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Partie III Travaux

Chapitre 4 Expression hétérologue d’antigènes viraux chez les mycoplasmes

II.6. Vérification de l’expression par spectrométrie de masse

Suite à l’expérience démontrant la présence d’un ARNm pour nos deux constructions, nous avons décidé de vérifier à nouveau la présence de la protéine H par une technique plus sensible. Nous avons donc effectué une détection des peptides par spectrométrie de masse. Nous avons réalisé cette analyse sur les protéines des deux clones de Mmc correspondant à chacune des constructions et de la souche sauvage (WT, Hopt13 et Hopt-Ps6). Les clones étudiés avaient été testés précédemment en ce qui concerne la stabilité de leur insertion, avec absence de mutation dans leurs séquences, et la présence d’ARNm spécifique.

Les protéines H qui devaient être exprimées par les clones de Mmc transformés avaient une taille théorique de 68 kDa pour Hopt et 64 kDa pour Hopt-PS-myco. Nous avons donc analysé en spectrométrie de masse les protéines des différents clones dont la taille était comprise entre 45 et 80 kDa pour gagner en sensibilité, puisque nous suspections une

159 faible quantité de protéines. Néanmoins, l’analyse n’a pas permis de révéler des peptides appartenant à la protéine H du virus de la PPR dans le protéome des mutants Mmc. Tous les peptides identifiés appartenaient uniquement à Mmc. Nous n’avons pas jugé utile de refaire l’analyse avec les protéines de taille inférieure car s’il y avait eu une production de protéine tronquée elle ne serait pas un bon candidat pour la production d’anticorps neutralisants.

Nous avons cherché à révéler la présence de la protéine sur le mycoplasme dans son ensemble en travaillant sur les protéines totales présentes dans les culots des cultures lavés. L’absence de la protéine H observée alors que de l’ARNm spécifique a été mis en évidence chez les mycoplasmes transformés soulève l’hypothèse d’un éventuel relargage extracellulaire de la protéine. Il faudrait donc exclure la présence de la protéine H dans le milieu extracellulaire, même si ceci est peu probable en raison de la présence de peptides signal (dont un typique des lipoprotéines des mycoplasmes) qui devraient induire une translocation à la membrane cellulaire.

Quoi qu’il en soit, pour la preuve de concept d’un vaccin multivalent que nous voulions obtenir, il aurait fallu une expression suffisante de la protéine virale pour espérer avoir une réponse immunitaire protectrice chez les animaux. Cet outil n’est donc pas actuellement utilisable en l’état pour un essai vaccinal. Alors, par soucis d’éthique et du bien-être animal, nous n’avons pas mis en place les essais d’immunisation in vivo.

III Conclusion et perspectives

Nous avons réussi à insérer dans le génome de Mmc une construction portant un gène viral optimisé pour une expression chez les mycoplasmes à l’aide de notre système d’expression pMT/exp. La séquence du gène de la protéine H du virus de la PPR a été optimisée pour réduire le risque de reconnaissance d’ADN étranger par le mycoplasme. Dans une première construction l’intégralité du gène a été clonée dans notre système d’expression. Nous avons aussi réalisé une seconde construction en remplaçant le peptide signal de la protéine H par celui d’une lipoprotéine endogène de Mmm pour favoriser l’adressage à la surface du mycoplasme. Nous n’avons malheureusement pas pu révéler d’expression de la protéine H chez Mmc malgré la stabilité des séquences insérées au cours des passages et la présence d’ARNm spécifique, et ce pour les deux constructions réalisées.

160 Plusieurs raisons peuvent expliquer que nous n’ayons pas mis en évidence la protéine. La présence d’ARNm spécifique indique que la transcription a bien eu lieu, donc nous devons plutôt soupçonner des soucis de stabilité de ces ARNm et d’inefficacité dans la traduction, ou des problèmes dans le repliement de la protéine, voire une dégradation très rapide de celle-ci. La protéine peut ainsi être mal traduite (voire pas traduite) à cause des structures secondaires de l’ARNm, ou être en quantité trop faible pour permettre sa détection.

Une étude a mis en évidence un mécanisme à caractère général (ribosome en stand-by) qui contrôle la traduction de l’information contenue dans un certain gène, et cela en fonction des besoins cellulaires (Marzi et al., 2007). On peut éventuellement penser à un phénomène similaire de régulation négative de la traduction chez Mmc.

Si nous avions démontré l’expression de la H-PPR chez le mycoplasme, la suite aurait été de localiser la protéine dans la cellule mycoplasmique, par exemple par microscopie électronique avec immunomarquage à l’or. Puis, il aurait fallu prendre en considération le fait que les mycoplasmes ne sont pas capables de toutes les modifications post-traductionnelles qui ont lieu chez les cellules eucaryotes. Donc même si la traduction avait eu lieu, la protéine n’aurait pas forcément la conformation classiquement retrouvée chez son hôte naturel. La protéine H du virus de la PPR nécessite moins de modifications post-traductionnelles et c’est pour cela que nous l’avions choisie. Il s’agit d’une glycoprotéine, donc il fallait envisager une possible glycosylation par le mycoplasme. Comme d’autres mycoplasmes, les membres du groupe mycoides possèdent des glycosyltransférases et produisent des polysaccharides et des glycolipides (Bertin et al., 2015). La production de glycoprotéines par les mycoplasmes a aussi été démontrée chez trois espèces pathogènes de la souris et de l’homme (Jordan et al, 2014), mais ces composants n’ont pas encore été caractérisés chez le groupe mycoides. En tout cas, ces résultats montraient que les mycoplasmes possèdent des glycomes bien plus complexes qu’initialement envisagé et nous avaient encouragé à tenter l’expression d’une protéine glycosylée.

Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à faire exprimer une protéine virale chez les mycoplasmes pour en faire une preuve de concept de l’utilisation de ces bactéries comme vecteur vaccinal. Cet échec met en évidence des difficultés à envisager

161 pour l’expression hétérologue de protéines complexes chez les mycoplasmes. Aussi, très peu de choses sont connues sur la régulation de l’expression de gènes, ainsi que sur les modifications post-traductionnelles chez les mycoplasmes, mais ces modifications devront absolument être prises en considération lors de la sélection des protéines à exprimer. Des essais de développement de vaccin multivalent pourraient toujours être envisagés en associant plusieurs valences mycoplasmiques ou d’autres bactéries, voire des protéines virales plus simples, pour limiter les problèmes de traduction et de modification des protéines.

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