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Partie I Introduction générale

I.4. Facteurs de virulence des membres du groupe mycoides (modèle Mmm)

Mmm)

La pathogénie de la majeure partie des mycoplasmoses est le plus souvent due à une exacerbation des réponses immunitaires de l’hôte vis-à-vis du pathogène. Chez les mycoplasmes cultivables les facteurs de virulence peuvent être définis comme ceux qui ne sont pas essentiels à leur culture in vitro mais indispensables in vivo (Browning et al., 2014). La pathogénie des membres du groupe mycoides n’est pas encore bien appréhendée mais ces maladies sont caractérisées par une réaction inflammatoire importante qui peut être induite directement ou non par les mycoplasmes ou leurs dérivés toxiques. Les études sur ce groupe ont été réalisées en majorité chez Mmm. Aucun gène apparenté aux facteurs de virulence classiquement décrits chez les autres bactéries n’a été identifié dans son génome. En effet, il ne contient pas les traditionnelles adhésines, toxines et invasines (Westberg et al., 2004). Plusieurs autres facteurs pourraient participer au pouvoir pathogène de Mmm, tel que la sécrétion de métabolites secondaires oxydants, certaines protéines de surface ou encore la production de polysaccharides capsulaires (CPS) et d’exopolysaccharides (EPS) (Pilo et al., 2007).

 I.4.1. La sécrétion d’H2O2

Le mécanisme de pathogénicité le mieux décrit chez le groupe mycoides est lié au métabolisme du glycérol. En effet la sécrétion du peroxyde d’hydrogène (H2O2) chez Mmm, dérivée du métabolisme du glycérol, a été démontrée comme responsable de toxicité cellulaire in vitro. Cette sécrétion pourrait potentiellement in vivo, entrainer la stimulation d’un phénomène inflammatoire (Pilo et al., 2005). Ces résultats amènent à considérer la glycérol-phosphate oxydase membranaire (GlpO) comme potentiel facteur de virulence de Mmm (Pilo et al., 2007). Cette enzyme catalyse la désoxydation du glycérol-3-phosphate en dihydroxyacetone phosphate entrainant le relargage de H2O2, qui induit par la suite l’inflammation et les lésions cellulaires chez l’hôte (figure 6). Pour que la cytotoxicité ait lieu il faut une interaction très étroite entre le mycoplasme produisant l’H2O2 et la cellule hôte. Ce facteur de virulence à lui seul n’explique pas la pathogénicité. En effet, la souche vaccinale T1/44, dont la virulence est fortement atténuée, produit également de l’H2O2 et les

32 résultats des tests de cytotoxicité ne diffèrent pas significativement de ceux des souches africaines hautement pathogènes (Bischof et al., 2008). De plus, sa capacité d’adhérence est tout à fait équivalente à celle des souches virulentes (Aye et al, 2015).

La protection induite par un vaccin contenant cette protéine sous forme recombinante, en émulsion dans de l'adjuvant de Freund, a été investiguée (Mulongo et al., 2013). Une importante réponse anticorps anti-GlpO a été obtenue mais cependant aucune protection n'a été observée lors du test d'épreuve. Au contraire, les bovins immunisés ont présenté des signes cliniques plus importants que ceux observés sur le lot contrôle.

Figure 6 : Représentation schématique des potentiels mécanismes de virulence de Mmm. (D’après

Pilo et al., 2007)

 I.4.2. Les lipoprotéines

Chez les Mollicutes, les protéines membranaires sont pour la majorité d’entre-elles des lipoprotéines. Ces dernières ont un haut pouvoir antigénique et sont soupçonnées de déclencher le processus inflammatoire en modulant l’adhésion et en stimulant la production de cytokines pro-inflammatoires par les cellules immunitaires de l’hôte (Belloy et al., 2003; Brenner et al., 1997; Herbelin et al., 1994). Au sein du génome de Mmm on retrouve 56 gènes prédits comme codant des lipoprotéines et 86 pour Mmc. Chez Mmc, les séquences

33 de ces gènes présentent une grande hétérogénéité d’une souche à une autre alors qu’elles sont très homogènes chez Mmm (Thiaucourt et al., 2011).

L’impact sur le système immunitaire des lipoprotéines LppA, LppB, LppC et LppQ, a été évaluée (Dedieu et al., 2010). Seule la lipoprotéine immunodominante LppQ semble spécifique de Mmm (Pilo et al., 2003, 2007; Vilei et al., 2000) et a servi de base à l’élaboration d’un test de sérodiagnostic par ELISA (Abdo et al., 2000; Bruderer et al., 2002). L’élaboration d’un vaccin avec cette protéine n’a pas mis en évidence d’effet protecteur mais, a contrario, induirait une exacerbation des signes de la PPCB (Mulongo et al., 2015).

En définitive, peu d’études à ce jour rendent compte de la virulence potentielle des lipoprotéines chez Mmm.

 I.4.3. Les variations antigéniques

En absence de paroi cellulaire, les mycoplasmes ont développé des mécanismes élaborés et complexes offrant un dynamisme architectural adaptatif de leur membrane plasmique. Le rôle des protéines membranaires variables à la surface des mycoplasmes est très largement étudié pour mieux comprendre leur persistance et leur capacité à contourner ou échapper au système immunitaire. Ces protéines membranaires sont soumises à des oscillations de phase ON/OFF et/ou des variations de taille aléatoires à très haute fréquence (Citti et al., 2010). Ces mécanismes d’oscillations, en modulant rapidement la diversité antigénique membranaire, modulent les interactions avec leur cellules hôte, contribuent à l’échappement au système immunitaire et au maintien des populations mycoplasmiques dans l’organisme (Citti et al., 1997, 2010; Denison et al., 2005; Sachse et al., 2000). Certaines de ces protéines interviennent également dans l’adhésion ou le transport membranaire (Sachse et al., 2000; Theiss and Wise, 1997). Les mécanismes génétiques à l’origine de ces oscillations sont variés et décrits avec précision dans plusieurs revues (Citti and Rosengarten, 1997; Citti et al., 2010). Contrairement à d’autres mycoplasmes pathogènes de ruminants tels que M. bovis ou M. agalactiae, ces mécanismes semblent beaucoup moins généralisés chez Mmm pour lequel seulement deux types de variations sont décrits.

Un premier mécanisme concerne une famille de protéines variables de surface nommées Vmm qui entrainent une réponse humorale chez l’hôte (Hamsten et al., 2008).

34 Leur variation est régulée au moment de la transcription par ajout ou délétion de nucléotides impactant sur la taille finale de la protéine (Persson et al., 2002). Ces variations réversibles de taille interviennent à une fréquence de 9 x 10-4 to 5 x 10-5 par cellule et par génération. Néanmoins ces protéines ne sont pas immunodominantes et leur rôle dans la pathogénèse de la PPCB n’est à ce jour pas élucidé. Des gènes analogues de ceux codant les Vmm ont été identifiés chez les autres membres du groupe mycoides et M. putrefaciens (Persson et al., 2002). L’expression des produits de ces gènes ainsi que le phénomène de variation de phase est caractérisé pour les Vmc de Mcc (Wise et al., 2006) .

Le second mécanisme, découvert lors d’immunodétections sur colonies avec des anticorps monoclonaux, s’adresse à la perméase MSC_0860 appartenant à un système phosphotransférase du glucose (PtsG) (Gaurivaud et al., 2004). La variabilité est de type « switch ON/OFF ». La substitution d’une base en position 622 de la séquence ADN interrompt la traduction, conduisant à l’expression d’une protéine tronquée non-fonctionnelle (non détectée par les anticorps spécifiques) ou de la perméase intègre et fonctionnelle (détectée par les anticorps spécifiques). La protéine PtsG est associée chez Mmm à la présence/absence de capsule (Bertin et al., 2013). Cette capsule est composée d’un polysaccharide extracellulaire appelé galactane. Le galactane est un polymère qui peut à la fois faire partie de la capsule (CPS) et être sécrété sous forme libre non associée aux cellules (EPS) (Bertin et al., 2013).

 I.4.4. Les polysaccharides

L’implication des polysaccharides dans l’initiation et la persistance de la PPCB a longtemps été envisagée. La production de galactane par Mmm a été suspecté d’induire des dommages tissulaires in vivo (Buttery et al., 1976) mais il demeure un doute sur la pureté des produits inoculés aux bovins. Ces lésions pourraient s’expliquer par une réaction auto-immune due à la ressemblance antigénique entre le galactane du mycoplasme et celui des poumons. Chez Mmm le galactane est aussi probablement impliqué dans la persistance et la dissémination du mycoplasme chez l’hôte en protégeant le mycoplasme du système immunitaire (complément, granules lytiques, anticorps) (Lloyd et al., 1971). En effet, les variants capsulés de Mmm induisent chez la souris une bactériémie plus longue in vivo que les variants ne produisant pas de capsule et sont plus résistants à l’inactivation par le sérum

35 in vitro (Gaurivaud et al., 2014). En ce qui concerne les variants non capsulés, qui produisent des polysaccharides sous forme libre (EPS), ils présentent une meilleure capacité d’adhésion aux surfaces et peuvent favoriser la production des biofilms (Garivaud et al., 2014). Ces mutants présentent aussi une plus grande résistance au H2O2 et aux peptides antimicrobiens. Cependant, il a été montré plus récemment que les EPS possédaient des propriétés anti inflammatoires. En effet, le galactane purifié à partir de Mmm augmente la production de la cytokine anti-inflammatoire IL-10 in vitro par des macrophages bovins et, réduit la production de cytokines pro inflammatoires induite par le LPS chez ces mêmes cellules (Totté et al., 2015).

Des mutants dépourvus de galactane obtenus chez Mmc ont permis d’envisager l’hypothèse que ces sucres masquaient les adhésines mais étaient nécessaires à l’intégrité de la membrane (Schieck et al., 2016). De manière intéressante, ils ont aussi montré que l’absence de galactane augmentait l’adhésion aux cellules et la résistance au sérum.

Pour terminer, il a été montré que Mmm est capable de produire des biofilms sur des surfaces inertes, ce qui lui permet de mieux résister aux stress du milieu extérieur (la chaleur et les détergents) mais aussi d’accroitre sa persistance (McAuliffe et al., 2008). Ces biofilms sont constitués typiquement de polysaccharides. En effet, comme mentionné précédemment, les variants non capsulés de Mmm, qui produisent des EPS, présentent un meilleure capacité adhésion aux surfaces et sont soupçonnées de favoriser la production des biofilms (Garivaud et al., 2014).