• Aucun résultat trouvé

Partie III Travaux

Chapitre 4 Expression hétérologue d’antigènes viraux chez les mycoplasmes

I.1. La peste des petits ruminants

La PPR est une maladie virale, contagieuse, très grave sur le plan clinique, listée parmis les maladies à déclaration obligatoire à l’OIE. Les conséquences de la maladie sont directes, avec des pertes importantes pouvant engager le maintien de l’activité d’élevage, ou indirectes par l’application locale de mesures de contrôle ou de barrières sanitaires à l’échange d’animaux (Banyard et al., 2010). Les impacts socio-économiques sont dramatiques pour les éleveurs de chèvres et moutons, où les taux de morbidité et mortalité peuvent atteindre respectivement 80% et 90-100%. La PPR, sévissant jusque-là en Afrique, au Moyen Orient et en Asie, est en expansion et constitue une menace pour l’Europe car elle se trouve maintenant à ses frontières : à l’est avec la Turquie depuis 2004, et plus au sud, avec le Maroc depuis l’été 2008 (Charbonnier et al., 2015).

La PPR est due à un virus du genre Morbillivirus de la famille des Paramyxoviridae. Il s’agit d’un virus enveloppé, pléomorphe dont la taille varie de 400-500 nm (Gibbs et al., 1979). Son génome, d’une taille d’environ 16 kb (Bailey et al., 2005), est constitué d’un ARN monocaténaire négatif non segmenté codant pour six protéines structurales (N, P, M, F, H et L) et deux protéines non structurales (C et V) (Bailey et al., 2007, figure 41). La nucléoprotéine (N) forme un manchon protecteur autour de l’ARN génomique. Elle est la protéine la plus abondante dans le virus et donc la cible préférentielle des anticorps. Les antigènes de la N sont largement utilisés dans les tests de diagnostic. En revanche, les anticorps produits ne sont pas neutralisants in vitro (Diallo et al., 2007; Sinnathamby et al., 2001). La phosphoprotéine (P) interagit avec la protéine N et favorise l’encapsidation des ARN viraux néo-synthétisés. Elle interagit aussi avec l’ARN polymérase ARN dépendante (L)

148 pour former le complexe de polymérisation de l’ARN, responsable de la synthèse des ARNm et de la réplication de l’ARN viral génomique. La polymérase L possède en effet toutes les activités enzymatiques nécessaires à la polymérisation de l’ARN, initiation, élongation, terminaison, coiffage, méthylation et polyadénylation (Schnell and Conzelmann, 1995). Lors de sa libération, le virus emprunte son enveloppe à celle de la cellule hôte, dans laquelle s’insèrent la protéine de matrice (M), la plus petite des protéines virales (335 aa), qui recouvre la face intérieure de l’enveloppe virale et sert de lien avec la nucléocapside (Haffar et al., 1999), et les deux glycoprotéines de surface F et H. L’hémagglutinine (H), longue de 609 aa, est une protéine glycosylée qui permet la fixation du virus au récepteur de la cellule hôte. La protéine de fusion (F), aussi glycosylée, est composée de 546 aa. Elle est responsable de la fusion entre les membranes du virus et de la cellule hôte. Cette activité n’est acquise qu’à la suite d’un processus de maturation qui aboutit au clivage de F en deux sous-unités : F1 et F2. Ce clivage, effectué par une protéase cellulaire, permet de libérer à l'extrémité de F1 un peptide très hydrophobe dit peptide de fusion (Meyer and Diallo, 1995). Les deux protéines glycosylées F et H sont la cible d’anticorps neutralisants in vitro et sont utilisés dans les tests de diagnostic, ainsi que pour le développement de vaccins recombinants (Parida et al., 2015). Finalement, les deux protéines non structurales (C et V) ne sont retrouvées que dans les cellules infectées. Ces protéines interfèrent également avec l’immunité innée en bloquant la réponse interféron (Chinnakannan et al., 2013; Sanz Bernardo et al., 2017).

149 Il existe un vaccin homologue largement utilisé pour lutter contre la peste des petits ruminants. Développé en 1989 par atténuation de la souche virulente Nigéria 75/1 par passages successifs sur des cellules (Diallo et al., 1989), ce vaccin offre une bonne protection aux animaux durant leur vie économique, soit environ trois ans. De plus, ce vaccin peut s’utiliser aussi chez les femelles gestantes. En 25 ans, ce vaccin a prouvé son efficacité indépendamment des lignées virales et son coût de production est faible à large échelle (Sen et al., 2010). Néanmoins, ce vaccin est sensible à la chaleur, or dans les pays du Sud il n’est pas toujours facile de conserver la chaîne du froid pendant les campagnes de vaccination. Des essais de stabilisation thermique lui associant un cryo-protecteur ont permis de prolonger la demi-vie de quelques heures à 21 heures à 37°C après reconstitution et jusqu’à 14 jours à 45°C sous sa forme lyophilisée (Charbonnier et al., 2015). Un autre facteur limitant dans les programmes de lutte contre la PPR est que ce vaccin ne permet pas la distinction sérologique entre animaux vaccinés et animaux naturellement infectés (concept DIVA). Le développement d’un vaccin PPR marqué rendrait possible cette distinction et permettrait d’améliorer l’efficacité des mesures de contrôle tout en allégeant les contraintes sur les échanges d’animaux. Ainsi, des animaux vaccinés et non infectés provenant d’une zone où l’infection a été contrôlée, pourraient être exportés (Charbonnier et al., 2015). De plus, l’utilisation de vaccins multivalents permettrait de limiter les couts de vaccination, qui reposent principalement sur l’organisation des campagnes, en limitant le nombre d’interventions nécessaires pour protéger les animaux contre plusieurs maladies. Ceci devient particulièrement intéressant lorsque l’on prend en considération le programme d’éradication mondiale de la PPR d’ici 2030 (Charbonnier et al., 2015).

Des vaccins multivalents recombinants ont été obtenus en utilisant des virus capripox atténués comme vecteurs exprimant les gènes F (Berhe et al., 2003) ou H (Diallo et al., 2002) du virus de la PPR. Cette approche permet la production de vaccins multivalents grâce au fait que les pox virus (responsables de la variole) sont capables d’exprimer plusieurs gènes hétérologues. Ces vaccins offrent ainsi une double protection contre la variole et la PPR, qui sont deux maladies importantes chez les moutons et chez les chèvres endémiques dans les mêmes zones géographiques. Cependant, si bien elles ont montré une certaine efficacité pour protéger les chèvres et les moutons (Chen et al., 2010), ces résultats ont été récemment nuancés (Caufour et al., 2014). En effet, en présence d’une immunité ancienne

150 naturelle contre le virus de la PPR, les vaccins recombinants n’ont pas une efficacité complète. Ceci s’explique par le fait que les anticorps anti-PPR présents avant la vaccination ralentissent la réplication des capripox-PPRV H et F vaccinaux, ce qui réduit l’expression des protéines H et F et donc la réponse anticorps spécifique contre le virus recombinant. Le même type d’approche a aussi été réalisé chez les adénovirus (Herbert et al., 2014). D’autres avantages importants de ces vaccins sont qu’ils permettent la différenciation entre les animaux naturellement infectés et les animaux vaccinés (DIVA) et qu’ils sont thermorésistants. Mais cette approche vaccinale ne peut pas être utilisée actuellement pour le développement de vaccins anti-mycoplasmose puisque l’on ne connaît toujours pas les antigènes permettant la protection contre ces maladies. Jusqu’à présent, il est difficile d’imaginer qu’un seul antigène mycoplasmique présenté par un vecteur viral permette d’obtenir une protection efficace. Les vaccins actuels qui protègent des mycoplasmoses contiennent la bactérie dans son ensemble, que ce soit atténuée (exemple de la PPCB) ou tuée et adjuvée (cas de la PPCC) et ces vaccins confèrent une protection plus ou moins satisfaisante.

L’objectif de ce chapitre de thèse était alors de retenter l’expression de la H-PPR par Mmc en utilisant notre système d’expression de gènes pMT/exp pour fournir une preuve de concept de l’utilisation des mycoplasmes comme vecteur vaccinaux. L’obtention de mycoplasmes recombinants exprimant la H de la PPR permettrait d’avoir un vaccin DIVA et thermorésistant car nous formulerions ce vaccin, au moins en première intention, à partir d’une souche pathogène tuée et adjuvée à la saponine, comme l’est actuellement le vaccin contre la PPCC. Si l’expression virale était suffisante chez les mycoplasmes nous vérifierons la production d’anticorps neutralisants in vivo après immunisation de lapins.

151

II Résultats