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CHAPITRE 2 : Criblage d’une chimiothèque d’aurones sur des modèles des fibres de tau

I. 2.2.1.2 Dichroïsme circulaire et microscopie à force atomique

II.2 Propriétés spectroscopiques des aurones

II.2.2 Fluorescence des aurones

Un autre paramètre à prendre en compte dans les tests à la ThT est la fluorescence des

composés évalués à 480 nm (longueur d’onde de lecture du test) lorsque ceux-ci sont excités à 440

nm (longueur d’onde d’excitation de la ThT).L’émission propre aux aurones est prise en compte dans les puits de contrôle pour les tests de fluorescence en plaque. Ces derniers contiennent uniquement

l’aurone à tester et la ThT dans les conditions de fibrillation mais sans peptide.

En revanche, l’émission des aurones en présence de fibres ne peut pas être prise en compte dans les puits de contrôle, alors qu’un changement important de l’intensité de fluorescence des

aurones en présence de fibres pourrait biaiser le test. Cette fluorescence s’ajouterait à celle de la ThT

et pourrait conduire à de faux négatifs. Pour apprécier ce biais, la fluorescence des aurones en présence de fibres préformées du modèle AcPHF6 a été enregistrée.

Un autre biais dans les tests à la ThT est la possible compétition de liaison aux fibres entre les composés à tester et la sonde elle-même. Ce phénomène résulte également en une diminution de la fluorescence dans les tests sans pour autant que cela traduise une inhibition de la formation des fibres. L’enregistrement de la fluorescence de la ThT incorporée dans des fibres après ajout des aurones est un moyen d’évaluer cette compétition.

Afin d’estimer ces différents biais, la fluorescence de plusieurs aurones à 480 nm après excitation à 440 nm (10 µM) a été enregistrée en présence et en absence de fibres préformées

d’AcPHF6 (100 µM) préalablement incubées avec ou sans ThT (10 µM). Des aurones peu (1c, 1u et 2i) ou très actives (1v et 2h) ont ainsi été étudiées à une concentration de 10 µM. Il est à noter que la

fluorescence émise par les fibres d’AcPHF6 en absence de ThT est généralement très faible.

L’aurone 1c a une activité très faible sur le modèle AcPHF6 avec 7 % d’inhibition de

fluorescence à 10 µM dans le test en plaque. De plus, elle ne présente aucune absorption (Figure 2.II.1) ou fluorescence (Figure 2.II.3) notables à cette concentration d’étude. La fluorescence de cette aurone est peu modifiée en présence de fibres. Par ailleurs, une faible diminution de la fluorescence de la ThT a été observée lors de l’ajout de cette aurone aux fibres d’AcPHF6 préformées en présence

de ThT. Ces données confirment que l’aurone 1c interagit faiblement avec les fibres, ce qui est en adéquation avec le test en plaque.

Figure 2.II.3. Fluorescence de l’aurone 1c seule (pointillé), en présence de fibres du modèle AcPHF6 et en absence (tiret) ou en présence (trait) de ThT.

modérément à 440 nm (absorbance de 0,16, Figure 2.II.2), mais émet très fortement (fluorescence de 230 u.a. à 480 nm, Figure 2.II.4) à cette concentration d’étude. Cependant, cette forte fluorescence est prise en compte dans les puits de contrôle du test en plaque et n’est pas modifiée en présence de fibres. De plus, la différence notable observée entre l’intensité de fluorescence pour les fibres du modèle avec ThT en présence et en absence du composé 1u avoisine la valeur de l’émission de l’aurone seule, ce qui confirme la faible activité de cette aurone. Il est à noter que les aurones 1s et

1t, isomères de position de 1u comportant une fonction hydroxyle sur la position 6 du cycle A, possèdent les mêmes propriétés spectroscopiques, ce qui suggère que la forte fluorescence de ces

composés est associée à la présence d’un substituant hydroxyle en position 6.

Figure 2.II.4. Fluorescence des aurones 1u (violet) et 1v (rouge) seules (pointillé), en présence de fibres du modèle AcPHF6 et en absence (tiret) ou en présence (trait) de ThT.

L’aurone 1v possède une fonction hydroxyle en position 4 du cycle A et est très active sur le

modèle AcPHF6 avec 85 % d’inhibition de fluorescence à 10 µM sur le test en plaque. Si l’aurone 1v

absorbe similairement à son isomère 1u (absorbance de 0,20 à 440 nm, 0,11 à 480 nm, Figure 2.II.2), elle ne fluoresce pas seule ou en présence de fibres (Figure 2.II.4) et ne biaise donc pas la fluorescence observée dans le test en plaque. Après ajout de l’aurone 1v sur les fibres en présence de ThT, le

spectre d’émission présente une forte diminution en intensité, ce qui montre que l’aurone 1v interagit fortement avec les fibres. Si cette interaction suggère une compétition avec la ThT, elle n’exclut pas que l’aurone 1v puisse avoir un effet inhibiteur de la fibrillation.

A l’image du composé 1v, l’aurone 2h présente une forte activité sur le modèle AcPHF6 avec 69 % d’inhibition de fluorescence à 10 µM, des propriétés d’absorbance identiques (0,21 à 440 nm, 0,11 à 480 nm, Figure 2.II.2) et fluoresce aussi faiblement à 480 nm seule et en présence de fibres (Figure 2.II.5), ce qui montre une absence de biais dans le test en plaque et suggère un comportement similaire pour les composés 1v et 2h. Enfin, l’aurone 2i comportant un substituant méthoxyle en plus

par rapport à 2h présente une activité faible sur le modèle AcPHF6 avec 12 % d’inhibition de

fluorescence à 10 µM. Ceci est corroboré par les études spectroscopiques où le composé 2i ne diminue que très peu la fluorescence lorsqu’il est incorporé aux fibres en présence de ThT (Figure 2.II.5) et confirmé par une absence de biais pour cette aurone, celle-ci ne n’étant que faiblement fluorescente seule et en présence de fibres. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les aurones 2h et 2i

présentent des propriétés spectroscopiques similaires, notamment une faible fluorescence intrinsèque et une absorbance modérée à 440 nm (absorbance de 0,24 et 0,22, respectivement,

Figure 2.II.2). Ces données suggèrent qu’à une valeur d’absorbance proche de 0,20, l’absorption des aurones testées a peu d’influence sur leur activité, l’aurone 2hétant active alors que l’aurone 2i est peu active.

Figure 2.II.5. Fluorescence des aurones 2h (gris) et 2i (jaune) seules (pointillé), en présence de fibres du modèle AcPHF6 et en absence (tiret) ou en présence (trait) de ThT.

Ces études permettent de conclure que dans les gammes de concentrations utilisées lors de ce premier criblage, les biais dus aux propriétés d’absorbance et de fluorescence des aurones sont

très faibles. En particulier, si l’intensité de fluorescence des aurones en présence de fibres est souvent légèrement augmentée, cette augmentation reste négligeable par rapport à l’intensité de la ThT liée dans le test (500 à 600 u.a.). En revanche, cela souligne la nécessité d’effectuer ce type d’études de manière systématique à des concentrations d’aurone supérieures à 10 µM.

Par ailleurs, l’ajout d’aurones aux fibres du modèle AcPHF6 préalablement incubées en

présence de ThT suggère que, à l’image des composés 1v et 2h, certaines aurones sont capables de

déplacer la ThT. Ceci n’exclut pas un effet inhibiteur de la fibrillation lors du test à la ThT. En outre,

l’ajout des aurones sur les fibres préformées est immédiatement suivi d’une diminution de fluorescence, puis d’un plateau pendant plusieurs heures, ce qui suggère que ces composés ne

En conclusion, le développement de modèles des fibres de tau a permis le criblage d’une quarantaine d’aurones ou de dérivés d’aurones. A l’issue de ce criblage, il est apparu important de synthétiser des nouvelles aurones comportant un maximum de fonctions hydroxyles sur leur squelette, celles-ci étant associées à une plus grande activité. La synthèse de ces aurones a été principalement axée sur une série comportant un motif résorcinol en position 4 et 6 sur le cycle A, motif fréquemment retrouvé dans les aurones naturelles et qui présente généralement une bonne activité dans les tests de fluorescence. Dans un second temps, l’évaluation des aurones sur les modèles a été réalisée à travers des études de fluorescence similaires à celles effectuées pour ce premier criblage. D’autres techniques complémentaires comme le CD et l’AFM ont également été utilisées pour mieux caractériser l’interaction des aurones avec les fibres.