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LA VAGHE MALADE

Dans le document BANQUE D'ÉPARGNE ET DE PRÊTS (Page 139-143)

Cette petite histoire s'est passée, voici dix ans, quelque part dans les combes du Jura. C'est un pays où l'eau est rare et où il y a plus de pompes que de

fon-taines.

Un laitier — mettons pour la commodité du récit qu'il se nommait Pierre-Henri Lavisé — avait, lui aussi, la coupable habitude de mêler un peu d'eau au lait de ses vaches. Le matin, il portait sous la pompe ses bidons à peu près pleins et, en un tour de main, complétait. Il vendait, sans remords, à la ville prochaine, cette mixture de lait et d'eau de citerne. Et ses manigances lui valaient un « bénéfice accessoire » suffisant pour mettre à l'étable, chaque annnée, une génisse de plus.

Mais tant va le bidon à l'eau... Des clients difficiles trouvèrent ce lait un peu pâle et se plaignirent. Lavisé jugea prudent de moins mouiller. Puis, soucieux de rat-tarpper l'eau et le temps perdus, il manoeuvra la pompe avec une énergie toute nouvelle. Si bien qu'un jour il força la dose et que l'expert s'en aperçut. Et le président du tribunal infligea au laitier, avec une semonce en règle, une amende assez coquette.

Il en fut parlé dans les journeaux, qui se mêlent toujours de ce qui ne les regardent pas, et Lavisé perdit du coup la moitié de ses pratiques. Pour en trouver d'autres, il porta en ville quelque temps un lait pur de tout mélange. Mais il souffrait, dérangé dans ses habitudes.

Vendre du lait faible, c'était plus fort que lui. Il céda à la tentation, se fit pincer de nouveau, récidiva, et les amendes de pleuvoir.

A chaque fois, elles augmentaient. Ce jour-là Lavisé

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qui venait d'en payer une fort lourde au greffe, se sentait chagrin. Il entra à l'auberge et s'y réconforta d'une fondue, d'un litre de blanc et de quelques petits verres.

Puis il tomba dans une rêverie profonde et se mit à ruminer: « Voyons, avec ces amendes, est-ce que j'y gagne, ou est-ce j'y perds ? » Le compte était difficile.

A dix heures du soir, le laitier, buvant un dernier kirsch, tout seul près de la fenêtre que rayait la pluie, n'était pas encore fixé, quand son voisin Bourgoz parut sur le seuil.

— Pierre-Henri, il y a une heure que je te cherche.

Ta meilleure vache est malade.

, — Pas vrai. La noire ?

— J'sais pas. J'I'ai pas vue. C'est ta femme qui m'envoie après toi. Faut te boujer.

Lavisé ne se le fit pas répéter. Laissant en plan l'obligeant Bourgoz, il courut vers sa ferme, par les chemins détrempés.

Il fut surpris en arrivant de ne point voir de lumière aux fenêtres. Il pénétra dans la chambre, réveilla d'une bourrade sa femme qui dormait et questionna haletant :

— Et la vache ?

— Quoi la vache.

— La vache malade.

— Y'en a pas.

Lavisé n'insista pas davantage. Il alluma sa lanterne et s'en fut voir à l'étable. Dans une ombre odorante et chaude, ses bêtes reposaient pesantes. II les fît lever l'une après l'autre, leur tâta les flancs leur examina le mufle.

Elles étaient toutes en parfaite santé.

Rassuré, Lavisé s'alla coucher : « Quelle sale blague, tout de même songeait-il en s'allongeant dans ses draps.

Faudra que Bourgoz me paye ça I »

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Mais le lendemain, au petit jour, quand il voulut à sa manière, achever d'emplir ses bidons, Lavisé eut un

• étonnement. Qui diable avait bien pu dévisser le bras

•et le tuyau de la pompe ? Et le « mouille-boille » comprit soudain : sa meilleure vache, en effet, était bien malade.

A MA V E J E N A !

I.

-Grahiâja, chti bon matin M'in d'alâvo to kontin :

Ly-è le furi ! Le j'oji chublyôtâvan jPerto lou pe gale tzan

Din le i'âbro hliori.

III.

In vo viyin, galéja, On nioujé à la rouja

Chu chon rojè, Vo cliédè k'ou velâdzo Chu vo, hou dou mim'âdzo,

Chon toté dzalàjè.

II.

Vothra bouârna foumâvè Et le tzévrè modâvè

Po le vani.

• Ou bri de cha hliotzéta, ,Béki, vothra tzévréta,

Viniê vê le borni.

IV.

Ma kan dévan la méjon Vo-j-é yu prindre Grijon,

Le grô matou, L'agnêtâ to bounamin, Et pu, rintiè d'on momin

L'a!... branchi dutrè kou 1 V.

Chin m'a fi de la pèna Et, ma bala vejena,

Iro dzala...

Chu rémodà in moujin : Ah ! che le pouro vejin

Irè pi ton grô tza !

i

F . RUFFIEUX.

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Professions libérales et professions mannelles

Sous une forme humoristique et un peu triviale, les lignes ci-après renferment des vérités qui méritent d'être méditées par nos jeunes gens et leurs parents ; le ton plaisant en fait d'autant mieux ressortir l'actuelle signification.

— Quelle profession exercez-vous ?

— Une profession libérale...

— Ahl.v. vous êtes médecin, avocat, écrivain, artiste, fonction-naire ou employé de commerce ?

— Non, je suis chaudronnier !

— Mais ce n'est pas une profession libérale...

.— Tout ce qu'il y a de plus libérale... Je gagne vingt-cinq francs par jour et je peux dire zut au patron : un de perdu dix de retrouvés. On me court après, positivement. Je dicte mes conditions...

Et à l'atelier, je vous prie de croire qu'on me traite avec des égards !....

J'ai des amis qui sont ajusteurs, électriciens, maçons, mouleurs, cor-donniers... Eux aussi exercent des professions libérales 1 Avant la guerre, devinez ce que je voulais faire de mon fils ?

•— Un fonctionnaire?

— Tout juste... Depuis, j'ai réfléchi. Un fonctionnaire, ça gagne peu, c'est engueulé par ses chefs, par le public, par les journaux.

Essayez un peu d'engueuler dans votre journal les chaudronniers!

— Il n'y a pas de raison.

— Il y en aurait même que vous n'oseriez pas. Je vous dis, les professions libérales, maintenant, c'est nous !

Le gaillard est dans le vrai. Qu'est-ce qti'un artiste qui tremble devant le marchand de tableaux, qu'est-ce qu'un auteur qui se voit rabroué avec son manuscrit, qu'est-ce qu'un avocat qili court après un plaideur improbable, qu'est-ce qu'un médecin qui attend désespé-rément un client, que sont ces ex-professions libérales auprès du métier de l'artisan indispensable, syndiqué, sollicité, bien payé ? Et que seront-elles après la guerre ?

Je parie que vous n'osez rien dire à votre bonne; elle n'aurait qu'à vous rendre son tablier. Elle exerce certainement une profession plus libérale que celle d'aquarelliste, de poétesse, de professeur de peinture, de dessin ou de piano. C'est bien un peu vrai. Que nos jeunes gens et nos jeunes filles se souviennent de la portée de ce dialogue !

Dans le document BANQUE D'ÉPARGNE ET DE PRÊTS (Page 139-143)