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CHAPITRE 2 : Criblage d’une chimiothèque d’aurones sur des modèles des fibres de tau

I. 2.2.1.2 Dichroïsme circulaire et microscopie à force atomique

I.2.2.2 Validation du modèle R3

A l’image du modèle AcPHF6, le modèle R3 a été incubé en présence d’inhibiteurs connus de

la fibrillation de tau afin de valider son utilisation pour la recherche de nouveaux inhibiteurs potentiels de tau. Les deux inhibiteurs choisis ici sont la myricétine et la quinacrine moutarde (Figure 2.I.4), la

curcumine et l’ATPZ n’ayant pas montré d’effet inhibiteur sur la fibrillation du peptide AcPHF6. La myricétine est particulièrement active sur le modèle AcPHF6 (Figures 2.I.7 et 2.I.8) et sur la protéine tau,93 elle a donc été logiquement sélectionnée pour valider le modèle R3. La quinacrine moutarde a été étudiée par Taniguchi et al. et conduit à une inhibition notable de la formation de fibres d’Aβ (15

µM) avec une IC50 de 1,2 µM et de htau39 (22 µM) avec une IC50 de 3,1 µM, ce qui valide son utilisation

pour l’étude du modèle R3.93

Dans le test de fluorescence à la ThT, l’incubation du peptide R3 à 100 µM dans le tampon phosphate (50 mM) en présence de 100 µM de myricétine et de quinacrine moutarde conduit à une inhibition totale de fluorescence (Figure 2.I.17.A). Testés à une concentration de 10 µM, les deux composés ont conduit à une diminution de fluorescence de 42 % pour la myricétine et de 3 % pour la quinacrine moutarde. Le CD effectué sur ces échantillons montre un profil non structuré en présence

de 100 µM de myricétine, alors que l’incubation du modèle R3 en présence de quinacrine moutarde

ne résulte qu’en une faible diminution de l’intensité des feuillets β (Figure 2.I.17.B). L’incubation du modèle R3 avec les deux inhibiteurs à 10 µM est caractérisée par un signal de feuillets β similaire à

Figure 2.I.17. (A) Test de fluorescence en plaque et (B) CD après 24 h de fibrillation dans le tampon phosphate 50 mM du modèle R3 seul (noir) et en présence de myricétine (orange) ou de quinacrine moutarde (vert) à 100 µM (traits continus) et 10 µM (traits discontinus).

L’AFM réalisée sur le peptide R3 incubé en présence de myricétine et de la quinacrine moutarde à 10 µM montre un réseau de fibres (Figure 2.I.18), ce qui est en accord avec les données obtenus pour le test de fluorescence en plaque et en CD. L’absence defeuillets β en CD dans le cas de

la myricétine à une concentration de 100 µM est illustrée en AFM par des sphères d’oligomères, accompagné d’une absence de fibres (Figure 2.I.18.A).

Figure 2.I.18. Images AFM du modèle R3 incubé à 100 µM pendant 3 jours dans le tampon phosphate 50 mM en présence de myricétine à (A) 100 µM et (B) 10 µM ou de (C) quinacrine moutarde à 10 µM.

A l’instar des inhibiteurs testés sur le modèle AcPHF6, ceux évalués sur le modèle R3 présentent des comportements différents. Si la myricétine et la quinacrine moutarde inhibent fortement la fluorescence à 100 µM, la quinacrine moutarde ne présente aucune diminution de fluorescence (3 %) à 10 µM. Dans le cas de la myricétine, cette diminution de fluorescence à 10 µM (44%) est moindre que dans le cas du modèle AcPHF6 (75 % à 10 µM). Ce phénomène pourrait être expliqué par des sites hydrophobes plus enfouis dans le cas des fibres du peptide R3 que pour celles du peptide AcPHF6, comme cela a été illustré auparavant dans le cas de la ThT. De plus, l’incubation

du peptide R3 (100 µM) en présence de myricétine à 100 µM mène à une inhibition de la formation des fibres en AFM au profit de petits agrégats sphériques (Figure 2.I.18.A). Il est à noter que ces agrégats sont majoritairement non structurés en CD (Figure 2.I.17.B). L’action de la myricétine sur la

fibrillation du peptide R3 diffère donc de celle sur les fibres du peptide AcPHF6 pour laquelle les agrégats formés sont majoritairement organisés en feuillets β (Figure 2.I.7.B). A 100 µM, la myricétine

semble donc capable d’inhiber la phase d’élongation des fibres du modèle R3 en stabilisant des oligomères non structurés en feuillets β dans une phase précoce du processus de fibrillation.

L’activité de la quinacrine moutarde est plus complexe à analyser. A l’image de la curcumine

testée sur le modèle AcPHF6, la quinacrine moutarde testée sur le modèle R3 absorbe dans les

longueurs d’onde de l’étude (440 à 480 nm).189 La quinacrine moutarde émet également très fortement à 480 nm après excitation à 440 nm à 100 µM, ce qui est observable dans les puits de contrôle du test en plaque. La présence de feuillets β en CD (Figure 2.I.7.B) et de fibres en AFM à 100

µM suggère que la quinacrine moutarde n’inhibe pas la fibrillation du modèle R3 et que la diminution de fluorescence de la ThT observé à 100 µM est essentiellement due à un biais. En effet, aucune inhibition de la fluorescence n’est observée à 10 µM où l’absorption est moindre

En conclusion, les conditions développées dans ce projet ont permis d’observer la formation de structures amyloïdes riches en feuillets β à partir des peptides AcPHF6, R3 et AcR3. L’utilisation d’inhibiteurs de la protéine tau sur ces modèles a de plus permis de valider leur utilisation comme outil de criblage pour la recherche de nouveaux inhibiteurs de tau. En particulier, la myricétine est

capable d’inhiber la formation de fibres pour ces modèles et permet d’observer en particulier des

agrégats non structurés pour le modèle R3. En outre, cette étude souligne l’importance de corréler plusieurs techniques (fluorescence, CD et AFM) pour l’analyse de l’activité des composés testés. En particulier, la fluorescence peut être biaisée par les propriétés spectroscopiques intrinsèques des composés à tester ou par des facteurs non spectroscopiques liés à l’utilisation de la ThT (compétition

entre la ThT et les composés testés). Dans la suite de ce projet, les biais de fluorescence seront pris en considération par une étude des propriétés spectroscopiques des composés testés.

II CRIBLAGE D’UNE CHIMIOTHEQUE D’AURONES

Les aurones présentent des propriétés structurales adéquates pour l’interaction avec les feuillets β des fibres amyloïdes. En effet, ces molécules sont planes et possèdent un caractère hydrophobe associé à leur aromaticité. Comme décrit précédemment (Chapitre 1.III.3), ce potentiel

a été mis en avant par les travaux d’Ono et coll. montrant que des aurones possédant en particulier

une fonction amine en position 4’ sontcapables de se lier aux fibres du peptide Aβ in vitro.154-155, 157 La présence de fonctions hydroxyles sur le squelette des aurones pourrait être favorable à leur interaction avec les fibres, de nombreux polyphénols ayant montré des propriétés inhibitrices sur la

formation des fibres amyloïdes de tau et d’Aβ.93, 116, 118-119

Dans cette partie, une série d’aurones et une série de dérivés d’aurones hydroxylés ou non, synthétisées au cours des dernières années au sein de l’équipe MedChem (Département de

Pharmacochimie Moléculaire), ont été criblées sur les modèles de fibres AcPHF6 er R3 développés précédemment (Chapitre 2.I). Ce criblage a été effectué dans des microplaques en polypropylène en utilisant la ThT comme sonde fluorescente. Cette technique facile à mettre en œuvre pour évaluer l’effet de composés sur la fibrillation peut cependant conduire à des biais dus à l’interférence de la ThT et des composés à tester, comme illustré auparavant (Chapitre 2.I.2.1). C’est pourquoi, les propriétés d’absorption et de fluorescence des composés testés seront discutées dans un second temps.