts de brevets (le Patent Yield) et/ou une “qualité” moyenne du portefeuille, mesurée par les citations faites et reçues, relati- vement faible. Selon l’hypothèse de la capacité d’absorption ces dernières variables ne doivent cependant pas être trop faibles, voire moyennes.

Le stock de brevets est calculé selon la méthode de l’inventaire perpétuel (Hall

et al., 2001, Hall et al., 2005) avec un taux de dépréciation annuel constant de

15%.25 Son calcul a donc la forme algébrique suivante : Stock

i,t = F luxi,t+ (1 −

δ)Stocki,t−1, pour une firme i à l’instant t avec δ = 0, 15 et Stocki,t−1 le stock de

brevets dont disposait la firme en t − 1.26 Le rendement de la R&D en matière de

dépôts de brevets (le patent yield) est défini comme le ratio du nombre de brevets déposés et du stock de R&D (Lanjouw & Schankerman, 2004). Les régressions incorporent une moyenne mobile sur quatre années de cette variable (c’est-à-dire de t − 5 à t − 1 pour une opération réalisée en t) afin de tenir compte des aléas associés aux flux annuels de dépôts de brevets (les variations brutales, du numérateur ou du dénominateur, d’une année sur l’autre n’ont donc pas d’incidence directe).

25Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre précédent, un facteur d’actualisation des bre-

vets de 15% par an implique que, sans dépôt additionnel, chaque année le portefeuille se déprécie de 15%. Comme ce stock se déprécie continuellement dans le temps, seuls les brevets encore valides sont pris en compte dans le calcul du stock actualisé. En effet avec un taux de dépréciation annuel de 15% un brevet perd plus de 96% de sa valeur en vingt ans.

26Les données de brevets étant disponibles depuis 1965, le calcul des stocks de brevets des firmes

3. PRÉSENTATION DES VARIABLES INDÉPENDANTES 137

Pour mieux rendre compte du changement technologique et du potentiel d’in- novation des firmes, nous identifions aussi les brevets “pionniers”, définis selon les critères utilisés dans le précédent chapitre. Les brevets pionniers sont les brevets qui reçoivent plus de citations, et en font moins, que les valeurs médianes propres aux brevets déposés la même année et dans les mêmes classes technologiques (voir

la figure II.1 présentée dans le chapitre précédent). Ces brevets “pionniers” sont

donc (relativement à la médiane) moins dépendants des innovations passées, tout en exerçant une influence plus forte sur les futurs développements technologiques du secteur (l’évaluation de l’influence est donc a posteriori) que les autres brevets des mêmes années et classes technologiques. Notons que le point de référence qui est pris (la médiane) considère bien les citations reçues et faites des brevets appar- tenant à la même classe et surtout déposés la même année. Les comportements de citation propres à chaque classe technologique sont ainsi pris en compte et aucun problème de censure par la droite n’est susceptible de biaiser l’évaluation des bre- vets qui sont déposés les dernières années (et qui donc bénéficient d’une fenêtre d’observation des citations reçues plus petites que les autres). Ces brevets pion- niers devraient être associés à des perspectives scientifiques et économiques plus importantes pour les firmes en ayant beaucoup. Conformément à notre principale hypothèse, les firmes cibles devraient disposer d’une forte part de brevets “pion- niers” dans leurs portefeuilles, notamment en pharmacie et en biotechnologie. Du point de vue des acquéreurs, elles devraient, suivant la même hypothèse, se trou- ver au mieux dans la moyenne des autres firmes et en dessous, si l’hypothèse des capacités d’absorption n’est pas vérifiée.

Pour rendre compte, de manière dynamique, de la qualité moyenne du porte- feuille des firmes, la variable qui sera principalement utilisée est le ratio du stock actualisé de brevets pionniers sur le stock actualisé total de brevets de la firme. Nous préférons ainsi évaluer des ratios de stock plutôt que des ratios de flux de brevets car cette dernière approche apparaît beaucoup plus erratique et donc moins

représentative du comportement général des firmes.27 Le calcul de ce type de variable est le suivant :

P art P ionniersi, j, t =

F lux pionnieri, j, t+ (1 − δ)(Stock pionnier)i, j, t−1

P F lux totali, k, t+ (1 − δ)(Stock total)i, k, t−1

(III.3) Les flux et les stocks considérés prennent en compte les différentes classes techno- logiques j relativement au total des classes k (le type de classe pris en compte au numérateur et au dénominateur n’est pas nécessairement le même, j pouvant être différent de k comme nous allons le voir).

Plusieurs alternatives de cette dernière variable seront incorporées dans les équa- tions. En effet, pour tenir compte des différents champs technologiques où les firmes innovent, ce type de ratio est calculé au niveau total (stock pionnier sur stock total) mais aussi au niveau des classes de brevets exclusivement pharmaceutiques (stock pionnier en pharmacie sur stock de brevets en pharmacie) ou biotechnolo- giques (stock pionnier en biotechnologie sur stock de brevets en biotechnologies) ou encore au niveau des brevets pionniers d’une classe par rapport à l’ensemble du stock (stock pionnier en pharmacie ou en biotechnologies sur le stock total).

La dernière variable de brevet que nous utilisons dans les régressions est un in- dice de Herfindahl-Hirschmann mesurant le taux de concentration du portefeuille de brevets en termes de classes technologiques. Chaque brevet est en effet assi- gné à une classe technologique définie par l’USPTO mais un portefeuille de bre-

vets couvre généralement plusieurs classes différentes.28 L’indice de concentration

technologique (ICT) se définit donc ainsi : ICTt =

PNi,t

k=1s2i,k où si,k est la part

des brevets dans la classe technologique k et Ni le nombre total de classes au sein

27L’utilisation des ratios est quant à elle expliquée par le fait qu’il serait difficile autrement de

contrôler l’effet volume étant donné la corrélation qui existe, au niveau individuel, entre le volume total de brevets et le volume de brevets pionniers.

28Contrairement au chapitre précédent, où nous nous sommes limités aux brevets des classes

pharmaceutiques (424 et 514), nous considérons donc ici l’ensemble des classes technologiques couvertes par la firme que nous distinguerons ensuite dans l’analyse.

3. PRÉSENTATION DES VARIABLES INDÉPENDANTES 139

desquelles la firme i a déposé des brevets l’année t. Une fois encore, et pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le Patent Yield, la variable utilisée est une moyenne mobile sur les quatre années précédant l’opération (c’est-à-dire de t − 5 à t − 1 pour une opération réalisée en t).

A l’exception de l’indice de concentration des classes technologiques, toutes les variables de brevets sont calculées à trois niveaux distincts : sur l’ensemble du portefeuille de brevets de la firme, sur les seuls brevets déposés dans les classes pharmaceutiques et biotechnologiques (classes de l’USPTO 424, 435, 514 et 800) et enfin sur les seules classes concernant les biotechnologies (classes de l’USPTO

435 et 800).29Ainsi est distingué le stock total de brevets du stock de brevets phar-

maceutiques et/ou biotechnologiques. La même distinction est faite pour le Patent

Yieldet pour les mesures relatives aux brevets “pionniers”.

Notre cadre d’analyse distingue trois hypothèses distinctes et potentiellement complémentaires vis-à-vis des déterminants des opérations de F&A dans l’industrie pharmaceutique. Selon l’hypothèse de l’“innovation gap”, les acquéreurs devraient détenir peu de brevets, et plus spécifiquement avoir une faible propension à dépo- ser des brevets pionniers. A l’inverse, selon la même hypothèse, les firmes cibles devraient détenir de nombreux brevets, notamment pionniers (leur part devrait être importante) dans la mesure où ces brevets font référence aux changements technolo- giques en cours. L’hypothèse selon laquelle une capacité d’absorption est nécessaire pour qu’une acquisition de ce type soit efficace (c’est-à-dire une opération visant à combler les lacunes de l’acquéreur en matière d’innovation) modifie sensiblement les prédictions puisque les acquéreurs doivent avoir un niveau de connaissances cri- tique pour d’une part, identifier avec succès les meilleures cibles et d’autre part être capables ensuite d’assimiler leur R&D. La capacité d’absorption se reflète en effet

29Voir la classification de l’USPTO :

http://www.uspto.gov/go/ classification/; 424 et 514 : “drug, bio-affecting and body treating compositions” ; 435 : “chemistry : molecular biology and microbiology” puis 800 : “multicellular living organisms and unmodified parts thereof and related processes”.

au travers d’un stock de brevet important et d’une relative dispersion de celui-ci en termes de classes technologiques (témoignant donc de connaissances et com- pétences diversifiées). Enfin, l’hypothèse du portefeuille de brevets, supposant que les firmes cherchent principalement à acquérir des brevets, plutôt que des compé- tences, impliquerait que le nombre de brevets détenus prédira de façon plus efficace la propension à être une cible que ne le ferait la proportion de brevets “pionniers” dans le portefeuille (c’est à dire que l’effet volume dominerait l’effet qualité).