A. Mallock ‘The action of cutting tools’ 1881‐82
I.2.4. E VALUATION DES FLUIDES DE COUPE
L’évaluation de la performance des lubrifiants se fait typiquement à l’aide d’essais de laboratoire qui sont conduits sur les machines d’usure et de capacité de charge (tribomètres). Les méthodes tribologiques les plus souvent utilisées pour évaluer les performances des fluides de coupe, en particulier les propriétés AU et EP, sont les tribomètres 4 billes extrême‐pression ou usure, la machine Falex "Pin and Vee Blocks", la machine Timken, la machine Almen Wieland ou la machine
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Reichert. Ces essais sont faciles à mettre en œuvre et n’exigent pas beaucoup de temps. Ils se différencient par plusieurs paramètres [GEO_00] : la nature des mouvements relatifs des surfaces (le glissement pur est le plus fréquent), le type de contact : ponctuel, linéaire ou surfacique, la géométrie des éprouvettes, généralement très simple : bille/bille, bille/plan, cylindre/plan etc., la vitesse de glissement variable de 0,1 m/s à plusieurs dizaines de m/s, la charge appliquée, la quantité de lubrifiant mise en jeu et sa température, le renouvellement ou pas de la surface frottée.
Le contact modélisé et les paramètres utilisés pour les tests tribologiques traditionnels ne permettent pas véritablement de reproduire la zone du contact outil‐copeau‐pièce en coupe, et notamment pour ce qui concerne les sollicitations sur la face de coupe et sur la face de dépouille de l’outil. Cependant, un progrès important a été réalisé dans la conception et la construction de nouveaux tribomètres afin de s’approcher des conditions sévères de la coupe [OLS_89, HED_91
,
ZEM_08, BON_08]. Même si ces nouvelles machines sont essentiellement dédiées pour l’instant à l’évaluation des propriétés des revêtements ou des matériaux des outils coupants, il est envisageable de les adopter pour celle des fluides de coupe.Depuis les années 70, une nouvelle approche pour tester les fluides de coupe dans les conditions d’utilisation a été développée. Les premières tentatives d’évaluation ont en effet démontré que les résultats obtenus par les essais tribologiques peuvent être différents de ceux réalisés dans les vrais essais d’usinage. Plusieurs auteurs confirment que seuls les essais dans les conditions réelles d’usinage permettent d’évaluer les lubrifiants de façon pertinente [HEN_73, WEB_74, BLA_74, RIC_77, DeC_80, LOR_85
].
Ces tests ont néanmoins des inconvénients tels que la quantité importante de matériau utilisé, la durée et le coût élevés des essais. En ce qui concerne leur difficulté, il est nécessaire de maîtriser parfaitement de nombreux paramètres pour que l’effet véritable du lubrifiant puisse être étudié (problème de répétabilité des essais).Les tests d’évaluation des lubrifiants en usinage n’ont pas pour objectif primordial d’étudier les propriétés des lubrifiants mais de déterminer quel type de lubrifiants convient le mieux pour une application donnée et permettre ainsi d’améliorer la qualité d’usinage. Il est admis qu’un lubrifiant universel pour toutes les applications d’usinage n’existe pas. Il est possible cependant de classer les lubrifiants selon les groupes d’opérations d’usinage présentant des sollicitations similaires. La procédure complète d’évaluation des fluides de coupe devrait donc permettre de balayer les différentes combinaisons des opérations d’usinage avec des paramètres de coupe différents [DeC_02(2)]. Un travail remarquable dans le domaine des tests d’usinage pour l’évaluation des lubrifiants a été réalisé par Belluco et De Chiffre, consistant à mettre en place des procédures d’essais pour les diverses techniques d’usinage en réalisant différents types de mesures (efforts de coupe, durée de vie des outils, état de surface) [BEL_00].
Trois types de mesures sont couramment utilisés pour l’évaluation de fluides de coupe en usinage [COR_03] : la durée de vie des outils de coupe, la mesure des efforts de coupe et de la puissance de coupe, l’état de surface obtenu sur les pièces de la série d’essais. La durée de vie des outils de coupe est un critère très important pour les industriels. Les tests de durée de vie des outils sont cependant difficiles à mettre en œuvre du fait de leur longue durée et de leur répétabilité moyenne (effet de l’outil important). En outre, les outils utilisés actuellement sont de plus en plus résistants à l’usure suite à l’évolution des matériaux de coupe et de nouveaux revêtements. Par voie de conséquence, le coût est le facteur qui pénalisera ce type de tests par rapport aux tests de mesure d’efforts de coupe ou de la qualité de surface.
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Les mesures des efforts de coupe ou de la puissance consommée permettent d’évaluer les lubrifiants de façon rapide par rapport aux essais de durée de vie des outils. Cette méthode est très avantageuse car moins coûteuse, exigeant moins de matière et se caractérisant par une très bonne répétabilité et sensibilité par rapport au paramètre étudié. Il est donc compréhensible que ce type de test soit actuellement fortement utilisé non seulement pour évaluer les fluides de coupe mais aussi pour réaliser différentes études comparatives en usinage. La qualité de surface est un moyen de tester les lubrifiants en tournage, alésage, perçage et taraudage. On mesure la rugosité arithmétique (Ra), la rugosité totale (Rt) ou la rugosité du profil. Les
résultats obtenus lors des tests de qualité de surface montrent une sensibilité élevée aux lubrifiants mais une incertitude plus élevée que dans le cas des efforts de coupe. Le coût des tests est également souvent assez élevé du fait d’équipements spécialisés pour les analyses de la surface des pièces.
Les indicateurs : répétabilité, incertitude et coût estimés pour les multiples essais en usinage répertoriés dans la littérature montrent différentes tendances selon les trois types d’essais. Les essais de mesure des efforts de coupe s’avèrent avoir une meilleure répétabilité, une très bonne sensibilité aux lubrifiants, une incertitude des résultats assez basse et un coût modéré. Au contraire, les essais de durée de vie se caractérisent par une répétabilité moyenne, une incertitude des résultats et un coût élevé. Quant aux tests de qualité de surface, ils ont une qualité intermédiaire entre les deux autres types d’essais [DeC_00, DeC_02(2)].
Certaines procédures d’essais développés en usinage font l’objet de tests normalisés ; les essais de la durée de vie de l’outil trouvent une application en tournage [ISO 3685, NT MECH 040], fraisage [ISO 8688] ou perçage [NT MECH 038]. Les tests de mesures des efforts de coupe sont utilisés de façon standardisés pour évaluer les lubrifiants en taraudage [NT MECH 039
,
ASTM D‐ 5619]
, perçage ou alésage.La différence importante entre les tests tribologiques et les tests menés en usinage repose donc sur le suivi et l’étendue de l’analyse qui est faite. Sachant que les tests en usinage sont dans la plupart des cas développés par des usineurs et des mécaniciens, leurs travaux comparent les fluides de coupe en fonction de différents paramètres mais aboutissent rarement à la compréhension du mode d’action chimique du lubrifiant. Quant aux tribologues et aux chimistes utilisant les tests tribologiques, ils s’intéressent à l’activité chimique et aux mécanismes réactionnels des additifs en avançant l’hypothèse de travailler dans les conditions sévères de coupe. Quelques études intéressantes visant le couplage de deux domaines de compétences ont été réalisées. Hong et al. évaluent les sulfonates surbasés pour les fluides de coupe en faisant appel aux tests de taraudage normalisés pour classer leurs performances et les techniques d’analyses de surfaces pour déterminer les produits de réactions et de décomposition des additifs [HON_92, CAH_93, HON_93, HON_94].
Haigang et al. utilisent les mêmes moyens que Hong mais s’intéressent plus particulièrement à
l’usinage d’alliage de titane avec les différents cations métalliques et les composés organo‐cuivreux introduits dans les additifs pour les fluides de coupe aqueux [HAI_01, XUE_01]. Mould et al. réalisent les études consacrées à l’activité de différents additifs soufrés, organochlorés et aux interactions entre ces deux types d’additifs par des tests tribologiques classiques, des tests en taraudage et en perçage [MOU_72, MOU_72(2), MOU_73]. Ils effectuent des tests de réactivité chimique des additifs et des calculs thermochimiques pour expliquer les différentes performances des additifs testés.