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Pour les actionnaires, la voie d’exit se concrétise par le droit au libre transfert des actions.449 Dans le contexte spécifique des sociétés cotées, exit se traduit par une vente des actions en bourse, d’où les nombreuses références en doctrine au terme du Wall Street Walk.450

En cas de désaccord avec la gestion ou la performance de la société, chaque actionnaire peut décider de se dessaisir de ses titres de participation et de quitter la société. Alors que les raisons concrètes qui amènent un actionnaire à quitter la société sont variées, elles ont comme point commun d’être l’expression d’un mécontentement avec la gestion ou la performance de la société liée à la supposition que la prise de parole (voice), notamment par le biais de l’exercice des droits de vote, entraînerait des coûts élevés sans présenter suffisamment de chances d’aboutir au résultat souhaité.

La vente des actions sur le marché secondaire constitue la forme d’intervention la plus simple des actionnaires, étant donné qu’ils sont libres d’aliéner leurs participations en tout temps.BAINBRIDGE emploie les bons termes à ce propos : « it’s easier to switch than [to] fight ».451 Hormis les cas de liquidation (art. 739 ss CO), de réduction du capital-actions (art. 732 ss) et des règles spéciales prévues par la LIMF et de la LFus,452 la sortie de l’actionnaire de la

449 CHENAUX (2003) in : Bohrer et al. (2003), 132.

450 SPILLMANN (2004)47 ;73 et 177 ; MONKS/MINOW (2011), 118 ; KUNZ (2001), § 4 N 64 ; ADMATI/PFLEIDERER (2009), 2646 ;FAIRFAX (2011b), 30 ; BAINBRIDGE (2011), 238, GILLIAN/STARKS (2013), 5.

451 BAINBRIDGE (2009), 238.

452 Voir MEYER-HAYOZ/FORSTMOSER (2015), §16 N 296. L’art. 137 al. 1 LIMF permet à un offrant qui, à l’expiration d’une OPA détient plus de 98% des droits de vote de la société visée, d’exclure les actionnaires minoritaires en intentant une action en annulation des titres restants. En droit de la

société est uniquement possible par la voie de la transmission des titres à un acquéreur. Rappelons à ce propos que les actionnaires n’ont pas de devoir de fidélité envers la société, puisqu’en vertu de l’art. 680 al. 1 CO, « ils ne peuvent être tenus, même par les statuts, à des prestations excédant le montant fixé, lors de l'émission, pour l'acquisition de leurs titres ». En choisissant la voie d’exit, l’actionnaire est dès lors libre de se laisser guider exclusivement par son propre intérêt,453 même si cela s’oppose à l’intérêt de la société.454 Même l’actionnaire majoritaire, tant qu’il n’est pas membre du conseil d’administration ou membre d’un organe de fait, est exempt d’une obligation de fidélité et peut ainsi quitter la société quand il le souhaite.455

Il reste cependant possible de limiter la libre transmissibilité des actions, notamment pour éviter une concentration trop importante du pouvoir entre les mains d’un seul actionnaire, mais selon l’art. 704 al. 1 ch. 3 CO, une telle démarche requiert l’approbation de la majorité qualifiée de deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs nominales représentées pour introduire une clause de pourcentage (art. 685d al. 1 CO) ou d’une clause anti-fiduciaire (art. 685d al. 2 CO).

1. L’interdépendance entre le contrôle et la liquidité

Le droit au libre transfert des actions est soumis à la condition que l’actionnaire trouve un acquéreur, ce qui présuppose l’existence d’un marché secondaire suffisamment liquide. En d’autres termes, il existe une étroite interdépendance entre le choix de la stratégie d’investissement et la liquidité du marché secondaire : moins les marchés sont liquides, plus les coûts de la vente des participations sont élevés. Inversement, on peut dire que plus le marché secondaire est liquide, plus il est facile pour l’actionnaire de vendre ses actions et, plus il aura tendance à privilégier la voie d’exit à la voie de voice pour exprimer son mécontentement avec la gestion de la société.456 Dès lors, une liquidité des marchés secondaires élevée favorise le choix de l’option exit et dissuade les actionnaires d’exercer leurs droits sociaux.457

fusion, l’art. 8 al. 1 LFus constitue une exception au principe de la continuité des droits de participation et permet aux actionnaires de la société transférante de se voir attribuer un dédommagement plutôt que des droits de participation dans la société reprenante.

453 CHENAUX, in : Chabot (2013), 65.

454 ATF 99 II 55, consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 4C 143/2003 du 14 octobre 2003, consid. 6;

RUEDIN (2007), N 866; BÖCKLI (2009), § 1 N 19; BÜHLER (2009), N 697; FORSTMOSERin: Bucher et al.

(2005), 796.

455 BÖCKLI (2009), §13 N 659 et N 661.

456 EDMANS/FANG/ZUR (2012), 5; ROSE/SHARFMAN (2014), 129.

457 RUFFNER (2000), 358.

Chapitre 2 : Les moyens d’intervention des investisseurs institutionnels

Pour les petits actionnaires individuels, la transmission des actions est quasiment possible en tout temps et constitue souvent le choix le plus rationnel, vu le faible poids de leurs participations.458 La situation se présente différemment pour les investisseurs institutionnels qui peuvent rencontrer plus de difficultés à vendre leurs actions en bourse, du fait de leur sensibilité accrue à la liquidité du marché. Comme nous l’avons constaté précédemment, les investisseurs institutionnels ne détiennent généralement pas de positions de contrôle dans les sociétés cotées.459 De même, leurs positions d’action sont parfois trop faibles pour leur offrir des incitations économiques adéquates pour s’engager activement dans la formation de la volonté sociale. Néanmoins, leurs positions d’actions peuvent s’avérer suffisamment importantes pour rendre la voie d’exit ardue. Par ailleurs, la vente des actions par un investisseur institutionnel important est susceptible d’entraîner une baisse du cours des actions.460 Finalement, il semblerait qu’il n’est pas toujours garanti que les investisseurs institutionnels puissent trouver un acquéreur et même s’ils en trouvent un, ils doivent parfois s’attendre à enregistrer des pertes.461 C’est la raison pour laquelle, la stratégie d’exit, bien que légalement possible, ne reste souvent qu’une option théorique pour les investisseurs institutionnels.

2. Exit comme stratégie de gouvernance

L’option exit permet à un investisseur de placer ses fonds dans une société dont la gestion et la structure de gouvernance lui conviennent mieux. Comme l’exposent notamment GILLIAN et STARKS, par le fait d’investir et de désinvestir subséquemment, les actionnaires expriment leur opinion quant à la gestion et à la performance de la société.462 Ainsi, dans une optique de gouvernance d’entreprise, la transmission des actions constitue une forme d’activisme actionnarial. GILLIAN et STARKS, en se fondant sur des études théoriques et empiriques conduites sur le marché américain, déduisent que la vente d’une position d’actions, voire même la simple crainte d’une vente, peuvent avoir des effets disciplinaires sur la direction, dans la mesure où cette dernière évitera d’agir d’une façon qui puisse provoquer les actionnaires à se désengager de la société, particulièrement lorsqu’une telle sortie est susceptible d’entraîner une

458 RUFFNER (2000), 446 ; PARRINO/SIAS/STARKS (2003), 8 ; MEYER-HAYOZ/FORSTMOSER (2015), §10 N 215.

459 Supra, première partie, chapitre 3, section III 2.

460 GIGER (2003), 261.

461 COFFEE (1991), 1288 et seq, 1329 et seq; SHERMAN/BELDONA/MAHESHKUMAR (1998), 167;

CHEFFINS/ARMOUR (2011), 19; MALLIN (2006), 76; SCHMOLKE (2007), 708; STEIGER (2001), 104.

462 GILLIAN/STARKS (2013), 5: « […] we could view shareholders who simply trade a company’s shares as being “active.” Through their initial purchases and subsequent decisions to hold or sell, shareholders are expressing their views of the corporation’s performance. »; dans le même sens: FAIRFAX (2011b), 31.

chute du cours des action.463 Sans vouloir entrer dans les détails, nous pouvons par exemple mentionner l’étude empirique de PARRINO,SIAS et STARKS parue en 2003, qui démontre que le changement de la composition de l’actionnariat influence la décision du conseil d’administration de remplacer un dirigeant on non.464 Dans la même ligne de pensée, ADMATI et PFLEIDERER soutiennent que l’option exit peut être assimilée à une forme de voice lorsqu’elle est exercée par un grand investisseur institutionnel.465

Comparé à l’exercice des droits sociaux et considérant les coûts élevés qu’il peut entraîner pour les investisseurs, le Wall Street Walk peut s’avérer être la stratégie la plus rentable et efficace, notamment lorsque le portefeuille de titres est diversifié. Néanmoins, force est de constater que le Wall Street Walk comporte également son lot d’inconvénients : les investisseurs institutionnels importants risquent non seulement une perte de la valeur actionnariale, mais doivent également supporter des coûts de transaction importants lors de la vente des actions en bourse.

Un autre argument contre l’option exit, avancé par FAIRFAX en ce qui concerne le droit américain, mais qui se justifie à notre sens également pour le droit suisse, a trait aux exigences normatives, imposées à certains investisseurs institutionnels, de maintenir un certain niveau de diversification du portefeuille.466 Concrètement, les exigences légales de diversification, imposées notamment aux institutions de prévoyance,467 réduisent le choix de sociétés dans lesquelles elles peuvent placer les fonds résultants de la vente des actions.