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La stratégie de prise de parole (voice) trouve son expression la plus emblématique dans le droit de voter lors de l’assemblée générale qui appartient, en vertu de l’art. 692 al. 2 CO à chaque actionnaire. Or, comme il sera mis en lumière dans cette section, l’exercice des droits de vote n’est pas le seul moyen à disposition des investisseurs institutionnels pour s’exprimer quant à la gestion de la société.

463 GILLIAN/STARKS (2013), 5, se référant notamment à deux études abordant la question de l’effet des ventes d’actions sur la gouvernance d’entreprise, à savoir l’étude de PARRINO/SIAS/STARKS (2003) et celle d’ADMATI/PFLEIDERER (2009).

464 PARRINO/SIAS/STARKS (2003), 42.

465 ADMATI/PFLEIDERER (2009), 2685.

466 FAIRFAX (2011b), 32.

467 Supra, première partie, chapitre 3, section IV, 1 A.

Chapitre 2 : Les moyens d’intervention des investisseurs institutionnels

1. Les droits d’information comme point de départ pour l’exercice des droits sociaux

A. Le système des droits d’information des actionnaires

Comme il a été précédemment indiqué, la disponibilité d’une base informationnelle suffisante et pertinente est l’une des conditions fondamentales pour l’établissement d’un ordre préférentiel rationnel et, dès lors également, pour la formation de la volonté sociale.468 Pour que les actionnaires puissent exercer leurs droits sociaux de manière efficace, il est indispensable qu’ils disposent d’une certaine information matérielle concernant les affaires et la situation de la société, car seul l’actionnaire qui est bien informé peut évaluer son investissement et exercer ses droits de vote de manière judicieuse et apprécier s’il faut faire usage de ses droits de protection.469

Les droits d’information des actionnaires visent essentiellement à atténuer l’asymétrie d’information entre les organes dirigeants et les actionnaires ainsi qu’à réduire les coûts d’agence qui en résultent.470 L’enjeu principal réside ainsi dans le maintien d’un équilibre entre l’intérêt des actionnaires à être informés et celui de la société à ne pas divulguer certaines informations.471 Outre la protection des actionnaires du pouvoir des organes dirigeants, cette fonction préventive des droits d’information visent également à protéger les actionnaires minoritaires du pouvoir des actionnaires de contrôle.472

À cette fin, le droit de la société anonyme a établi un système d’information à trois échelons.473 Le premier échelon est constitué de l’information de base que la société doit mettre à disposition de manière spontanée aux actionnaires, c’est à dire sans intervention quelconque de la part des actionnaires : il s’agit d’une part du rapport de gestion et du rapport de révision qui doivent, selon l’art. 698 al. 1 CO, être mis à consultation des actionnaires au moins vingt jours avant l’assemblée générale. D’autre part, il s’agit de la convocation à l’assemblée générale dans laquelle la société est tenue d’énoncer les objets portés à l’ordre du jour, ainsi que les propositions du conseil d'administration et celles des actionnaires qui ont demandé la convocation de l’assemblée générale ou l’inscription d’un objet à l'ordre du jour (art. 700 al. 2 CO). Force est de constater

468 Supra, première partie, chapitre 1, section IV, 2 A ; voir égalementKUNZ (2001), §12 N 4 ; MAIZAR (2012), 234.

469 FORSTMOSER, in: Hirsch et al. (1997). 86 ss; BAUEN/BERNET/ROUILLER/LASSERRE ROUILLER (2017), N 305;

CAHN/DONALD (2010), 510.

470 RUFFNER (2000), 82.

471 BAUEN/BERNET/ROUILLER/LASSERRE ROUILLER (2017), N 305; voir également MAROLDA MARTINEZ (2007), 102.

472 KUNZ (2001), §12 N 13.

473 Voir notamment FORSTMOSER (1997), 89; KUNZ (2001), § 12 N 10 ss.

qu’en pratique, les sociétés cotées fournissent des informations plus conséquentes avec la convocation, suivant ainsi la recommandation du Code suisse de bonne pratique pour le gouvernement d’entreprise (CSBP).474 Depuis 2007, les sociétés cotées sont, en outre, obligées de divulguer des informations concernant la rémunération des membres du conseil d’administration et de la direction, d’abord dans l’annexe au bilan (art. 663b bis al. 4 CO) et, depuis 2014, dans un rapport de rémunération séparé (art. 14 ss ORAb).475

En complément à l’information spontanée requise par les dispositions du CO et de l’ORAb, les sociétés cotées sont sujettes aux obligations d’information supplémentaires du droit boursier : le règlement de cotation de la SIX (RC) impose d’une part des devoirs spécifiques en vue de la cotation et de l’établissement du prospectus de cotation (art. 27 RC) et des devoirs d’information relatifs aux conditions du maintien de la cotation, en particulier l’obligation d’information des faits susceptibles d’influencer les cours (art. 53 RC) et l’obligation de publier des comptes semestriels (art. 50 RC). En outre, lorsque l’assemblée générale est amenée à se prononcer sur une restructuration, chacune des sociétés impliquées doit mettre à la disposition de ses actionnaires certains documents pour consultation.476

Le deuxième échelon englobe des informations plus larges, mais les sociétés ne sont obligées de les transmettre que sur demande des actionnaires.477 Ainsi, à moins que le secret des affaires ou d’autres intérêts sociaux dignes de protection ne s’y opposent (art. 697 al. 2 CO), le conseil d’administration et l’organe de révision doivent, lors de l’assemblée générale, répondre à des questions relatives aux affaires de la société, respectivement à l’exécution et le résultat de la vérification (art. 697 al. 1 CO). Par ailleurs, sur autorisation expresse de l’assemblée générale ou sur décision du conseil d’administration, les actionnaires peuvent consulter les livres et la correspondance, pour autant que cette démarche ne viole pas le secret des affaires (art. 697 al. 3 CO). Les droits de demander des renseignements et de consulter certains documents tendent à établir une certaine transparence au sein de la société et à protéger l’actionnaire en lui donnant l’occasion de décider s’il convient d’entamer des mesures supplémentaires. En cas de rejet de la demande de renseignement ou de consultation, l’actionnaire peut saisir le juge qui, en cas de rejet injustifié du droit de l’information, ordonnera son exécution (art. 697 al. 4 CO).

474 CSBP, point 3 II.

475 Sur le contenu du rapport de rémunération, voir notamment CRAMER (2016), 1473.

476 Art. 16 al. 1 LFus ; art. 41 al. 1 LFus ; art. 63 al. 1 LFus.

477 Traduit par l’auteure. Version originale KUNZ (2001), §12 N 11.: «Weitergehende Informationen setzen […] eigenverantwortliches Aktivwerden des Aktionärs voraus, und werden von der Gesellschaft nur reaktiv vermittelt […] ».

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Enfin, le dernier échelon du système d’information des actionnaires est composé du droit à l’institution d’un contrôle spécial (art. 697a CO) permettant aux actionnaires d’élucider certains faits déterminés nécessaires à l'exercice de leurs droits. En tant que droit subsidiaire, le droit au contrôle spécial ne peut être exercé que lorsque l’actionnaire a déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces.

B. Les coûts liés à la récolte et à l’analyse de l’information

Il ressort de ce bref descriptif du système d’information des actionnaires que la récolte et l’analyse de l’information génère pour les actionnaires des coûts plus ou moins élevés.478 Ainsi, afin de contrôler les coûts de la surveillance des organes dirigeants par les actionnaires, il y a lieu de veiller à l’instauration d’une réglementation qui réduise l’asymétrie d’information entre les actionnaires et les organes dirigeants.

Au vu des caractéristiques des investisseurs institutionnels, notamment leur professionnalisme et leur capacité d’investissement élevée, il se pose la question de savoir si les investisseurs institutionnels sont mieux placés que les actionnaires individuels pour user de leurs droits d’information. Tout d’abord, ni le droit de la société anonyme, ni le droit boursier ne confèrent un droit d’information supérieur aux investisseurs institutionnels ou à un actionnaire qui détient une participation plus importante. Comme le précise notamment MAROLDA MARTINEZ, il ressort du principe de l’égalité de traitement des actionnaires (art. 717 al. 2 CO) que les droits d’information, à la différence des droits patrimoniaux, ne se calculent pas proportionnellement à la participation au capital, mais qu’ils appartiennent à chaque actionnaire indépendamment de l’importance de sa participation.479

En théorie, en vertu du principe d’immédiateté de l’assemblée générale,480 la transmission des renseignements et la consultation des documents se déroulent dans le cadre de l’assemblée générale, laissant à l’ensemble des actionnaires présents l’occasion d’accéder à l’information fournie.481 Toutefois, dans la pratique, il s’est avéré que les investisseurs institutionnels peuvent se trouver dans une position plus favorable pour accéder à l’information et faire usage de leurs droits. Non seulement, ils ont des incitations économiques plus élevées que la plupart des actionnaires individuels pour faire valoir leurs droits d’information, mais ils ont aussi, en raison de leur organisation interne professionnelle, de meilleures capacités d’analyser et d’évaluer l’information

478 CHENAUX, in : Chabot (2013), 66 ; BÜHLER (2009), N 380 ; CHEFFINS/ARMOUR (2011), 18 ss.

479 MAROLDA MARTINEZ (2006), 98 ; voir également MAIZAR (2012), 237.

480 Sur le principe de l’immédiateté de l’assemblée générale, voir CHENAUX (2016), 477 et seq.

481 En ce sens MAIZAR (2012), 237.

obtenue. L’avantage des investisseurs institutionnels dans l’accès et le traitement de l’information est surtout augmenté, en pratique, par le fait que les investisseurs institutionnels délèguent systématiquement la récolte et l’analyse d’information à des tiers spécialisés comme des agences de conseil de vote.482

Enfin, les droits d’information permettent à l’assemblée générale d’assumer son rôle de contrôle au sein de la société en connaissance de cause et ouvrent finalement la voie pour une intervention ultérieure de l’actionnaire. Bien qu’une partie des informations soit mise à disposition par la société de manière spontanée, nous constatons que les coûts générés par l’analyse de l’information spontanée et l’obtention des informations supplémentaires constituent des barrières importantes pour l’activisme actionnarial. En raison de leur professionnalisme et de leur capacité de déléguer la récolte et l’analyse d’information à des conseillers en droit de vote externes, les investisseurs institutionnels sont plus susceptibles que les investisseurs individuels d’utiliser l’information reçue et de construire leur opinion et leur décision sur cette base.

2. Le droit de vote comme noyau central de l’intervention actionnariale

Le droit de participer à l’assemblée générale et d’y voter sur certaines questions fondamentales pour la société représente, au moins en théorie, le moyen d’intervention le plus important et le plus caractéristique de l’actionnaire.483 En tant que droit individuel appartenant à chaque actionnaire, il ne peut être supprimé ou aliéné (art. 692 al. 2 CO).484

A. « One share -one vote » comme régime dispositif

Le droit de la société anonyme part du principe que le droit de vote de l’actionnaire est fixé proportionnellement à la valeur nominale des actions. Ce principe dit one share-one vote, consacré à l’art. 692 al. 1 CO, souligne le caractère fondamental et inaliénable du droit de vote des actionnaires et reflète la logique des sociétés de capitaux selon laquelle chaque actionnaire profite d’un bénéfice résiduel tout en supportant le risque résiduel de la participation proportionnellement à son investissement.485 Dans un sens élargi, l’idée

482 Infra, deuxième partie, chapitre 4.

483 WATTER/RAMPINI, in: Tschäni (2001), 2; KUNZ (2001), § 12 N 75; BÖCKLI (2009), §12 N 134.

484 BÖCKLI (2009), § 1 N 124 ss; CHENAUX, in: Bohrer et al. (2003), 122.

485 EASTERBROOK/FISCHEL (1991), 73; RUFFNER (2000), 537.

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jacente est de garantir des structures incitatives pour les actionnaires et un système de détermination du choix collectif cohérent au sein des sociétés.486

Le vote plural, à savoir des actions ayant la même valeur nominale, mais un poids de vote distinct, est prohibé.487 Cependant, en émettant des actions nominatives dont le poids de vote est calculé sur la base du nombre d’actions, les sociétés peuvent dissocier la participation au capital, du poids de vote et émettre ainsi des actions à droit de vote privilégié.488 En présence de deux classes d’actions avec des valeurs nominales distinctes, les titulaires des actions avec la valeur nominale inférieure atteignent un pouvoir de vote supérieur en apportant le même montant en capital. Toutefois, la loi impose des limites à l’introduction des actions à droit de vote privilégié : d’un côté, en vertu de l’art.

693 al. 2 CO, la valeur nominale des actions sans privilège ne peut pas être plus de dix fois supérieure à celle des actions à droit de vote privilégié et, de l’autre côté, selon l’art. 693 al. 3 ch. 1 à 4 CO, le privilège de vote est suspendu lorsqu’il s’agit de voter sur l’élection de l’organe de révision, des experts chargés de vérifier tout ou une partie de la gestion, de l’institution d’un contrôle spécial et de l’ouverture d’une action en responsabilité. L’introduction des actions à droit de vote privilégié postérieur à la fondation est considéré être une décision importante au sens de l’art. 704 CO et requiert l’accord des deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et de la majorité absolue des valeurs nominales représentées. Il convient d’observer à ce propos, que conformément à la tendance internationale qui favorise des structures de capitaux simples, les privilèges de vote constituent l’exception plutôt que la règle au sein des sociétés cotées suisses.489

B. La suspension du droit de vote liée à l’acquisition des actions propres

Le principe one share – one vote est soumis à des restrictions légales : d’une part, en ce qui concerne l’activité de l’actionnaire, l’art. 695 CO dispose que les personnes ayant « coopéré de quelque manière que ce soit à la gestion » ne peuvent pas se prononcer sur la décharge du conseil d’administration490 et, d’autre part, en ce qui concerne l’acquisition par la société de ses propres actions. Concernant ce dernier cas de figure, les droits de vote attachés aux actions propres sont suspendus (art. 659a al. 1 CO) et le montant correspondant à la valeur

486 RUFFNER (2000), 537.

487 BÖCKLI (2009), §4 N 131; LÄNZLINGER, BSK-OR II (2016), art. 693 N 1.

488 CHENAUX (2003), in : Bohrer et al. (2003), 128.

489 Dans ce sens BÖCKLI (2009), § 4 N 179 ; MAIZAR (2012), 325.

490 Nonobstant, vu la conception capitaliste de la société anonyme, aucune règle limitant ou supprimant le droit de vote en cas de conflits d’intérêts de l’actionnaire n’est prévue en droit de la société anonyme, voir BÖCKLI (2009), § 12 N 454.

d’acquisition aux actions propres doit être affecté à une réserve spéciale (art.

659a al. 2 CO), dans l’objectif d’éviter une influence directe du conseil d’administration sur la formation de la volonté sociale.491 Les droits de vote peuvent également être restreints par des clauses statutaires, permettant aux sociétés de dissocier la participation au capital du poids du vote.492 Nous n’allons pas nous étendre ici sur les restrictions légales et statutaires aux droits de vote.493 Pour le sujet qui nous intéresse ici, il se pose la question de savoir dans quelle mesure la suspension du droit de vote liée aux actions propres est applicable aux actions détenues par un investisseur institutionnel proche de la société concernée.

À notre sens, la situation doit être évaluée en fonction de la nature de l’investisseur institutionnel. Premièrement, en ce qui concerne les actions détenues par une institution de prévoyance proche de la société, la situation se présente différemment pour les fondations de prévoyance patronales et les fondations de prévoyance paritaires. En effet, alors que dans les fondations de prévoyance patronales, le conseil de fondation est exclusivement ou majoritairement composé de membres de la société, les fondations de prévoyance paritaires se caractérisent par un conseil de fondation composé d’un nombre égal de représentants des employeurs et des salariés. Cela dit, comme le relève BÖCKLI, lorsque la fondation de prévoyance est organisée sous forme patronale, il existe une forte chance que la volonté du conseil de fondation soit influencée par la direction de la société.494 S’agissant des fondations de prévoyance paritaires, en revanche, le risque d’une perte d’autonomie de la formation de la volonté est pratiquement exclu.495 Pour ces motifs, nous partageons l’avis de BÖCKLI qui préconise une suspension des droits de vote uniquement pour les fondations de prévoyance patronales.496

Deuxièmement, lorsque les actions sont détenues par un fonds de placement, la problématique de la perte d’autonomie de la formation de la volonté ne se pose pas non plus, étant donné que la direction du fonds chargée de l’exercice des droits de vote doit être composée de personnes indépendantes de la banque dépositaire (art. 25 al. 1 let. b LPCC ; art. 28 al. 5 LPCC). Par conséquent, dans la mesure où l’acquisition des actions par un fonds de placement ne constitue pas une acquisition indirecte des actions au sens de l’art.

491 MAIZAR (2012), 326.

492 Les clauses d’agrément, par lesquelles les statuts prescrivent que le transfert des actions nominatives soit subordonné à l’approbation de la société (art. 685a al. 1 CO), sont les restrictions statutaires au droit de vote les plus fréquentes. Deux options sont envisageables : les clauses de pourcentage (art.

685d al. 1 CO) et les clauses anti-fiduciaires (art. 685d al. 2 CO).

493 Sur les restrictions statutaires au droit de vote, voirTRIGO TRINDADE, CR CO II (2017),art. 685d et 685f; BÖCKLI (2009), § 6 N 60; MAIZAR (2012), 328.

494 BÖCKLI (2009), § 12 N 447.

495 BÖCKLI (2009), §12 N 449.

496 BÖCKLI (2009), § 12 N 447 et seq.

Chapitre 2 : Les moyens d’intervention des investisseurs institutionnels

659b CO, les droits de vote y afférents ne doivent pas être suspendus lors de l’acquisition.497

3. L’exercice des droits de vote

A. Le moment de la formation et de l’expression de la volonté sociale Dans l’esprit du législateur, l’assemblée générale est l’endroit de la formation et de l’expression de la volonté sociale.498 Ainsi, l’art. 689 al. 1 CO dispose que les droits de vote sont exercés par les actionnaires au sein de l’assemblée générale. Or, l’idée que les actionnaires se forgent leur opinion et l’expriment au moment de la tenue de l’assemblée générale ne correspond pas à la réalité des sociétés cotées.499 Ceci s’explique pour deux raisons principales : la première raison est que la majorité des actionnaires des sociétés cotées exercent leurs droits de vote à travers un représentant.500 Conformément à l’art.

689 al. 2 CO, chaque actionnaire peut faire représenter ses actions à l’assemblée générale par un tiers qui, sauf disposition statutaire contraire, ne sera pas nécessairement actionnaire. Le droit d’être représenté est inaliénable, des restrictions sont uniquement possibles pour les actions nominatives et lorsqu’elles sont prévues par les statuts (art. 637 ch. 10 CO). En ce qui concerne les actions au porteur, le droit de se faire représenter est illimité, sachant que celui qui possède l’action peut exercer les droits sociaux (art. 689a al. 3 CO). Un aspect crucial du vote par procuration est son effet d’anticiper la prise de décisions avant la tenue de l’assemblée générale.501 Effectivement, le fait de conférer un pouvoir de représentation à un tiers implique nécessairement que l’actionnaire ait déjà pris sa décision de vote avant l’assemblée générale et qu’il ait communiqué ses instructions au représentant. Cette dernière étape est nécessaire, dans la mesure où, à défaut d’instructions de vote, le représentant indépendant se voit obligé de s’abstenir (art. 10 al. 2 ORAb). Enfin, comme le précise CHENAUX, le fait que la formation et l’expression de la volonté sociale aient en grande partie lieu avant la tenue de l’assemblée générale limite le rôle du représentant à « une simple courroie de transmission, sans réelle plus-value sur le

497 BÖCKLI (2009), § 12 N 451; voir également FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL (1996) § 24 N. 88d;

ROTH/LÄNZLINGER (1999) 33.

498 HOFSTETTER (2002), 16; CHENAUX, in: Bohrer et al. (2003), 118; MAIZAR (2012), 579; CHENAUX (2016), 477.

499 MAIZAR (2012), 309 et seq ;CHENAUX (2016), 479.

500 HOFSTETTER (2002), 16; CHENAUX, in: Bohrer et al. (2003), 119.

501 MAIZAR (2012), 309 ss; VOGT (2012), 101; BÖCKLI (2013), 184 ss; CHENAUX (2016), 479.

plan de la formation de la volonté de l’actionnaire et de son expression en cours d’assemblée générale ».502

La deuxième raison qui remet en cause la vision traditionnelle de l’assemblée générale tient au fait que seule une faible part du capital participe au vote. Certains auteurs évoquent, que dans de nombreuses sociétés cotées, en particulier dans les sociétés non familiales, la part des actionnaires qui exercent leurs droits de vote ne dépasse guère la moitié du capital-actions.503 L’une des principales explications réside dans les actions dites « dispo », à savoir des actions nominatives dont les actionnaires n’ont pas demandé l’inscription au registre des actions. Or, seules les personnes y inscrites sont considérés comme actionnaires à l’égard de la société (art. 686 al. 4 CO).

Le phénomène que la doctrine décrit souvent comme « le problème des actions dispo »504 peut être résumé comme suit : dans la mesure où les droits de propriété passent à l’acquéreur du fait de la transaction boursière (art. 685f al. 1 CO), l’aliénateur perd tous ses droits et sera radié du registre des actions dès que la banque a annoncé la vente à la société (art. 685e CO). En revanche, l’inscription du nouvel acquéreur n’aura lieu qu’une fois la demande de reconnaissance déposée (art. 685f al. 1 CO). Tant que le nouvel acquéreur ne se manifeste pas, la société n’est pas en mesure de l’inscrire au registre des actions.

La conséquence en est que les droits sociaux ne peuvent pas être exercés pour les « actions dispo » (art. 685f, al. 2 et 3 CO et art. 689a, al. 1 CO), alors que, selon la pratique bancaire établie, les dividendes peuvent toujours être perçus à travers le versement par la société à la banque dépositaire.505 Les problèmes liés aux actions dispos sont vastes, mais ce qui est décisif dans le présent contexte,

La conséquence en est que les droits sociaux ne peuvent pas être exercés pour les « actions dispo » (art. 685f, al. 2 et 3 CO et art. 689a, al. 1 CO), alors que, selon la pratique bancaire établie, les dividendes peuvent toujours être perçus à travers le versement par la société à la banque dépositaire.505 Les problèmes liés aux actions dispos sont vastes, mais ce qui est décisif dans le présent contexte,